Expériences de tuteurs auprès d’apprenants en situation de handicap

À l’instar de plusieurs pays occidentaux, en France, les établissements d’enseignement connaissent depuis une dizaine d’années une augmentation importante des apprenants en situation de handicap (SH). Plusieurs de ces apprenants rencontrent des défis reliés à l’apprentissage ou à l’intégration scolaire et sociale. Ils ont notamment besoin de soutien individualisé et d’accompagnement sur le plan méthodologique et disciplinaire (Philion et al., 2016). Pour les aider à remédier à ces difficultés, une Grande École d’ingénieurs française (CentraleSupélec) déploie un programme de tutorat ayant une double visée. D’une part, offrir un soutien à des apprenants en SH (collégiens, lycéens, étudiants), visant à développer leurs compétences intellectuelles et leur projet d’étude en adéquation avec leurs intérêts et motivations. D’autre part, permettre à des élèves ingénieurs de cette École d’ingénieurs de se familiariser avec des enjeux d’inclusion tout en développant leur capacité d'adaptation en assumant un rôle de tuteur, auprès d’apprenants en SH. Dans cette optique le tutorat est défini comme étant une « relation d’aide à l’apprentissage entre personnes d’un groupe social similaire, n’étant pas des professionnels de l’enseignement, et dans laquelle la personne jouant le rôle de tuteur réalise aussi des apprentissages » (Morand et al., 2015, p. 3). Étant donné le caractère novateur de ce projet, nous avons mené une recherche exploratoire afin d’appréhender l’expérience de 12 étudiants-tuteurs de cette École d’ingénieurs ayant accepté de documenter chacune des séances hebdomadaires offertes (moyenne de 15 séances par tuteur) dans un journal d’expérience. L’analyse de contenu de ces journaux d’expériences met en évidence les multiples apprentissages réalisés par les étudiants-tuteurs sur les plans pédagogiques, personnels et professionnels. Des défis rencontrés par ces étudiants-tuteurs sont également soulignés, notamment lorsque les compétences ou connaissances à mobiliser entraînent un investissement trop important de leur part, ainsi que les limites du tutorat offert en distanciel. Ces défis soulignent l’importance à accorder à la congruence cognitive (Baudrit, 2003), les tuteurs devant être suffisamment à l’aise avec le sujet enseigné et pouvoir établir une certaine proximité avec le tutoré pour ne pas être surchargé.S’inscrivant dans le premier axe du congrès orienté sur les parcours de développement et d’apprentissage de différentes communautés, notre communication présente le contexte et la problématique ayant orienté la mise en œuvre par l'École d’ingénieurs de ce programme de tutorat pour apprenants en SH scolarisés à des niveaux d'études différents dans d'autres établissements que l'École d'ingénieurs. Après avoir décrit ce programme et défini la notion de tutorat, nous présentons les aspects méthodologiques de cette recherche exploratoire, notamment les journaux d’expériences des tuteurs, principal outil de collecte de données, suivi des constats ayant émergé de leur analyse. Nous présentons également des recommandations d’ajustement au programme de tutorat pour permettre aux tuteurs et tutorés d’en tirer le maximum de bénéfices dans leurs parcours respectifs, et ce, dans une perspective de déploiement à grande échelle de ce programme de tutorat pour apprenants en SH par des Écoles d’ingénieurs en France.