Utopie et primitivisme en poésie et en peinture, la ’’secte des barbus’’, des ’’illuminés’’ sous le Consulat
- Authors
- Publication Date
- Dec 13, 2017
- Source
- HAL-UPMC
- Keywords
- Language
- French
- License
- Unknown
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Abstract
C’est une communauté d’artistes bien étrange, dont le poète Charles Nodier nous a laissé une description. Les peintres et les poètes, qui en firent partie, prétendirent ressusciter parmi eux les formes, les mœurs et les vêtements des premiers siècles. Ils affectèrent ainsi de porter l’habit phrygien, de se nourrir de végétaux, de vivre en petites communautés afin d’incarner une peinture vivante d’un âge d’or idéalisé. Constitué autour du peintre Maurice Quays, le groupe des « Médiateurs », aussi nommée « secte des Barbus », en raison de leur apparence physique, connut une brève existence entre la fin de la Révolution et le Consulat. Née originellement au sein de l’atelier de David, cette communauté regroupa des adeptes du goût néoclassique, qui poussèrent la logique jusqu’à adopter le style grec antique dans leur mode de vie quotidien, et plus seulement dans leurs productions artistiques. L’existence d’une telle communauté semble pouvoir s’expliquer par l’acculturation des différentes couches sociales à l’anticomanie. Ce goût pour l’Antiquité, bien qu’antérieur à la Révolution, fut particulièrement prégnant pendant la période révolutionnaire dans les références politiques. L’atelier de David, député montagnard à la Convention, fut certes pour ses élèves aussi membres de cette secte (comme Quays, les frères Franque, ou Jean Boc) un lieu de politisation, mais certains d’entre eux s’engagèrent du côté de la Révolution, avant même de fréquenter le peintre fameux du Serment du Jeu de paume. À titre d’exemple, Jean Boc, avant de débuter une carrière dans les arts, fut, un temps, enrôlé dans les armées révolutionnaires et participa à la guerre de Vendée. Nodier, lui, produisit quelques vers en l’an II en l’honneur de Viala et Barra. Tous ces jeunes gens, âgés seulement d’une vingtaine, voire d’une trentaine d’années sous la Révolution et le Consulat, semblent se caractériser par la radicalité de leur pensée et de leurs habitudes. L’habit et le corps (cheveux longs, longues barbes) devinrent chez eux un marqueur identitaire et politique fort. L’appartenance à cette secte des Barbus et les pratiques vestimentaires, alimentaires, corporelles même, de ses membres invitent à interroger le contexte idéologique et les représentations à l’œuvre dans la formation d’un tel groupe humain. Il s’agira de replacer la secte des Barbus dans le contexte plus général du primitivisme, qui a eu cours dans les milieux artistiques et littéraires des dernières décennies du XVIIIe siècle. Nous essaierons de montrer les liens de l’illuminisme, du néopaganisme et de la vogue pour la poésie d’Ossian avec cette communauté d’artistes. Les pratiques concrètes de cette communauté seront aussi à rapprocher des questionnements sur la société et le nouveau contrat social induits par le bouleversement révolutionnaire, sur la place des hommes, des artistes et des animaux, suite, notamment, à l’avènement de la Ière République. Nous essaierons, enfin, de voir comment l’engagement révolutionnaire de certains membres des Barbus put influencer jusqu’au fonctionnement et à la structuration de la secte.