Les « prises » françaises du patrimoine culturel immatériel : suivre les actualisations d’un dispositif politique complexe et ambigu
- Authors
- Publication Date
- Dec 12, 2022
- Source
- HAL-Descartes
- Keywords
- Language
- French
- License
- Unknown
- External links
Abstract
Le patrimoine culturel immatériel (ci-après PCI), introduit par l’Unesco avec la convention de 2003, est un ensemble complexe et ambigu qui prend différentes formes selon qu’il est entre les mains d’institutions patrimoniales d’État, de collectivités territoriales, d’associations, de mouvements militants ou de chercheur.euse.s en sciences humaines et sociales. Il peut être envisagé comme moyen d’affirmer une « communauté nationale » au nom d’une « exception culturelle », comme un instrument de gouvernementalité, comme une ressource et un levier décisif du développement territorial, comme un moyen de reconnaissance, comme une arme critique ou encore comme un espace de remise en question du partage des savoirs et des expertises.Dans cette recherche, il s’agit d’explorer ces différentes actualisations du dispositif-PCI dans l’espace territorial français. Ce dernier offrant une palette de situations qui permettent de considérer l’ambivalence des politiques du PCI et de la convention unesquienne entre économie du marketing territorial et créativité ou expression « populaire », entre dispositif de contrôle et outil d’émancipation.Pour ce faire, je m’appuie sur la notion de « prise », introduite par la sociologie pragmatique (Bessy & Chateauraynaud 2014 [1995]) et transposée dans les études patrimoniales avec l’hypothèse de la « prise française du PCI » (Tornatore 2011, 2012). La notion de prise suppose une codétermination dans l’acte de prendre. Celui qui prend ainsi que l’objet qui est pris sont façonnés dans la prise, le matériau qui est pris fait et fait faire dans la prise. Dans le cas présent, le matériau est la convention de 2003 et ses actualisations, c’est-à-dire un dispositif politique qui engendre une manière particulière d’appréhender les politiques et les pratiques patrimoniales, ainsi que les objets qu’il vise. Parler de prise française du PCI, c’est donc envisager la capacité de trouble de la convention unesquienne au sein des politiques patrimoniales en France (Bortolotto 2011a, 2013b, 2014), mais en retour l’influence sur celle-ci de la tradition administrative et scientifique française en matière d’objectivation, de célébration et de politisation de traits ou d’éléments culturels.Pour autant, je propose d’être attentif à la pluralité de la prise ou plutôt au fait qu’il peut y avoir différentes prises du PCI. Il s’agit ainsi de mettre l’hypothèse de la prise française du PCI à l’épreuve de l’enquête : il faut alors prendre en compte et différencier les acteur.rice.s (humain.e.s et non-humain.e.s) en présence et comment, en s’engageant dans des dispositifs-PCI, ils et elles coconstruisent diverses prises de la convention de 2003. Dans cette recherche j’examine ainsi dans quelle mesure la convention unesquienne s’inscrit dans la tradition patrimoniale française en matière d’objectivation, de célébration et de politisation de traits ou d’éléments culturels, en y saisissant les continuités, les ruptures, ainsi que les surgissements nouveaux en matière. Et ceci tant au niveau des institutions patrimoniales d’État que des initiatives relevant des différents segments de la « société civile » (collectifs, associations, etc.).Néanmoins, il convient de ne pas s’abandonner au constat commode qui souligne l’existence d’une multiplicité de formes d’actualisation du PCI. Il ne s’agit pas de décrire une simple addition de cas hétérogènes et singuliers, mais plutôt une collection de cas qui permet de produire un bilan ouvert et contrasté de la mise en œuvre des politiques du PCI en France.