Deux chercheurs américains ont récemment présenté les derniers résultats concernant deux patients séropositifs ayant reçu une greffe de moelle osseuse quelques années auparavant. Trois mois après, leur sang ne présentait aucune trace du virus. Plusieurs années plus tard, alors que le virus était toujours indétectable, il a été décidé d’arrêter leur traitement antirétroviral. Le VIH reste indétectable après 7 ou 15 semaines d’interruption.
New Bristol - Modèle du virus d'immunodéficience humaine
Source: Flickr/creative commons licence/Biker Jun
La septième conférence d’International Aid Society (IAS) sur la pathogénie, le traitement et la prévention du VIH s’est tenue début juillet à Kuala Lumpur en Malaisie. Un des résultats les plus remarquables a été présenté par Timothy Henrich et Daniel Kuritzkes du Brigham and Women’s Hospital et de la Harvard Medical School à Boston. Deux patients séropositifs sous traitement antirétroviral combiné qui souffraient du lymphome de Hodgkin en phase de rémission ont arrêté de prendre leurs médicaments tout en restant sous haute surveillance médicale. Après 7 ou 15 semaines selon le patient, le virus reste indétectable dans leur sang.
Traitement du lymphome de Hodgkin chez les patients
En 2006, un lymphome de Hodgkin a été diagnostiqué chez deux patients infectés depuis plusieurs années par le VIH-1 et suivant un traitement antirétroviral combiné. Après diverses thérapies, comme la chimiothérapie, ils ont reçu une greffe de la moelle osseuse. Pour éviter la multiplication d’effets secondaires, leur système immunitaire actif a été détruit avant l’opération. Il a ensuite été observé que leur moelle osseuse pouvait toujours produire de nouveaux globules.
Dans un article publié dans le Journal of Infectuous Diseases en juin, Henrich et al. rapporte que le virus était encore détectable après la greffe. Par contre, il n’en restait plus aucune trace dans le sang des deux patients 21 et 42 mois après. Ces chercheurs ont aussi montré que les cellules du donneur remplaçaient complètement celles du patient et que la multithérapie empêchait le virus de les infecter.
Arrêt du traitement antirétroviral combiné chez les patients
C’est à l’occasion de la session 2013 de l’IAS que Henrich et Kuritzkes ont présenté les suites de cette étude. Après 4 à 6 mois de discussions avec des comités d’examens éthiques et institutionnels, les patients et leurs médecins, la décision de mettre un terme au traitement du VIH a été prise. Les patients étaient parfaitement conscients du risque qu’ils couraient, d’autant plus que leur état s’améliorait. Le cancer était en rémission et le virus du VIH restait indétectable. En outre, parmi les nombreux symptômes qui pouvaient se présenter après l’arrêt du traitement, le risque d’un retour en force du virus ainsi que d’une récidive du cancer n’était pas exclu.
Lors de la conférence de presse de l’IAS, Tim Henrich a expliqué à quel point cette opération pouvait se révéler payante, à condition de suivre les patients de près et très fréquemment. Depuis la fin des années 90, les risques de décès font qu’il est très difficile pour les patients séropositifs de recevoir une greffe. « Pour toutes ces raisons et parce qu’on m’a donné la chance de pouvoir vivre en meilleure santé, j’ai l’impression que je dois bien cela à la science, » raconte un des patients.
Emily Hanhauser, technicienne du laboratoire de Tim Henrich,
testant les échantillons prélevés sur un des patients de Boston
L’espoir d’un futur remède au VIH ?
Au terme de 7 et 15 semaines selon les patients, les chercheurs n’ont observé aucune trace du virus dans leur sang. Dans presque tous les autres cas d’arrêt du traitement, le virus refaisait surface assez rapidement, en deux ou trois semaines. Seul Timothy Ray Brown, le « patient de Berlin », vit depuis 6 ans sans réapparition du virus. En 2007, il a en effet reçu une greffe de moelle osseuse dont les cellules résistaient au virus du VIH. Aujourd’hui, il est considéré comme guéri.
A ce stade, dans le cas des deux patients de Boston, qui eux n’ont pas reçu de cellules résistant au VIH, on peut émettre de nombreuses hypothèses et sûrement aboutir à des conclusions multifactorielles. Cela prendra des années avant de pouvoir déterminer ce qui se passe réellement. Comme le virus est détectable en état latent dans divers réservoirs comme le cerveau ou les intestins, difficilement accessibles pour un examen régulier. Un suivi plus long est donc nécessaire pour être sûr que le virus ne récidivera pas dans un an ou deux.
« Cette étude avait deux objectifs. Le premier était de montrer que de nos jours, la greffe sur des patients séropositifs était sans danger et pouvait même s’avérer bénéfique. Le second était d’en apprendre bien davantage sur la manière dont le système immunitaire et les réservoirs de virus résiduel interagissent. Nous espérons en savoir plus sur la physiologie et la pathogénie fondamentales de la persistance du virus et sur la façon dont nous pouvons utiliser les bienfaits de la greffe sans avoir à en effectuer une complète, » explique Tim Henrich. Les chercheurs voient loin dans leur travail et cherchent à accumuler suffisamment d’informations pour trouver de nouvelles stratégies pour lutter contre le virus. Ces résultats constituent une étape de plus vers la mise au point d’un remède concluant au VIH.
Pour en savoir plus :
Long-term reduction in peripheral blood HIV type 1 reservoirs following reduced-intensity conditioning allogeneic stem cell transplantation. Henrich TJ et al., J Infect Dis. 2013 Jun 1;207(11):1694-702