Science et Magie : percer les secrets des tours de magie du temps de Houdin, Meliès et Houdini

Nous voulons tous connaître les dessous des tours des magiciens. Depuis notre rencontre avec Dani Lary, le plus grand illusionniste d’Europe, l’équipe MyScienceWork s’est plongée dans la lecture des livres de la bibliothèque personnelle de Houdini, un français considéré comme le père de la prestidigitation moderne. Tout le monde sait que la magie est le fruit de la combinaison de plusieurs astuces. Ces tours peuvent faire appel à l’habilité, à la science, à la technique ou bien encore à la psychologie. Nous vous proposons un retour dans le temps, au début du XXe siècle, pour vous dévoiler quelques tours de l’époque : ceux du temps où Houdin, Meliès et Houdini faisaient rêver petits et grands.

Au temps des automates et des numéros enchaînés dans l’eau

Qui étaient les premiers magiciens ? Jean-Eugène Robert-Houdin (1805-1871) est le plus grand magicien du XIXème siècle. Il est considéré comme étant le plus grand illusionniste de tous les temps, à l’origine de presque tous les tours que connait la magie actuelle. Il est aussi un grand constructeur d’automates. Tout comme Georges Méliès (1861-1938), un illusionniste français considéré comme le père des effets spéciaux, Houdin étudie l’horlogerie, l’électricité et la construction d’automates. Il dépose en ce sens de nombreux brevets d’inventions. Il crée un théâtre de la magie, qui sera racheté par la suite par Georges Meliès lui-même, et fonde l’Académie de la prestidigitation en 1891. Georges Meliès suit ses traces. Comme Houdin, il étudie les sciences de l’automate. Il devient prestidigitateur et invente par la suite des tours qu’il appliquera à la cinématographie ; c’est le début des effets spéciaux. Il est aujourd’hui considéré comme étant le premier réalisateur apportant de la poésie et du divertissement à ce nouvel art.

Quelques décennies plus tard apparaît Harry Houdini (1874-1926), dont le pseudonyme rend hommage à son maître Robert-Houdin, lui-aussi à la fois grand scientifique et grand magicien. En effet, pour mettre en scène ses tours de magie, Houdini invente entre autres le taximètre (un système permettant le calcul du prix d’une course de taxi), des appareils d’ophtalmologie, le premier système de mesure des touches d’escrime, etc. Outre ces inventions, Harry Houdini est connu pour ses exploits d’évasion d’un container d’eau alors qu’il est lourdement enchaîné. Dani Lary, que nous avions interviewé pour un article récent, nous livre le secret de ce tour de passe-passe. « Personne, à ma connaissance, n’a depuis essayé de s’enchaîner entièrement et de plonger dans une piscine, se souvient-il. Moi je l’ai fait à plusieurs reprises et je peux vous assurer qu’il est plus difficile de retenir les chaînes pour faire croire que l’on essaie de se délivrer que de les retirer… Dans l’eau, les chaînes glissent sur votre peau et tombent comme des pierres. Il n’y a donc dans ce numéro ni force physique ni aucun truc». Un jeu d’enfant en somme ! Encore fallait-il oser le tenter.

Les trucs en magie de l’époque

Entamons un voyage dans le temps. Nous sommes en 1920 et vous vous rendez fréquemment au théâtre pour assister aux numéros de prestidigitateurs. Vous êtes passionné et souhaitez comprendre. Vous achetez alors les ouvrages les plus réputés de l’époque et vous commencez à vous exercer. Certains de ces ouvrages ont survécu et se trouvent aujourd’hui dans la bibliothèque personnelle de Dani Lary, digne successeur de ces hommes de l’illusion, qui a eu l’honneur d’hériter des ouvrages de Houdin. L’équipe MyScienceWork a eu le privilège de consulter ces ouvrages. Nous avons ainsi sélectionné pour vous certains passages des deux livres majeurs en matière d’apprentissage de la magie intitulés « Tours de Physique, les tours les plus amusants que l’on puisse faire en Société » et « Le Nouveau Magicien Prestidigitateur ».

