Il sera peut-être possible d’améliorer le stockage d’informations dans nos ordinateurs grâce à un très ingénieux dispositif de transfert d’énergie de la lumière dans un système mécanique. Une équipe de chercheurs de l’Université de Yale, aux Etats-Unis, a mis au point un dispositif pour « écrire » et « lire » des informations grâce à la lumière d’un laser. Les résultats de ces travaux, publiés dans Nature Nanotechnologie, permettraient de réduire la consommation d’énergie des disques durs tout en les rendant très fiables [1].
Quand on parle de mémoires de stockage d’information et de disques durs, les paramètres déterminant l'intérêt d'une nouvelle technologie sont principalement : la stabilité de l'information stockée, la consommation d'énergie et la densité de stockage. De nombreuses études cherchent à développer de nouveaux dispositifs compétitifs sur ces trois paramètres. Les dispositifs développés présentent généralement des caractères en commun. Ils possèdent le plus souvent deux configurations stables permettant de coder une information grâce à des "0" ou des "1" (système binaire). La stabilité dépend alors de l'énergie nécessaire pour permuter le dispositif d'une position à l'autre. Pour être stable, cette énergie dite "de barrière" doit être largement supérieure à l'énergie de "bruit" afin que le "bruit" ne puisse, à lui seul, modifier l'information. Le dispositif doit aussi disposer d'une source d'énergie lui permettant de permuter d'une position à l'autre avec un taux d'erreur quasi-nul.
L’écriture
Dans le cas du système développé à l'université de Yale, le dispositif utilise de petites tiges de silicium de 10 micromètres de long, 500 nanomètres de large et 110 nanomètres d’épaisseur. Les tiges sont déposées sur une cavité optique servant de caisse de résonnance lumineuse. Ces cavités optiques permettent la capture et l'amplification de rayons lumineux entre deux miroirs disposés face-à-face et réfléchissant les rayons à de nombreuses reprises. La tige de silicium est légèrement flexible. Ainsi, lors de la conception du dispositif, la tige de silicium est comprimée à ses deux extrémités et se courbe légèrement soit vers le haut soit vers le bas. Grâce à ces deux positions, appelées « up » et « down », il est possible de coder une information en binaire, l’une des positions correspondant à un bit « 0 » et l’autre à un « 1 ».
Dans ce scénario, écrire une information équivaut à contrôler la courbure des tiges successives pour coder l’information par une série de 0 et de 1. Pour cela, l’équipe de Yale utilise des lasers. Ils ont réussi à induire un transfert d’énergie de la lumière du laser dans la tige de silicium. Si l’énergie injectée est suffisante pour ébranler sa stabilité des tiges de silicium, un changement de leur courbure est alors possible. Sous l'effet du premier laser, la tige reçoit une quantité d'énergie qui la fait "vibrer". Le laser est alors éteint et la tige pourrait alors se stabiliser dans l'une ou l'autre des positions sans préférence. Les scientifiques utilisent alors un second laser dit " de refroidissement" pour contrôler la position dans laquelle la tige se stabilisera. Sa longueur d'onde sera judicieusement choisie afin de "guider" la position de stabilisation. Cette longueur d'onde crée une asymétrie dans le mouvement de la tige ce qui influence sa position de stabilisation dans l'a position souhaitée.
La lecture
Pour « lire » l’information ainsi codée, il est nécessaire de pouvoir distinguer les deux différentes courbures des tiges de silicium. Lorsque la tige bascule d’une position concave « up » à une position convexe « down », l’indice de réfraction (proportionnel à la vitesse de la lumière dans un milieu) est modifiée. La lumière est donc plus ou moins ralentie au travers de la tige de silicium suivant sa courbure. Il est donc possible de « lire » optiquement la courbure de la tige en mesurant la vitesse de la lumière lorsqu’elle le traverse.
L’équipe de chercheurs de Yale a répété des milliers de fois l’écriture et la lecture d’information sur ces tiges de silicium grâce à la lumière de lasers. Ils ont ainsi démontré que leur dispositif était très stable à température ambiante et que son taux d’erreur de lecture était nul.
En conclusion, les dispositifs de mémoires mécaniques comme celui-ci sont, pour l'instant, les éléments de mémoire les plus stables. L'écriture et la lecture de l'information au moyen de lasers est une méthode peu coûteuse en énergie. La densité de stockage des données ne sera par contre pas particulièrement améliorée par cette nouvelle technologie. En effet, stabilité et densité de stockage sont rarement compatibles.
Il se pourrait que ce nouveau dispositif puisse un jour améliorer les capacités des disques durs d'ordinateurs. Mais ce qui est le plus impressionnant pour l'instant, c'est la maîtrise d'éléments mécaniques (les tiges de silicium) grâce à des lasers via le transfert d'énergie. Les interactions lumière-matière sont en effet un domaine encore largement inexploré qui trouvent, aujourd'hui, des applications techniques mais aussi médicales (optogénétique).
Source :
[1] M. Bagheri, M. Poot, M. Li, W. P. H. Pernice and H. X. Tang, Nature Nanotechnology, online publication, 1, 2011 https://www.nature.com/articles/nnano.2011.180 En savoir plus : La formule 1 des mémoires https://www.larecherche.fr/la-%C2%AB-formule-1-%C2%BB-des-m%C3%A9moires