Identification des conditions de travail permettant la mise en œuvre de pratiques agroécologiques : cas des systèmes d'élevages laitiers dans le Nord de l’Ille-et-Vilaine

Le contexte actuel global est marqué par la nécessité d’une transition agroécologique des systèmes agricoles. Développer des pratiques agroécologiques exige, pour les agriculteurs, une organisation de travail adéquate et du temps disponible pour s'impliquer dans les collaborations requises entre pairs. Cependant, la capacité à dégager ce temps reste un défi dans le cadre de l’élevage, car ce secteur est particulièrement marqué par des tensions autour du travail. Ce secteur est caractérisé par des volumes horaires importants, dédiés en priorité aux travaux d’astreinte, un travail physiquement intense, des difficultés de disponibilités en main-d’œuvre et une aspiration des éleveurs à avoir de meilleures conditions de travail. Ces défis s’inscrivent dans un contexte, où les éleveurs s’appuient, de manière croissante sur les nouvelles technologies. Ces nouvelles technologies sont promues par les politiques publiques et par l’environnement technico-économique des agriculteurs, comme favorables à la transition agroécologique. Cependant, leurs effets sur le travail des agriculteurs ne sont que peu étudiés. Ainsi, l’identification des conditions de travail individuelles et collectives propices à l’amélioration agroécologique, avec une attention aux usages des nouvelles technologies, nécessite d’être approfondis. Cette étude, à visée exploratoire, cherche à apporter des éclairages sur ces enjeux. Elle se déroule dans le cadre d’une recherche interdisciplinaire entre zootechnie et sociologie, dans le contexte de l'élevage laitier de l'Ille-et-Vilaine. Cette étude est basée sur des entretiens semi-directifs, menés individuellement avec 16 éleveurs laitiers. Ces éleveurs possèdent différents degrés d’implication dans les collaborations, dans la mise en œuvre de pratiques agroécologiques et dans l’utilisation des technologies numériques. Tout d’abord, les enquêtes ont permis de révéler qu’il existe des conditions de travail qui conditionnent la capacité des éleveurs à mettre en place des pratiques agroécologiques. Par exemple, une forte saturation au travail des éleveurs, liée à une productivité physique du travail élevée, est identifiée comme une limite à la mise en place de pratiques agroécologiques. Au contraire, la mobilisation par les éleveurs des différentes formes de collaborations entre pairs leur permet d’avoir une plus grande autonomie décisionnelle et des ressources matérielles et immatérielles, nécessaires à la mise en place de pratiques agroécologiques. Ensuite, il apparait que certains éleveurs ne mobilisent pas ces formes de collaborations, par manque de temps et du fait d’un sentiment de non-légitimité à adhérer à ces collectifs. De plus, les résultats montrent que les technologies numériques ont des impacts sur travail des éleveurs (flexibilité, charge mentale), mais ne conditionnent pas la mise en place de pratiques agroécologiques. Ainsi, cette première recherche exploratoire a permis l’identification des freins et des leviers au niveau du travail, à la mise en œuvre de pratiques agroécologiques, ainsi qu'à l'implication des éleveurs dans les collaborations entre pairs.