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Les quartiers populaires de pêcheurs en Méditerranée face au surtourisme. Désordres et révoltes urbaines, l’importance des associations d’habitants : la Barceloneta (Barcelone – Espagne)

Authors
  • Ballester, Patrice
Publication Date
Jun 20, 2024
Source
Hal-Diderot
Keywords
Language
French
License
Unknown
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Abstract

Pour Barcelone, entre 1988 et 2014, les statistiques officielles de l’office de tourisme enregistrent un passage de 2,5 millions à 15 millions de visiteurs internationaux, soit une multiplication par 7 de touristes. Le rythme régulier de la croissance continue du tourisme international à l’échelle mondiale se répercute dans le premier bassin touristique mondial : la Méditerranée. La force d’évocation de Barcelone pour les TO et professionnel du tourisme, mais aussi de son front de mer contemporain est telle que la surfréquentation du littoral et sa congestion sont des conséquences bien visibles sur certains quartiers comme la Barceloneta, un vieux quartier de pêcheurs aux prises à de nombreux problèmes environnementaux, sociétaux et économiques. Ces données montrent le succès des aménagements de la ville à la suite du remaniement du plan économique et de la transformation de son port dans les années 1980 afin de pouvoir accueillir les Jeux olympiques de 1992. Pour les grands comme pour les petits ports, la politique consiste à ne plus avoir d’espace portuaire proprement dit, mais des « morceaux de ville » à créer, à gérer et à vendre à des investisseurs comme pour le projet du groupe Solidere de Beyrouth. À ce titre, la demande en espace public de qualité se fait de plus en plus pressante pour générer des aménités augmentant le prix du foncier en Méditerranée. Ceci doit permettre une redéfinition de l’espace maritime avec une volonté ou un marketing municipal ayant pour objectif de faire vivre ensemble les habitants, les touristes, les commerçants et les nouveaux résidents des marinas. Pour Barcelone, avec trois espaces publics de plaisance modernes construits en moins de dix ans dont le Port Vell, 1992 (« vieux port ») juxtaposant le quartier de pêcheurs de la Barceloneta, la révolte urbaine couvée depuis bien longtemps. Le succès de la Barcelone post-Jeux olympiques de 1992 est une calamité pour certains résidents : des touristes torses nus, arborant des tenues de plage parfois vulgaires, voire indécentes, abondent, des naturistes sont visibles à proximité de squares pour les enfants, tandis que se développe la location de pisos, appartements touristiques, légaux, mais aussi illégaux, illégaux ("les narcopisos" ou appartements dédiés à la vente de drogue), souvent très proches des lieux touristiques, du front de mer, des plages, du Port olympique et de son Casino. Un événement anecdotique, car devenu ordinaire sur le front de mer, survenu à la mi-août 2014 – un groupe de jeunes madrilène complètement nus, venant de la plage et cachant leur sexe avec leurs mains essayant d’acheter des aliments dans une supérette tenue par des Pakistanais – a montré que les habitants sont prêts à se mobiliser face à ces comportements de jeunes fêtards incompatibles avec la vie d’un quartier historique de pêcheurs, l’un des plus populaires de Barcelone, mais aussi des plus stratégiques et touristiques au monde. La réaction des locaux - la « révolte de la Barceloneta » - acquiert d’emblée une forte visibilité alors que les photographies de l’un des reporters-photographes, Vicens Forner, les plus célèbres de Barcelone, natif du quartier, indigné par ce qu’il a vu, se répandent dès le lendemain dans tout le microcosme intellectuel catalan et dans la presse – TV nationale et mondiale. À sa suite, l’association des habitants de la Barceloneta organise une riposte à travers de multiples actions à la fois de « révolte – manifestations bruyantes non violentes de nuit comme jour » et « d’assaut de la maire de Barcelone » avec le canon historique du quartier. On constate l’événement, la naissance de la tourismofobia, tourismophobie des habitants contre le modèle touristique et les incivilités de ceux-ci, mais aussi pour garantir leur lisibilité sur le plan politique et social auprès de la municipalité de Barcelone à travers le réseau très puissant des associations d’habitants de la ville. Depuis ces évènements et les manifestations annuelles pour montrer la détermination de la population locale, nous proposons de revenir sur les dix années de lutte et de manifestations – « révoltes » de la Barceloneta pour montrer comment un quartier populaire d’habitant parfois totalement désemparé par la violence et les effets du tourisme maintient plus ou moins un cadre de vie à travers des « happenings» médiatiques et des manifestations identitaires de rue. A cela, le rôle néfaste des groupuscules d’extrême-gauche est mis en avant par leur intrusion au sein du quartier de la Barceloneta les années suivants la révolte de 2014 et un peu partout dans la capitale catalane à travers un discours radical violent, sans fondement et peu constructif pour mettre en avant des intérêts de groupe ou de parties politiques anti-démocratique contre le marché et les libertés publiques. À partir d’un questionnaire inédit prenant en compte les réseaux sociaux, les acteurs de l’association et les responsables municipaux, nous arrivons à trois conclusions que nous développerons lors du colloque : il existe un avant et après « révolte de la Barceloneta » au sein de la vie politique de la capitale catalane, l’évènement de la révolte des habitants fut salutaire sur le plan médiatique [nous traiterons de la grande manifestation de colère des habitants comme point crucial et de départ – retour sur une mémoire collective de quartier et du rendu télévisuel aussi] mais aussi sur le plan de la rénovation urbanistique (Lonja des pêcheurs et centres culturels, marque de quartier, marketing urbain associatif, présence policière, contrôle des appartements, lutte contre les incivilités…) et des logements sociaux (en partie) (1) ; néanmoins les inquiétudes sont toujours présentes et des accrochages existent toujours entre des habitants excédés et touristes, très souvent médiatisés par les TV locales et nationales, le risque d’une gentrification accélérée existe aussi à travers le retour de l’événement ou du méga-événement comme l’America’Cup – Louis Vuitton et d’une revanchist city (2), enfin, un renouveau des associations se constate, mais aussi une mise en concurrence de celle-ci face à des mouvements plus violents. Il existe une mémoire des combats de la Barceloneta contre diverses menaces immobilières et une nouvelle génération à l’action (3).

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