La morale by design
- Authors
- Publication Date
- May 21, 2021
- Source
- HAL
- Keywords
- Language
- French
- License
- Green
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Abstract
Le débat sur les interactions entre le droit et la morale est ancestral et n’a jamais été véritablement résolu. La crainte que pouvait représenter la perspective d’une morale d’État a emporté un recul des règles morales, remplacées progressivement par l’éthique. Le changement sémantique opéré traduit tout l’inconfort né de l’interaction entre la norme et la morale. Néanmoins, parce que l’absence de toute considération morale fait craindre un danger équivalent à celui d’un excès de moralité, une voie médiane doit être recherchée et il s’avère que la compliance by design semble l’instrument normatif le plus adapté à cette fin. La compliance, envisagée ici non pas comme discipline, mais davantage comme méthode, permet d’associer l’État et l’entreprise dans l’élaboration de la norme. Ainsi, le législateur pourrait énoncer des principes moraux dits primaires, qui prendraient la forme de grands objectifs à atteindre, tandis que les entreprises, pour leur part, seraient tenues de les mettre en œuvre au travers de règles morales d’applications. Au-delà du seul contenu de la règle morale, la méthode by design doit permettre d’en assurer une plus grande effectivité. Cette méthode consiste à incorporer une règle, ex ante, lors de la programmation d’un système informatique. Ainsi, on est certain qu’à l’occasion de son activité, le logiciel sera contraint d’exécuter ladite règle. Cette perspective suppose nécessairement l’intervention d’un juriste et d’un informaticien. Au juriste, il incombe de déterminer une règle fondamentale qui consiste dans la règle de droit que l’on entend implémenter dans le logiciel. À l’informaticien, il appartient de convertir la règle fondamentale en une multitude de règles d’applications, de nature technique, et destinées à atteindre l’objectif juridique énoncé. Cette méthode donne naissance à une nouvelle forme de normativité, que l’on pourrait qualifier d’hybride. Si elle présente un intérêt certain, notamment en termes d’effectivité, elle suppose également une certaine vigilance des juristes, sous peine d’être dépossédés de leur mission par les techniciens. La mise en œuvre de cette méthode de régulation suppose plus qu’un dialogue, une coopération, entre juriste et informaticien.