Des discours qui font peine / Des discours qui font peine: Ethnographie de juges en comparutions immédiates (2018-2022)
- Authors
- Publication Date
- Oct 11, 2024
- Source
- HAL
- Keywords
- Language
- French
- License
- Unknown
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Abstract
Juger en comparution immédiate, c’est la quasi-certitude, pour les juges, d’incarcérer le·a prévenu·e à l’issue de son procès, et ce en moins d’une trentaine de minutes. L’audience de CI est aussi souvent le lieu de discours dévalorisants. J’interroge dans cette thèse les liens et la continuité entre les processus punitifs et discursifs. C’est par une ethnographie multi-localisée, qui s’appuie sur de nombreuses observations d’audiences, des entretiens avec des juges et des procureur·e·s ainsi que sur l’observation des coulisses de tribunaux, que je conduis cette recherche. Loin du rôle de simple gestionnaire d’audience, où les juges se limiteraient à répartir la parole entre les parties, celleux-ci s’impliquent dans l’affirmation de vérités d’ordre juridique sur les faits mais aussi d’ordre moral et social sur la subjectivité de l’accusé·e. Iels participent par leurs discours à un continuum allant de l’altérisation à la dégradation des prévenu·e·s. La constitution de trois idéaux-types de postures de juges a permis de rendre compte de ce continuum. On retrouve ainsi l’enquête, l’enregistrement et la réprobation. Dans un deuxième temps de ce travail, j’ai cherché à comprendre les conditions de possibilité des phénomènes altérisants et dégradants. Trois mécanismes favorisent les discours des juges allant dans ce sens. D’abord, en CI, le cadre de constitution des savoirs sur les prévenu·e·s et les affaires est dégradé. Il renforce les visions partiales et partielles qu’en ont les juges. Ensuite, au tribunal, se constitue et se réactualise une communauté morale. Par l’affirmation entre collègues de l’appartenance à celle-ci, l’empathie envers les justiciables, qui elleux en sont exclu·e·s, subit des mécanismes de neutralisation. Enfin, alors qu’iels sont récepteurices d’une forte pression sociale liée au besoin de punir, les juges expriment un dilemme moral et professionnel autour de l’acte de condamner quelqu’un·e à une peine de prison La dégradation des prévenu·e·s peut alors être appréhendée comme une réponse symbolique à ce dilemme. Cette thèse invite donc à penser comme des phénomènes imbriqués, les deux types de violence de l’audience de CI que constituent, pour les justiciables, la sévérité de la peine et la dégradation.