L'utilisation de la vidéo comme levier des apprentissages
- Authors
- Publication Date
- Jul 10, 2023
- Source
- Hal-Diderot
- Keywords
- Language
- French
- License
- Unknown
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Abstract
Le choix de ce sujet repose sur plusieurs constats. Tout d’abord, lors de l’année scolaire2020/2021, 64564 élèves sont arrivés dans le système scolaire français, après avoir quitté leur pays d’origine (Brun, 2022). Ces élèves peuvent bénéficier d’une double inscription pédagogique, en classe régulière et en Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (désormais UPE2A), dans laquelle ils bénéficient d’un apprentissage intensif du français en tant que langue seconde et parfois avec des enseignements disciplinaires correspondant aux programmes de l’Education Nationale. Malgré les offres d’accompagnement linguistique et des progrès constants des élèves, les orientations scolaires se réalisent davantage vers des filières professionnelles, notamment celles considérées comme les moins prestigieuses (Mendonça Dias et Paroux, à paraître).Ensuite, second constat, l’image a depuis longtemps un rôle important dans l’acquisition d’une langue seconde. Il existe de nombreuses méthodes qui utilisent l’image soit comme support d’étude, soit comme support de création lors des séquences d’enseignement.Toutefois l’image et le son sont des éléments protéiformes qui, bien que très présents dans le quotidien des élèves, restent souvent opaques. La sous exploitation des qualités propres de l’image et du son conduisent à la multiplication de supports, rapidement épuisés. C’est dans cette optique que j’ai choisi de réfléchir à une exploitation optimisée de la vidéo. Le projet s’articule autour d’une double approche qui consiste à acquérir une langue seconde, le français, tout en développant des compétences liées à l’image et au son qui sont inscrites dans les programmes scolaires.J’ai donc choisi de poursuivre une expérimentation conçue par Catherine Mendonça Dias, didacticienne des langues et Karine Millon Fauré, didacticienne des mathématiques. Le but de cette expérimentation est d’aboutir à la création de vidéos plurilingues par les élèves de l’UPE2A, avec pour problématique de comprendre comment ces vidéos peuvent être un levier dans les apprentissages. L’UPE2A par sa fonction particulière, rejoint une typologie de classe plus proche de la classe de langue que de la classe ordinaire, c’est pourquoi il semble intéressant de se pencher sur ce qui se pratique en classe de langue.Dans une première partie, j’aborde le fait que l’utilisation de l’image peut sembler paradoxale dans la mesure où elle est non discursive. Toutefois comme le note Catherine Muller, didacticienne des langues, “c’est précisément en raison de son caractère non discursif que l’image est immédiatement accessible et peut être commentée par des locuteurs, quel que soit leur niveau de compétence dans la langue cible.” (Muller, 2012) Par “non discursif” Muller sous-entend non vecteur de discours. AINSI PAS DE TEXTE A TRADUIRE OU COMPRENDRE Pour Joséphine Rémon, didacticienne des langues, il est important de choisir un support filmique qui permette une pédagogie holistique. Il convient de choisir une ressource pour que ce ne soit “plus seulement le système de connaissances langagières qui [soit] soumis à modifications mais le système de connaissances non-langagières.” Ainsi la langue conserve son statut d’outil et non plus de support. Les échanges entre élèves permettent alors une écoute engagée et “la langue devient un vecteur pour une modification d’un système de connaissances”. On rejoint les objectifs du FLSco qui utilise la langue seconde dansl’objectif d’acquérir des connaissances scolaires diverses. Le choix pédagogique du support audiovisuel est le caractère particulier du “voir ensemble”, qui selon Rémon indique à l’élève que l’enseignant le “respecte en tant que sujet éthique. Dans une approche holistique telle que celle qui utilise les supports filmiques comme déclencheur éthique, on signifie à l’apprenant qu’il est considéré dans sa globalité et capable de réflexion sur le fond.” (Rémon, 2013)Suite à ces constats, j’ai choisi de mettre en place une ingénierie pédagogique construite autour d’un projet de recherche action initié par Catherine Mendonça Dias et Karine Millon Fauré qui consiste en la réalisation de vidéos plurilingues par des élèves en UPE2A, sur un thème mathématique1 (décrire une activité