Au début du XIXe siècle, les conseils pour impressionner le public étaient variés mais une chose est sûre, la magie n’était pas un passe-temps auquel on se consacrait à moitié. Nous vous déconseillons donc fortement d’essayer de réaliser ces tours à la maison. Par contre, soyez attentif aux expressions utilisées à l’époque, car elles valent le détour. Commençons donc par les expériences nécessitant une certaine adresse.

Expériences d’adresse « L’enfant escamoté

Dans une table, on pratique une trappe ; au-dessous, une cage élastique et à soufflet, munie à la base et aux quatre angles de ressorts à boudin, se colle contre la surface inférieure de la table, garnie par-devant d’un tapis à franges longues. On les soulève pour montrer qu’il n’y a rien. Après avoir placé l’enfant sur la table, on le couvre d’une cloche en bois ou en osier. L’enfant disparaît à travers la trappe, pèse sur le plancher du soufflet qui s’affaisse sous le poids et le cache complètement. On enlève la cloche, l’enfant est escamoté ; on la replace sur la table, l’enfant remonte, sort de sa cachette et reparaît aux yeux du public stupéfait. »

« Se planter des épingles et des aiguilles dans les jambes

Certains escamoteurs se plantent dans la jambe un clou de 2 cm. Cela s’explique de la manière suivante : vers le milieu de la jambe, entre le tibia et le péroné, est une espèce de petite fente, couverte seulement d’une peau mince, dans laquelle on peut insérer sans douleur bien sensible, des aiguilles, et même des petits clous. »

D’ailleurs on peut le faire aussi sur des animaux… « Enfoncer un couteau dans la tête d’un coq ou d’une poule sans le tuer

Un grand nombre de prestidigitateurs vous disent en vous montrant un coq qu’il sera bientôt rayé du nombre des vivants. Je vais, disent-ils, lui couper la tête et vous lui verrez la cervelle : cela ne l’empêchera pas de chanter cette nuit dans son poulailler et de se promener demain au milieu de sa basse-cour. Un instant après il lui plante un couteau dans la tête et le présente suspendu à la lame. Dès le commencement, on voit l’animal se débattre en remuant les ailes et pattes ; mais un instant après, il parait sans mouvement, ses yeux se ferment et on le croit mort. On ôte le couteau, le coq tombe sur la table et reste une masse inanimée. On remplit d’eau une petite seringue, on en chasse quelques gouttes dans le bec de l’animal il parait se ranimer peu à peu, bientôt il se lève sur ses pattes, bat des ailes et s’enfuit. Voici l’explication des faits. La cervelle du coq et de la poule étant placée sur le derrière de la tête du côté du cou, il y a entre la cervelle et le bec, une partie de la tête qu’on peut percer d’un couteau sans tuer l’animal ; et si la tête a été percée d’avance vers cet endroit, on pourra la suspendre au couteau aussi souvent qu’on le voudra, sans lui faire aucun mal, pourvu que le couteau ne soit pas bien tranchant, et alors l’animal commencera toujours par se débattre en remuant les ailes et les pattes pour exprimer le désagrément de sa position»

Voici donc quelques illusions de miracles, certes un peu particuliers, que l’on peut créer grâce à une bonne connaissance de l’anatomie. Pour montrer à quel point la magie exploite tous les progrès réalisés en science pour créer l’illusion, voici quelques exemples plus ou moins connus faisant appel aux propriétés de la chaleur, de l’acoustique, de l’optique, de l’électricité et enfin de la chimie.

Expériences relatives à la chaleur « Une flamme qui ne brûle pas

Aspirez fortement la flamme d’une bougie ; elle pénétrera dans votre bouche sans vous brûler, parce que la force même de l’aspiration l’empêchera de se fixer sur vos lèvres, qui seront, de plus, protégées par l’air aspiré en même temps que la flamme, qu’il entourera d’une enveloppe fraîche. »

Phénomènes d’acoustique « Le concert des verres

Tout le monde sait qu’au choc d’un objet quelconque un verre rend un son d’autant plus aigu qu’il contient plus d’eau. Il est facile d’accorder des verres avec un piano en mettant dans chacun d’eux plus ou moins d’eau, et de se procurer ainsi un instrument de musique sur lequel on pourra jouer toutes sortes d’airs. Pour s’éviter la peine et la perte de temps que nécessite l’opération de l’accordage, certains faiseurs de tours se servent de verres percés chacun de manière que, lorsqu’on les remplit jusqu’au bord, l’eau s’écoule par ces trous jusqu’à ce qu’il en reste juste assez pour donner au verre le ton nécessaire. Par ce moyen, l’instrument s’accorde de lui-même en un instant ».

