Pieve, paese è paisaghju. Une histoire spatiale de la plaine du Fretu et de l’Extrême-Sud de la Corse (XIIIe- XIXe siècles)
- Authors
- Publication Date
- Jul 02, 2022
- Source
- HAL
- Keywords
- Language
- French
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- Unknown
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Abstract
Doublement isolée en tant qu’île-montagne, la Corse présente des avantages certains pour qui serait à la recherche de spatialités historiques « non-modernes ». Bien que géographiquement et culturellement rattachée au nord et au centre de la péninsule italienne, l’île ne connut pas les développements démographiques, économiques, urbains et agricoles caractéristiques de l’Italie communale et renaissante. A la fin du Moyen-Âge, sous la pression des raids barbaresques, face aux ravages de la malaria et à ceux des guerres répétées des seigneurs locaux, les communautés corses désertèrent peu à peu les plaines côtières pour se fixer en moyenne montagne. Pratiquant une économie agro-pastorale de subsistance, elles n’utilisèrent alors les plaines que comme des espaces de transhumances hivernales et de cultures de céréales sur brûlis. Définitivement conquise par Gênes au début du XVIe siècle, l’île se vit alors imposer une série de politiques agricoles visant à mettre les plaines littorales en cultures. Rendus possibles par la fondation de bourgs côtiers (Ajaccio, Bastia, Porto-Vecchio), ces projets agraires, influencés par les paesaggi toscans, lombards et ligures, échouèrent pour la plupart, notamment dans le Sud de l’île, monde pastoral par excellence. Cette situation conduisit au maintien, durant l’époque moderne, de deux constructions sociales et spatiales insulaires : la pieve et le paese. Vernaculaires, ces formes d’organisation de l’espace perdurèrent jusqu’à la conquête de l’île par la France, à la veille de la révolution française. A mi-chemin des villages montagnards d’Alta Rocca et de la citadelle génoise de Bonifacio, le Fretu a la particularité d’avoir rarement été occupé comme un territoire à part entière ni appréhendé comme une unité fixe et bien définie. Pays côtier mal protégé, il fut la plupart du temps utilisé simultanément par des communautés périphériques concurrentes (Bonifacio, Sartenais, Alta-Rocca, Porto-Vecchio). Souvent marginale, parfois disputée, cette plaine littorale a ainsi régulièrement joué un rôle de limite ou de frontière entre plusieurs mondes. En outre, si elle fut, à certains moments de son histoire, identifiée comme l’assise potentielle d’une série de projets agricoles coloniaux génois (Figari, Porto-Vecchio), ces entreprises eurent pour point commun d’avoir toutes plus ou moins échoué. Du point de vue de l’histoire de l’espace, cette situation offre l’avantage d’avoir vu, sur un même lieu et sur le temps long, s’agréger, perdurer, se confronter et s’entremêler des organisations sociales et spatiales d’origines et de logiques diverses. A ce titre, le Fretu a pu être considéré comme une sorte de laboratoire de diversités et d’hybridations spatiales. C’est donc avant tout dans la recherche de nuances et de singularités relatives au contexte rural de l’Extrême-sud de la Corse, mis en contraste avec les développements urbains, agraires et commerciaux de l’Italie centro-méridionale et de la France, ici régulièrement contrariés, que s’est logé l’ambition de ce travail.