Hélène Petot, 28 ans, boursière 2010 du programme L’Oréal-Unesco « For Women in Science », est actuellement en fin de thèse en physiologie des sportifs. Ses travaux présentent une approche scientifique de l’étude des facteurs limitant les performances pendant une activité physique. Dans cet article, elle nous montre qu’il n’est pas obligatoire de faire un effort physique très intense ni le maintenir sur une période déterminée pour être à une consommation maximale d’oxygène. En plus d’améliorer l’entraînement des sportifs, et de ce fait de limiter la prise de produits dopants, les travaux d’Hélène Petot mettent en avant que la recherche en physiologie peut apporter des réponses saines à certaines pathologies comme le cancer ou l’obésité.
Mes travaux de recherches sont basés sur le fait qu’il existe un lien entre l’arrêt de l’exercice lors d’un effort venant mobiliser le débit maximal d’oxygène et la réduction de l’oxygénation durant certaines pathologies respiratoires, cardiaques, ou cancers.
Le débit maximal d’oxygène (VO2max), aussi appelé consommation maximale d’oxygène, correspond à la quantité maximale d’oxygène que le corps est capable d’utiliser pour fournir de l’énergie. Exprimées en litres d’oxygène par minute (L/min), les valeurs moyennes de VO2max pour les hommes sont d’environ 35 ml/min/kg pour un sédentaire et peuvent aller jusqu’à 85 voir 90 35 ml/min/kg pour les athlètes de sport d’endurance de niveau international. La différence de VO2max entre les hommes et les femmes serait reliée à la différence du rapport poids sur masse graisseuse et au taux d’hémoglobine dans le sang. Ce débit est actuellement l’un des paramètres central pour la compréhension de la physiologie humaine lors d’un effort physique :
"Plus ce débit maximal d’oxygène est important et plus le sujet, sportif ou non, est capable de fournir une grande quantité d’énergie pour courir plus vite ou sauter plus haut….
"
Ainsi, le temps pendant lequel l’homme est capable de soutenir cette valeur de débit maximal est l’un des facteurs déterminant de la performance. De plus, je pense que l’étude du VO2max est également essentielle afin d’améliorer l’oxygénation chez des patients souffrant de pathologies pulmonaires et améliorer leur condition de vie.
On définit le VO2max comme le produit du débit cardiaque lors d’un effort maximal par la quantité d’oxygène extraite du sang artériel par les tissus lors d’un même effort (équation de Fick). Expérimentalement, il se mesure au cours d’efforts dits « maximaux et intenses » pouvant être soutenus par le corps durant 4 à 6 minutes en moyenne. Cependant, pour parvenir à cette moyenne, le corps doit atteindre des puissances traumatisantes pour lui et pour le cœur. De plus, il est particulièrement difficile pour une personne présentant des pathologies respiratoires ou cardiaques d’atteindre le VO2max ou de l’améliorer.
Comprendre les facteurs limitant le VO2max
Ainsi, grâce aux connaissances scientifiques actuelles en physiologie, il est possible d’augmenter le débit maximal d’oxygène et donc les capacités d’oxygénation d’un sportif ou d’un sédentaire. Néanmoins, du fait des contraintes physiologique requises pour atteindre le VO2max, il n’existe que peu d’analyses étudiant un aspect essentiel pour l’amélioration de l’entraînement sportif et pour la santé : l’étude de la coopération entre les différents métabolismes de fourniture énergétique et les intensités de l’exercice durant des efforts intenses pour maintenir le VO2max le plus longtemps possible. Autrement dit, comment améliorer la performance moyenne des efforts physiques en situation de VO2max chez chaque individu sans distinction de santé et en personnalisant les protocoles d’entraînement et de rééducation. Ainsi, une meilleure compréhension des facteurs limitant l’endurance au débit maximal d’oxygène permettrait d’amener des réponses sur les limites de la capacité d’oxygénation chez l’homme.
Comprendre les facteurs limitant l’endurance au VO2max
Mon travail de recherche est basé sur deux nouvelles hypothèses:
1) il est possible de travailler la consommation maximale d’oxygène sans exécuter des efforts de très haute intensité voir maximaux.
