De la consigne aux dispositifs d'écriture complexes Sur quoi portent les corrections des enseignants au collège ?
- Authors
- Publication Date
- Jun 28, 2022
- Source
- HAL-Descartes
- Keywords
- Language
- French
- License
- Unknown
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Abstract
L’enseignement de l’écriture constitue une des missions premières de l’École, et les curriculums officiels font état de l’importance accordée aux pratiques de l’écrit qui s’inscrivent dans des situations scolaires plurielles. Héritée de la notion de « processus d’écriture » développée par les psycholinguistes Hayes & Flower (1980), la production d’écrits désigne dans les Programmes, à l’école primaire comme au collège, l’exercice classique de la rédaction de français, ou encore de l’expression écrite. Il s’agit, quelle que soit la dénomination, de faire produire un texte aux élèves. Or la rédaction d’un texte implique la connaissance et la conscience de ses composantes, et celles-ci sont nombreuses : geste graphique, espace du support écrit (feuille, cahier), propriétés du système de la langue, situation(s) d’énonciation d’une part, mais aussi de manière saillante en contexte scolaire : genre du texte, usages scolaires, littéraires ou sociaux attendus (Plane & Schneuwly, 2000). De fait, cette complexité de l’écriture, résultant entre autre de la pluralité de ses composantes, se manifeste dans son enseignement à travers les diverses unités qui arrangent et qui étagent son apprentissage. Celui-ci recouvre à la fois l’objet enseigné, à savoir la production écrite, mais aussi les dispositifs mis en œuvre par le professeur pour enseigner l’écriture. En effet, la production écrite en contexte scolaire est toujours le résultat d’une commande de l’enseignant qui encadre et pilote l’exercice demandé : il soumet aux élèves une consigne d’écriture, il interagit à l’oral durant la séance dédiée à la production de l’écrit et utilise des gestes professionnels pour engager les élèves dans l’exercice (Bucheton, Soulé, 2009), enfin il corrige voire évalue les productions écrites résultantes de cet exercice.Au collège, les élèves sont des scripteurs non experts mais non débutants : ils sont familiers – sans être à l’aise pour autant – avec l’écriture de textes, qu’ils produisent dans le cadre de séquences didactiques que l’enseignant construit à partir des quatre grandes entrées thématiques des Programmes du français et qui, souvent, correspondent à l’examen d’un genre littéraire spécifique (roman, théâtre, poésie, autobiographie, …). Dans ce contexte de complexité des dispositifs d'écriture apportés par les enseignants de français aujourd'hui, sur quoi portent la correction des enseignants, indice des objets évalués dans les productions écrites des élèves au collège ?Pour tenter de répondre à cette question, nous avons réalisé une étude à partir de l’analyse d’un corpus de thèse (en cours) multimodal composé de copies d’élèves recueillies de manière écologique dans des collèges de la région parisienne, d’entretiens réalisés auprès des enseignants de français et de leurs élèves, ainsi que des enregistrements vidéo des séances d’écriture durant lesquelles ont été produits les textes. La méthodologie retenue mêle analyse linguistique des supports écrits et analyse du discours des enseignants, ancré à la fois dans le dialogal lors des phases orales où il interagit avec la classe et les élèves, et à la fois dans le dialogique (Delarue-Breton, 2014) lorsqu’il fait référence à des contenus de savoir exprimés dans des séances antérieures. Plus précisément, l’analyse de notre étude s’est attachée à mettre en exergue les différences perceptibles entre les attendus des consignes d’écriture, la complexité des dispositifs d’écriture et les objets sur lesquels portent les interventions de l’enseignant, traces de la lecture et de la correction de l’écrit commandé. L’analyse du discours des enseignants tenue dans le cadre d’entretiens, sont venus compléter les observations réalisées sur les copies et dans les captations des séances de classe. Cette focalisation multiple a été nécessaire pour faire apparaître les points de tensions au sein de la production d’écrit au collège.Les résultats de l’étude ont mis en lumière une complexité nouvelle dans la manière dont certains enseignants de français au collège font écrire leurs élèves. Cette complexité prend racine dans la nature même de l’exercice : l’écrit commandé par l’enseignant s’inscrit en premier lieu dans un genre littéraire dont les spécificités textuelles sont peu explicitées par l’enseignant et qui, selon le niveau social du public des collégiens, peut varier dans sa forme, allant jusqu’à brouiller les limites de reconnaissance entre des genres parfois éloignés. C’est notamment l’observation que nous avons faite sur l’argumentation dans les productions écrites de 3e, que les interventions de l’enseignant sur les copies ont révélées.Dans un second temps, l’écrit s’inscrit dans une séquence didactique qui induit une (re)mobilisation de contenus de savoir étudiés, dans les textes produits par les élèves. Face à ces implicites, les élèves produisent des textes qui répondent parfois à côté des attendus de l’enseignant, entraînant des malentendus (Bautier, Rayou, 2008) et accentuant nécessairement les inégalités entre les élèves.