Les risques : objets de politiques publiques ou formes données à un problème ?

Après avoir longtemps été considérés comme relevant de l'ingénierie sociale, les risques ont été progressivement pris en compte par la recherche en sciences humaines et sociales. Ils sont même devenus, au cours de la dernière décennie, des objets de prédilection pour penser le social, le politique et, ainsi faisant, pour renouveler une partie du travail sociologique (au sens large du terme). Cet investissement, observable tant en France qu'à l'étranger, s'est effectué à travers diverses approches des risques. Certaines ont de fait été imposées aux sciences humaines et sociales, dernières arrivantes dans le champ des risques (après de nombreuses autres sciences). D'autres correspondent à l'autonomisation progressive de la réflexion des sciences humaines dans ce domaine. Les risques, en tant que problèmes, se trouvent donc appréhendés de diverses façons. <br />Dans une approche qui reste très dominante, les risques sont définis comme des problèmes à gérer, les sciences humaines et sociales étant essentiellement convoquées pour résoudre des difficultés échappant aux compétences des gestionnaires de risques ainsi que des experts techniques et scientifiques. Une autre approche, promue par les chercheurs, notamment dans le cadre de différents programmes de recherche, a conduit à appréhender les risques comme des problèmes construits, notamment lorsqu'ils acquièrent le statut de problèmes publics. C'est essentiellement à travers cette approche que les sciences humaines et sociales ont affirmé leur autonomie, ont interrogé des approches trop exclusivement gestionnaires (sans cependant toujours s'en détacher). Une dernière approche, très minoritaire et exclusivement située dans le champ de la recherche en sciences humaines et sociales, conduit à considérer les risques comme une forme extrême donnée à un problème. Cette approche invite à resituer la « forme risque » par rapport à d'autres formes, plus ordinaires, que peuvent prendre les problèmes.<br /> L'examen de ces différentes approches ainsi que des limites successives rencontrées, permet de mieux comprendre les évolutions de la réflexion en sciences humaines et sociales mais, également, les difficultés auxquelles elles se trouvent confrontées dès lors qu'elles ne réfèrent pas aux définitions évidentes et toujours dominantes des risques.