mathématique, faire des mathématiques dans sa vie quotidienne…). La contrainte imposée est que la vidéo soit réalisée dans une langue ou des langues autres que le français (a priori, une langue familiale ou de scolarisation antérieure, en ce qui concerne les élèves allophones) et une explication doit être apportée en français. Il est attendu des élèves qu’ils travaillent des compétences de production de discours sur l’activité mathématique, à la fois oralement et par écrit. Cette expérimentation fait appel à la pédagogie du projet et suit la perspective actionnelle du CECRL.L’expérimentation s’organise aussi sur la base de la coopération entre pairs, ce qui renvoie à des compétences visées par le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture2. En même temps, elle facilite les interactions verbales du fait du travail en sous-groupe. Enfin, les élèves mobilisent des compétences plurilingues et mathématiques, 2 Ce socle correspond au référentiel de tout ce que « tout élève doit savoir et maitriser » à la fin de la scolarité obligatoire fixée à 16 ans dans le système éducatif français. Il se trouve ici :https://www.education.gouv.fr/le-socle-commun-de-connaissances-de-competences-et-de-culture-125121 https://www.francaislangueseconde.fr/plurimaths/plurimaths-projet/renvoyant d’une part à la didactique des langues et d’autre part, à la didactique desmathématiques. La pédagogie se veut inclusive au moment de la production, car les élèves mobilisent différentes compétences, pouvant être autonomes par rapport aux programmes scolaires, et au moment de la diffusion, les réalisations sont potentiellement une médiation d’interaction avec les élèves natifs lors de la présentation des projets ou leur mise en oeuvre dans l’établissement. (Maugez et al., 2020, p.221) Cette production est le résultat de tout un travail réalisé en amont autour de l’analyse de séquences et de manipulations de la caméra.Dans la rédaction du mémoire, je développe le fait que le travail autour de la vidéo permet une production orale de la part des élèves qui parlent de/sur/avec/à partir de l’image. Les phrases produites sont alors au service de la lecture. Les analyses liées à ces productions développées dans ce mémoire abordent les différents types de feedbacks et font état des notions métalinguistiques abordées avec les élèves suite au projections ou réalisations.J’aborde également le dessin comme support pour l’analyse de la réception par l’élève des différents éléments vus, que ce soit l’analyse de séquences vidéo ou la réalisation. La manipulation est au coeur du dispositif pédagogique et permet de donner du sens aux apprentissages pour ensuite construire de la parole. Les élèves se retrouvent dans des situations authentiques de communication. Ces situations vont leur permettre de développer une parole experte construite lors des séances d’analyse mais également lors des réalisations de vidéos. Les élèves rencontrent et développent ensemble les notions d’interculturalité et de co-culturalité. Le support vidéo a permis aux élèves de sortir de la classe en faisant des documentaires ou un vidéoguide plurilingue pour la nuit des musées. Ces projets ont permis des aller-retour avec l’extérieur et ainsi créer un lien entre les élèves et la communauté scolaire. Tout ce processus transdisciplinaire fait entrer en résonance des connaissances, des savoirs faire et savoirs être aboutissant à la création des vidéos mathématiques plurilingues.Plus qu’un prétexte, la vidéo est alors un véritable levier des apprentissages scolaires.Les données sont recueillies auprès d’élèves allophones nouvellement arrivés en France dont les langues sont : espagnol, dari, peul, kinyarwanda, arabe (dialecte Algérien), ukrainien.Les données seront construites à travers la mise en place d’unités didactiques, desenregistrements réalisés lors de séances et des dessins réflexifs. La constitution du corpus repose sur ma participation au dispositif mis en place. Il s’agit ainsi d’une auto-observation de pratiques professionnelles. Je procéderai à une analyse qualitative faite à partir de productions d’élèves. Le corpus sera constitué de productions écrites, de dessins commentés, de réalisations audiovisuelles et de productions orales. Il s’agira d’analyser la qualité de la production écrite et orale finale mais également l’autonomie des élèves en s’appuyant sur l’analyse comparatiste des différentes productions réalisées au cours de l’unité didactique.