Combien de revues spécialisées en science de la santé utilisent aujourd’hui les technologies du Web 2.0 pour diffuser leurs contenus ? Une étude publiée cet été analyse comment les réseaux sociaux, les flux RSS et les outils de bookmarking sont utilisés par les éditeurs du domaine des sciences de la santé. Les revues en Open Access manquent de reconnaissance et de visibilité. Le fait de permettre aux auteurs, aux éditeurs et aux lecteurs de participer activement à la diffusion d’un article pourrait fortement augmenter l’impact des résultats publiés en Open Access. Cependant, les revues en Open Access sont-elles conscientes de cet avantage potentiel ? Devraient-elles plus utiliser ces outils ? Comment peut-on mesurer l’impact de cette nouvelle méthode de diffusion ? Un nouveau marché de la communication scientifique 2.0 est-il en train de naître ?
Cet article est une traduction de « Towards Health Sciences 2.0? ». Cette traduction de l’anglais vers le français a été réalisée par Mayte Perea López.

Curation: une plus-value pour se tenir informé de l’actualité scientifique pertinente
“Dans une étude publiée en 2004, on estimait que 29 heures par jour de travail étaient nécessaires à un médecin pour se tenir informé de l’actualité des soins de santé primaires”, explique Sandy De Groote, maître de conférences et documentaliste spécialisée en communication académique à l’université d’Illinois à Chicago. Heureusement, il existe des moyens de mettre en place une veille automatique pour être informé de la publication de nouveaux contenus pertinents. Les flux RSS (de l’anglais Really Simple Syndication), permettent aux lecteurs de s’abonner aux flux qui les intéressent et de les regrouper dans un même endroit ; ainsi, ils n’ont pas besoin de consulter individuellement les pages des journaux pour obtenir les informations qui les intéressent. Aujourd’hui, les outils de réseaux sociaux offrent un second niveau de tri entre la bonne littérature et la littérature peu prometteuse. Ce sujet a fait l’objet d’un article sur notre blog : « Science et curation : nouvelle pratique du Web 2.0 ». L’information à laquelle nous avons accès étant en forte augmentation, le fait d’échanger les fruits de sa veille avec d’autres personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt représente un gain de temps important.
Cet été, Sandy De Groote a publié une étude intitulée Promoting health sciences journal content with Web 2.0: A snapshot in time dans First Monday, la première revue en Open Access sur l’Open Access. « J’essayais d’évaluer combien de revues spécialisées en sciences de la santé possédaient un compte sur Twitter ou Facebook. Combien d’entre elles avaient des liens vers des réseaux sociaux sur leur site ? Combien permettaient au lecteur de partager sur les réseaux sociaux et les plateformes de bookmarking ? »
L’étude a été réalisée fin 2011 et réactualisée en mars 2012. Les résultats ont révélé que sur les 248 revues étudiées (aussi bien des revues traditionnelles que des revues en Open Access), seules 29% possédaient un compte Twitter ; elles étaient encore moins nombreuses (27%) à disposer d’un compte Facebook. Pourtant, la plupart utilisaient les flux RSS (87%). Un résultat plus positif est que 60% des revues permettaient au lecteur de partager les articles sur les réseaux sociaux et via les outils de bookmarking.
Aussi bien sur Twitter que sur Facebook, les derniers posts/tweets publiés par les comptes des revues concernaient les nouvelles publications, de nouvelles parutions ou les articles les plus populaires. 58 revues possèdent une page Facebook qu’elles n’utilisent pas. Sur les pages actives, de nombreuses revues partagent des liens vers des billets de blog concernant de nouveaux résultats ou publications. Ceci montre l’intérêt d’associer les médias sociaux à la vulgarisation scientifique pour accélérer la diffusion de l’information.
Force est de constater que les articles publiés en Open Access sont de plus en plus fréquemment cités dans les billets de blog et les médias d’actualités, au détriment des articles publiés selon les moyens traditionnels. À l’heure actuelle, les citations de PLOS ONE sont particulièrement fréquentes. L’Open Access implique une diffusion plus large. Imaginez donc l’impact que pourrait avoir l’exploitation simultanée de l’Open Access et des médias sociaux !
Open Access vs éditeurs classiques : vers une utilisation systématique du Web 2.0 ?
