La Garde du Roi. Pouvoirs, élites et nations dans la monarchie hispanique (1700-1823)
- Authors
- Publication Date
- Nov 26, 2007
- Source
- ORBi
- Keywords
- Language
- French
- License
- Unknown
- External links
Abstract
Il est d’usage de considérer que la dynastie des Bourbons est parvenue à s’installer sur le trône des Rois Catholiques en faisant appel à de nombreux étrangers auxquels elle a confié les principaux emplois de commandement militaire et territorial. Cette présence étrangère dans l’Etat bourbonien a été interprétée par l’historiographie comme la preuve d’une méfiance profonde de Philippe V et de Louis XIV à l’égard des élites espagnoles.La thèse trouve son point de départ dans l’analyse du rôle et de la place des étrangers dans la monarchie hispanique au XVIIIe siècle, à travers le cas des Flamands, l’un des groupes numériquement les plus nombreux. Néanmoins, l’examen détaillé des trajectoires individuelles et des processus de sélection a rapidement permis de prendre une distance critique à l’égard des présupposés de départ. En effet, d’une part, les Bourbons d’Espagne n’ont pas établi de distinction entre les sujets régnicoles et non régnicoles en accordant un régime de faveur aux seconds au détriment des premiers. D’autre part, les individus qui se revendiquent « Flamands » recouvrent un éventail de trajectoires très diverses, beaucoup n’ayant parfois aucun des marqueurs d’identification employés traditionnellement par l’histoire sociale pour fixer l’origine des individus (patronyme, lieu de naissance, ascendance, etc.). Loin de constituer une identité fixe, l’appartenance flamande s’est révélée davantage être une ressource mobilisée ponctuellement par des individus aux origines diverses à certains moments de leur trajectoire.Ce constat nous a conduit à réexaminer la signification du discours sur la nation flamande dans les contextes d’usage. Il s’est avéré que ce discours est employé par les acteurs sociaux pour réactiver le capital politique accumulé par les familles des Pays-Bas fidèles à la dynastie bourbonienne pendant la guerre de Succession d’Espagne. En effet, au début de son règne, Philippe V a attiré à lui les familles de la monarchie hispanique les plus dévouées à sa cause, et leur a garanti un statut de privilèges. La refondation de la Maison militaire a notamment permis de constituer un bastion contrôlé par ces familles. Le philippisme – cette politique de fidélisation des élites – s’est exercé sans distinction d’origine dans tous les territoires de la monarchie. Pour les familles philippistes des Pays-Bas, la récompense s’est traduite par des emplois réservés dans l’entourage du roi et la promesse d’une mobilité professionnelle dans l’appareil d’Etat.Loin de constituer une proto-identité nationale, le discours sur la nation flamande se décline sur le mode des langages corporatistes et vise à réactiver la mémoire des services rendus pendant le conflit successoral pour garantir le maintien d’emplois réservés. Suivre l’évolution de cette identité professionnelle fossilisée a permis d’analyser la prégnance de la mémoire du conflit successoral dans l’Espagne du XVIIIe siècle, et de voir jusqu’à quand et comment l’économie des faveurs des Bourbons s’organise autour des clivages politiques hérités du début du siècle. En continuant à récompenser les héritiers des lignages philippistes, longtemps après la fin de la guerre de Succession, la dynastie entretient de profondes divisions au sein des élites du royaume. La disparition de ce langage corporatiste sur la nation flamande correspond d’ailleurs à une importante transformation des configurations sociales et politiques à la fin du XVIIIe siècle, qui voit l’émergence d’une nouvelle opposition nobiliaire.