Une nouvelle piste pour de la mémoire flash organique

Des transistors réalisés à partir de dérivés du sucre et de polymères

Des clés USB aux cartes SD nichées dans les smartphones, la mémoire flash est partout. Construite à partir de composés organiques, celle-ci aurait l'avantage d'être moins chère à produire. Une équipe franco-taiwanaise vient de réaliser un nouveau type de mémoire dont l'un des composants est un polymère dérivé du sucre. Les chercheurs ont réussi à configurer ces molécules pour atteindre des performances optimales.

Des clés USB aux cartes SD nichées dans les smartphones, la mémoire flash est partout. Construite à partir de composés organiques, celle-ci aurait l'avantage d'être moins chère à produire. Une équipe franco-taiwanaise vient de réaliser un nouveau type de mémoire dont l'un des composants est un polymère dérivé du sucre. Les chercheurs ont réussi à configurer ces molécules pour atteindre des performances optimales.

Schéma de principe d’une mémoire Flash dont la couche diélectrique est constituée de copolymères organisés en cylindres verticaux ou  horizontaux. © CNRS, Rédouane Borsali

 

En électronique, l'élément de base des puces et des mémoires est le transistor. On en fabrique depuis les années 1950, la performance de nos machines a surtout été liée à leur miniaturisation ; la recherche dans les propriétés semi-conductrices de certains matériaux organiques (composés de carbone et d'hydrogène) a cependant ouvert la voie à une autre forme d'innovation. Une équipe du Centre de recherche sur les macromolécules végétales de Grenoble (CNRS), associée à des chercheurs de université de Taipei, a mis au point un nouveau transistor organique. Celui-ci fonctionne sur le même principe qu'un transistor classique : suivant son état, il transmet plus ou moins bien le courant, ce qui est un moyen de stocker de l'information. Sa structure, comme la plupart des transistors organiques, s'apparente plus précisément à un transistor à couche mince : une superposition de fines couches de l'ordre du nanomètre, aux propriétés différentes.

L'équipe de physicochimie des glycopolymères, dirigée par Rédouane Borsali, a mis au point un matériau hybride : « Nous avons associé un polymère naturel et un polymère de synthèse : maltoheptaose, dérivé du sucre, et polystyrène, issu de la chimie du pétrole ». Dans ce qui constitue la couche diélectrique du transistor (l'isolant), les polymères de sucre s'organisent dans le réseau de polystyrène sous forme de cylindres, alignés horizontalement ou verticalement. Suivant la configuration de ces molécules, les caractéristiques électriques du matériau organique changent : « Nous avons pu contrôler l'organisation des molécules à l'échelle du nanomètre, précise le chercheur, afin de trouver l'arrangement qui permette les meilleurs performances de mémoire pour le transistor.»

Ce niveau de contrôle ainsi que la composition hybride du copolymère constituent une approche nouvelle dans la mise au point de mémoires organiques. Pour Rédouane Borsali, les performances du transistor ne sont pas en reste : « Le dispositif assemblé par les chercheurs de Taipei permet de stocker une grande quantité d'information avec un excellent temps de réponse ». Il s'agit donc d'une piste très intéressante dans la recherche sur les mémoires organiques, qui pourraient à terme supplanter à moindre coût la mémoire flash couramment utilisée.

 

Mémoire flash : efficace mais trop chère

La mémoire flash est un support prisé, aux nombreux avantages, démocratisé par l'avènement de l'électronique portable (smartphones en tête). Il s'agit d'une mémoire non volatile, c'est à dire que l'information qui y est stockée ne disparaît pas lorsqu'elle n'est plus alimentée par un courant électrique (contrairement à la mémoire vive dans les ordinateurs par exemple). La mémoire flash permet un accès rapide aux données enregistrées, pour une faible consommation. Résistance aux chocs, longévité, c'est même une solide alternative aux disques durs lorsqu'elle est utilisée dans les dispositifs SSD. Son principal défaut réside cependant dans un coût de production, et donc un prix d’achat généralement élevé.

Le silicium utilisé dans la fabrication des transistors classiques (et donc des mémoires flash) est un matériau abondant, mais qui doit être traité à haute température. Non seulement la procédure industrielle est onéreuse, mais elle ne permet de déposer le silicium que sur des surfaces capables de supporter de telles conditions, excluant de fait les plastiques par exemple. Les composants utilisés en électronique organique n'utilisent pas le silicium : dans le transistor de l'équipe franco-taiwanaise, celui-ci est remplacé par une couche de pentacène. Grâce à l'industrie chimique, ces matériaux souvent auto-assemblés peuvent alors être mis en solution, utilisés dans des processus d'impression (oui, comme dans l'imprimante du bureau), ou déposés sur des substrats souples par exemple.

Les transistors organiques permettent de construire des composants plus légers, plus flexibles, et surtout moins chers que leurs homologues inorganiques, des propriétés particulièrement louées dans le marché de l'électronique portable et des objets connectés. Ces transistors n'ont pour l'instant pas atteint les niveaux de performance suffisants pour concurrencer leurs prédécesseurs dans des domaines équivalents. La mémoire flash organique est actuellement peu fiable, sur le plan de la précision des données comme de la durée de vie : l'université de Tokyo avait proposé en 2009 une mémoire flash organique, souple, mais qui n'était capable de conserver les données qu'une seule journée. Après deux décennies de tâtonnement, il n'y a donc pas encore d'alternative organique pour la mémoire flash. Mais la recherche dans le domaine est foisonnante comme le montrent les travaux de l'équipe du CERMAV, ce qui laisse espérer qu'un jour ce même article sera peut-être stocké sur une mémoire organique, dans un smartphone ou une lampe de chevet.

 

Sources :

 

Le compte rendu du CNRS
http://www.cnrs.fr/inc/communication/direct_labos/borsali.htm

Une thèse sur les transistors organiques, l'introduction est détaillée et accessible.
http://infoscience.epfl.ch/record/109933/files/EPFL_TH3910.pdf

Un document de l'Agence d'études et de promotion de l'Isère sur l'électronique organique.
http://www.ardi-rhonealpes.fr/c/document_library/get_file?uuid=ec769958-5010-4173-bc75-36d61f465776&groupId=10136