« Dans la bataille qui oppose les modèles de publication en Open Access (OA) à ceux des journaux scientifiques traditionnels, l’OA ne devrait pas se contenter de prouver qu’il est aussi bien que son rival: il peut être meilleur et l’utilisation des médias sociaux peut lui donner un avantage concurrentiel […] »
Cette phrase est extraite d’un article précédemment publié sur notre blog et intitulé Open Access + Médias sociaux = Avantage concurrentiel. Dans l’article de S. De Groote, sur les 248 revues étudiées, 42 étaient en Open Access. La question qui se pose donc est la suivante : les revues en Open Access utilisent-elles et profitent-elles de cet avantage concurrentiel ?
« D’une manière générale, j’ai constaté que les revues traditionnelles étaient plus enclines à intégrer les médias sociaux à leurs sites web que les revues en Open Access, » raconte l’auteur de l’étude Sandy De Groote. « Je trouve que c’est un peu paradoxal – dans la mesure où c’est justement en Open Access que les gens et les followers peuvent avoir accès aux documents mentionnés par les médias sociaux… ». Elle ajoute que c’est aux revues en Open Access que les médias sociaux profitent le plus. De fait, le partage d’un lien vers un article dont la lecture est réservée aux abonnés ne pourra être utile qu’aux collègues qui ont souscrit à l’abonnement exigé par la revue. Cela peut donc s’avérer très frustrant pour une personne de cliquer sur un lien intéressant pour être finalement redirigée vers la page d’accueil d’une revue à laquelle elle n’a pas accès. « Les éditeurs en Open Access sont plus petits. Ils manquent probablement de ressources financières, de temps et de capital humain pour intégrer les réseaux sociaux à leur site web ou pour animer leurs comptes. Les éditeurs traditionnels, quant à eux, disposent certainement de plus d’argent à investir [dans la diffusion de leurs contenus sur les médias sociaux] ».
Dans son article, Sandy De Groote conclut en ces termes : « Étant donné que les revues en Open Access font maintenant partie du paysage en mutation de la communication académique, il est surprenant de constater que les revues en OA ne sont pas plus nombreuses à exploiter les avantages potentiels offerts par la technologie du Web 2.0 ».
De nouveaux indices bibliométriques ?
Il est frappant de constater que 40% des revues traditionnelles possédant un compte Twitter n’ont pas affiché de lien vers leur compte sur la page d’accueil de leur site web. Cela pourrait signifier que certains éditeurs ne comprennent pas toujours la manière dont les médias sociaux devraient être utilisés et les avantages qu’ils pourraient en tirer, à moins que cela ne soit dû au fait qu’ils craignent de véhiculer une image moins sérieuse en montrant qu’ils utilisent les médias sociaux.

Le but des auteurs est de diffuser leurs résultats pour être cités par d’autres auteurs. « Une étude a montré qu’il existait une corrélation entre le nombre de tweets et le nombre de fois où l’article avait été téléchargé (Puustinen and Edwards, 2012). Une autre étude a révélé que le nombre de tweets pouvait prédire l’impact futur de la revue en termes de citations dans d’autres articles (Eysenbach, 2011) », écrit Sandy De Groote dans son étude.
Certains éditeurs sont devenus très bons en communication 2.0. Les billets du blog de Nature ont une grande visibilité. Ils sont largement diffusés à travers les médias sociaux, et les actions telles que l’organisation de vidéoconférences ou de discussions en chat avec les auteurs d’études sont très utiles pour élargir l’accès du public aux sciences. De plus, ces médias accélèrent la diffusion des résultats entre les scientifiques à travers le monde entier, y compris dans les pays en développement.
Comment peut-on aider les éditeurs à mieux prendre conscience de ces avantages ? L’impact du Web 2.0 pourrait être déjà être mesuré par de nouveaux paramètres afin de quantifier la valeur ajoutée. « Certains éditeurs comme PLoS », explique Sandy De Groote, « ont commencé à suivre les paramètres d’impact au-delà de la simple comptabilisation du nombre de citations et ont développé un logiciel qui comptabilisera le nombre de fois qu’un article a été partagé en ayant recours aux outils de réseaux sociaux ». Si le leader de l’Open Access commence à prendre en compte l’impact des médias sociaux, les autres pourraient bientôt suivre. CitedIn, altmetric (500 dollars par mois et par chercheur) et total-impact sont trois nouveaux outils qui offrent de telles méthodes bibliométriques. L’avenir nous dira comment évoluera l’évaluation des résultats scientifiques et des chercheurs scientifiques, mais il se pourrait bien qu’elle soit étroitement liée à Facebook, Twitter, ou d’autres médias du Web 2.0 utilisés par les scientifiques. Bien sûr, comme dans n’importe quelle grande avancée, il existe un risque à ce que l’association des médias sociaux à la publication scientifique soit détournée ou mal utilisée, mais le jeu en vaut amplement la chandelle.