Suivre les vols de moustiques en 3D pour mieux combattre le paludisme

Les moustiques repèrent leurs cibles humaines à l’odeur et la chaleur

Le suivi des vols de moustiques en 3D nous révèlent comment l’Anopheles gambiae, un des principaux vecteurs du paludisme, repère ses cibles à l’odeur et la chaleur. Cette information pourrait nous permettre de concevoir des pièges plus efficaces pour réduire la propagation de cette maladie.

Le suivi des vols de moustiques en 3D nous révèlent comment l’Anopheles gambiae, un des principaux vecteurs du paludisme, repère ses cibles à l’odeur et la chaleur. Cette information pourrait nous permettre de concevoir des pièges plus efficaces pour réduire la propagation de cette maladie.

Cet article est une traduction de « 3D mosquito flight tracking for better malaria traps ». Il a été traduit de l’anglais vers le français par Timothée Froelich.

 

Anopheles gambiae femelle en plein repas. (Source: CDC / Jim Gathany)

 

Tout le monde a déjà vécu ce moment terrible, où, alors que vous sombrez lentement dans le sommeil par une chaude nuit d’été, un sifflement exaspérant vous tient tout de même en éveil… C’est un moustique, qui tourne autour de vous et semble vous assaillir de tous les côtés en même temps. Le bruit insupportable tantôt se rapproche, tantôt s’éloigne et se meurt, puis réapparait d’un seul coup dans votre oreille tandis que le moustique continue d’échapper à vos tentatives rageuses de mettre fin à ce vrombissement infernal. Bien que vous n’y ayez pas forcément déjà pensé, il est facile d’imaginer à quoi ressemble ce vol si particulier du moustique qui tourne autour de vous à la recherche d’un endroit où planter son rostre.

 

Une équipe de chercheurs de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas a mis au point un système de suivi en 3D du vol des moustiques de l’espèce Anopheles gambiae et les a étudiés dans différentes conditions à l’intérieur d’une soufflerie climatique. Les résultats, publiés le 02 mai dans PLOS ONE et disponibles sur MyScienceWork, ont montré comment l’odeur et la chaleur humaines interagissaient pour attirer les moustiques vers leurs cibles. En matière de lutte contre le paludisme, cette information constitue une aide précieuse pour mettre en place des pièges moins chers et plus efficaces.

 

Jeroen Spitzen, attaché de recherche au laboratoire de Willem Takken, nous explique ce qui rend si spéciale l’espèce que l’équipe a retenue, l’Anopheles gambiae. Contrairement aux autres moustiques, ceux-ci préfèrent de loin le sang humain au sang animal et sont donc grandement responsables de la propagation du paludisme d’une personne à une autre. « Nous avons identifié des éléments olfactifs humains qui les attirent. Nous pouvons donc synthétiser les molécules correspondantes et en faire des mélanges que nous placerons dans des pièges. Nous devons continuer nos recherches pour savoir de quelle manière un moustique utilise certains signaux olfactifs pour se rapprocher de sa source et ce qu’il fait lorsqu’il perd sa trace. »

 

Les chercheurs ont mis au point un système permettant de suivre en trois dimensions le vol extrêmement complexe de ces insectes. Un cône, au travers duquel un filet d’air passait à une vitesse de 20cm/sec, a été placé à l’extrémité d’une soufflerie d’une hauteur et d’une largeur de 60cm et d’une longueur de 160cm. Selon les conditions testées, une source de chaleur et/ou une chaussette sale en nylon ont été insérées dans le cône. La variable de la source olfactive était une chaussette ayant été portée par quelqu’un pendant 24h et congelée entre les expériences. Une source de lumière infrarouge a été installée à l’autre extrémité et deux caméras ont filmé sa réflexion sur les ailes d’un seul moustique. Les chercheurs ont ainsi pu obtenir sa trajectoire de vol en 3D.

 

Quantifier le vol des moustiques

 

« C’était la première fois qu’on pouvait quantifier les vols des moustiques », nous confie Jeroen Spitzen. La vidéo a montré que les moustiques volant sans but précis et ceux se dirigeant vers leur repas se déplaçaient de manières profondément différentes. Dans tous les cas, ils décollent dans le sens du vent perçu à l’aide de mécanorécepteurs fixés sur leurs antennes. Sans aucun signal olfactif ou thermique, ces insectes volent tout simplement en ligne droite et finissent par atterrir sur le mur d’en face. En revanche, les moustiques soumis à des conditions olfactives et thermiques particulières zigzaguent tout au long de leur trajectoire de vol, semblant balayer l’air en quête d’informations supplémentaires alors qu’ils se dirigent vers leur cible.

 


https://www.youtube.com/watch?v=AEfK2IInWi0

 

Les principaux signaux auxquels se fie le nocturne Anopheles gambiae sont l’odeur émise par les bactéries sur la peau d’une personne et sa chaleur corporelle. On ne peut pas encore déterminer si la chaleur contribue à attirer le moustique vers son repas en renforçant le mouvement des odeurs dans l’air ou si elle constitue un facteur d’attraction en soi. Jeroen Spitzen penche plutôt pour la deuxième option : « Je suis convaincu que la chaleur indique au moustique qu’il est proche de la source. Sans elle, il zigzague tout autant mais n’atterrit pas près de la source. Les signaux olfactifs ne font que l’aider à parcourir le plus gros du chemin. »

Tous ces détails sur le vol d’un insecte minuscule pourraient avoir un impact considérable sur la mise en place de meilleures mesures anti-paludisme. Les pièges actuels reposent sur un ventilateur qui force les moustiques à y rentrer et dépendent d’une source d’énergie. « Dans l’idéal, nous pourrions concevoir des pièges qui feraient l’affaire sans même avoir besoin d’énergie, » affirme Spitzen. « Quelque chose enfermant la chaleur pendant la journée pour la relâcher lentement la nuit. » La prochaine étape est de faire des essais en situation réelle, sur une grande zone comme le Kenya par exemple. « C’est bien beau de faire des expériences en laboratoire, mais il faut surtout aller sur le terrain aussi vite que possible, car c’est là que le problème sévit. »

 

Exemples de trajectoires de vols de l'Anopheles gambiae dans différentes conditions (Source: PLOS ONE).