Expériences et phénomènes d’optique « Le thaumatrope

Le thaumatrope est un disque de carton que l’on met en rotation avec les doigts autour d’un axe formé par deux cordelettes et qui produit une curieuse illusion d’optique en vertu de la persistance des impressions sur la rétine. On dessine sur l’une des faces du disque une cage, et sur l’autre un oiseau. Quand on fait tourner l’instrument, on ne voit plus qu’une seule image : l’oiseau dans sa cage. »

« Le parlant décapité

L’expérience du décapité parlant est une des plus curieuses applications des miroirs à la physique amusante. Tout le monde a vu cette expérience, qui a été répétée sur tous les théâtres de magie et dans toutes les foires. Le spectateur arrive à l’entrée d’une petite salle où il ne pénètre pas et où il voit une table à trois pieds. Au-dessus de cette table est une tête humaine, posée sur un drap ensanglantée au milieu d’un plateau. Cette tête remue et parle, répond aux questions qu’on lui pose. Le corps de l’homme qui joue le rôle du décapité est tout simplement assis sous la table ; mais il est dissimulé par deux glaces étamées posées à 45 degrés par rapport aux murs latéraux, de telle sorte que, l’image de ces murs coïncidant avec la partie visible du mur du fond de la salle, badigeonné de la même couleur, on croit voir le vide sous la table. Une balustrade tient le public à distance et une lumière blafarde rend l’illusion plus complète. »

Expériences relatives à l’électricité « Le papier électrique

Prenez une feuille de papier blanc, exposez-la au feu jusqu’à ce qu’elle soit bien chauffée et posez-la sur une table vernie ; puis frottez cette feuille avec la paume de la main, toujours dans le même sens. Quand on voudra enlever la feuille de papier de sur la table, on éprouvera une résistance très sensible et il semblera que la feuille est collée au bois ; si on l’applique contre une muraille, elle s’y fixera. Si l’on répand sur la table des objets très légers, pains à cacheter, brins de paille, bribes de duvet, etc., ces objets, attirés par la feuille électrisée, se mettront à sauter. Si vous faites l’obscurité dans la chambre où a lieu l’expérience, et si vous passez devant la feuille de papier un objet métallique pointu, une lueur phosphorescente parcourra le papier. »

Expériences de chimie

« Globes enflammés sortant de l’eau

Jetez dans un verre d’eau rempli à moitié un morceau de phosphure de calcium ; presque aussitôt de petits globules s’élèveront à la surface de l’eau et s’enflammeront à l’air en produisant une explosion et en lançant des couronnes de fumée blanche. »

« L’eau enflammée

Dans de l’acide sulfurique étendu de cinq fois son poids d’eau, mettez de la limaille de zinc et quelques morceaux de phosphore. La surface du liquide se couvrira immédiatement de flammes et le liquide lui-même sera sillonné par des traînées de feu. »

Notre rencontre avec le grand illusionniste Dani Lary nous a fait réfléchir. Est-ce finalement si important  de connaître les trucs des magiciens? Bien sûr, nous aimons comprendre et nous assurer que toutes les étapes s’enchaînent de telle manière à ce que le spectateur soit complètement émerveillé, afin d’arriver à l’exclamation finale « mais comment a-t-il fait cela, c’est incroyable ! ».  Quand bien même nous aurions l’ensemble des techniques utilisées pour organiser les grandes illusions à portée de main, la magie du spectacle réside dans sa réalisation, sa poésie, ses émotions. La magie du début du XXème siècle peut nous paraître simple car nous sommes désormais habitués à voir des spectacles grandioses, pourtant ils font partie de notre patrimoine qui est encore ancré au cœur de la magie d’aujourd’hui.

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