La moyenne des réponses ne serait-elle pas une réponse moyenne à laquestion de l’écotoxicité des pesticides ?

L'évaluation des risques environnementaux liés aux produits chimiques se base sur des tests écotoxicologiquessur diverses espèces d'organismes. La construction de ces tests a notamment été faite selon l'hypothèse forte que la sensibilité d’une espèce est bien décrite par la sensibilité de l’individu moyen avec une définition de paramètresécotoxicologiques à l’échelle de l’espèce. Or, des variations individuelles des traits d’histoire de vie au sein d’une même population existent et peuvent être importantes (Des Roches et al., 2018). Ces variations sont ignorées et surtout limitées par une forte standardisation de ces tests (Jager et al., 2013). De plus, le faible nombre de réplicats faits lors de ces tests ne permet pas d'explorer ces variations individuelles. Leur prise en compte permettrait de rendre compte de la distribution de sensibilité au sein d'une population. Notre étude porte ainsi sur les questions scientifiques suivantes : L’estimation de l’effet moyen permet-elle de protéger seulement une fraction de la population ? Un contaminant peut-il avoir un effet sur la variation individuelle d’un trait au sein d’une espèce ? Pour y répondre, nous avons pris pour exemple l'effet d'un fongicide, le Swing® Gold, sur la croissance de vers de terre. L'espèce d'intérêt est Aporrectodea caliginosa, un ver de terre endogé considéré comme hautement représentatif des sols agricoles et espèce référence pour des essais normalisés d'écotoxicité (ISO 11268-2:2023). Nous avons adopté une approche longitudinale en mesurant la masse corporelle de deux cohortes de 30 individus : l’une suivie en absence d’exposition et l’autre continuellement exposés à trois fois la dose recommandée en Swing®Gold, dose connue pour engendrer un effet sublétal significatif sur la croissance (Bart et al., 2020). Chaque cohorte a été suivie pendant quatre mois pour un total de 448 observations de masse corporelle. Nous avons implémenté un modèle hiérarchique bayésien afin de modéliser la croissance des individus et dissocier les effets du fongicide sur la croissance moyenne et sur la variation individuelle en nous basant sur les travaux de Bart et al. (2020). L'analyse des taux de croissance des individus non exposés montrent, comme attendu, l'existence d'une variation individuelle du taux de croissance des individus. Bien que l’effet du traitement soit relativement faible, une multiplication par deux de cette variation dans la cohorte exposée est observée. Ce suivi individuel a également permis de mettre en lumière les individus avec une croissance très faible par rapport à la moyenne dans lacohorte exposée. L'effet d’un contaminant peut donc avoir un effet sur la moyenne d'un trait au sein d'une population et/ou sur la variation individuelle de ce trait. Ces résultats soulignent donc la pertinence de d'intégrer les variations individuelles dans les études écotoxicologiques afin d'affiner l'évaluation des risques.RéférencesBart, S., Pelosi, C., & Péry, A. R. R. (2019). Towards a better understanding of the life cycle of the earthworm Aporrectodea caliginosa: New data and energy-based modelling. Pedobiologia, 77, 150592. https://doi.org/10.1016/j.pedobi.2019.150592Des Roches, S., Post, D. M., Turley, N. E., Bailey, J. K., Hendry, A. P., Kinnison, M. T., Schweitzer, J. A., & Palkovacs, E. P. (2018). The ecological importance of intraspecific variation. Nature Ecology & Evolution, 2(1), 57‑64.https://doi.org/10.1038/s41559-017-0402-5Jager, T. (2013). All Individuals Are Not Created Equal; Accounting for Interindividual Variation in Fitting Life‐ HistoryResponses to Toxicants. Environmental Science & Technology, 47, 1664‐1669. https://doi.org/10. 1021/es303870g