2) la capacité du métabolisme aérobie (consommation des glucides, lipides et protéines grâce à l’oxygène pour produire de l’eau et du CO2 au sein des mitochondries) est dépendant du métabolisme anaérobie (réactions biochimiques ne nécessitant pas d’oxygène) et de l’utilisation de la filière lactique (utilisation du glycogène musculaire, lors d’un manque d’oxygène, et production d’acide lactique identifiable par l’essoufflement et les crampes). Cette approche n’a encore jamais été étudiée et devient donc un réel projet novateur et porteur de découverte que ce soit dans le domaine sportif ou médical.
Mes recherches ont pour objectif de définir les facteurs limitant la consommation maximale d’oxygène (VO2max) dans son amplitude et sa durée (endurance au VO2max): cardiaque, respiratoire, métabolique. Pour cela, nous modélisons le rôle du métabolisme anaérobie lors d’effort mobilisant le plus longtemps possible VO2max que ce soit en normoxie (état du corps dans lequel la concentration en dioxygène est normale ou exercice fait au niveau de la mer) ou en hypoxie (diminution de la concentration en dioxygène rencontrée notamment en altitude et due à la rareté de l’oxygène).
Pour cela, j’introduis dans le nouveau modèle mis en place la variable physiologique VO2max comme variable indépendante sur laquelle la puissance de l’exercice est asservie (et non l’inverse comme cela se fait classiquement). Grâce à ce nouveau protocole, je mets en évidence un nouveau concept de temps limite à consommation maximal d’oxygène alors que n’était considérée que son amplitude et non sa durée. J’ai également mis en place un nouveau protocole de mesure de VO2max avec une variation de puissance lors d’un test incrémenté qui a fait l’objet d’une publication.
Pendant les 3 années de ma thèse, mon travail a été divisé en plusieurs protocoles différents mais tous en corrélation. Le premier consiste à comparer le temps de soutien d’un effort à VO2max à la puissance maximale aérobie stabilisée et à une puissance variable en fonction de ce VO2max, chez des hommes et des femmes sportifs ou sédentaires. Le second protocole, basé sur les résultats du premier, examine les facteurs limitant l’endurance au VO2max à la suite d’un protocole incrémenté et permet pour la première fois de valider l’atteinte de VO2max. Le troisième protocole, basé sur les résultats du premier, examine les facteurs limitant l’endurance au VO2max en hypoxie (c'est-à-dire en diminuant le niveau d’oxygène dans l’air). Nous voyons ainsi la réponse physiologique du corps lors d’exercices intenses avec un manque important d’oxygène (exercices en altitude, exercices amenant à l’épuisement ou efforts de longue durée induisant une fatigue importante). Enfin la dernière grande partie de mon travail, forte des résultats précédents, vient apprécier le rôle du métabolisme anaérobie lors de l’endurance au VO2max.
Pour conclure, ce travail trouve ses deux principales applications dans le domaine de l’optimisation de l’entraînement sportif (meilleure adaptation de l’entraînement) et donc de lutte contre le dopage. Dans le domaine de la santé, la mise en place de nouveaux protocoles moins fatigants mais tout aussi efficaces permettront l’amélioration des capacités respiratoires et cardiaques des personnes sans les soumettre à de trop hautes intensités d’exercices. Ce sera aussi possible dans le cas de pathologies cardiaques/ respiratoires/ motrices ou dans le cas de la perte de fonctionnalités cardiaques et respiratoires dues à l’âge.
On sait aujourd’hui qu’une activité physique bien « dosée » permet non seulement de diminuer les maladies cardio-respiratoires mais constitue aussi un remède dans certains cas. Il est donc maintenant possible d’étudier comment l’activité physique entre en jeu dans le rétablissement des patients, ce qui rend désormais primordiale l’étude de « sa posologie ».
Sources : A new incremental test for VO(2max) accurate measurement by increasing VO(2max) plateau duration, allowing the investigation of its limiting factors, H. Petot et al., Eur. J . Appl. Physiol. (2011) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21997677/ En savoir plus : Science et pratique sportive au LEPHE, à Evry https://data.bnf.fr/fr/12307957/veronique_billat/
To perform with less effort, practice beyond perfection https://www.sciencedaily.com/releases/2012/02/120209144013.htm