Découvrez jusqu'au 3 juillet prochain à la Cité des Sciences et de l'Industrie l'exposition « Science (et) Fiction, aventures croisées » réalisée en partenariat avec la BnF. Une des commissaires de l'exposition Evelyne Hiard nous raconte la genèse et les points clefs de ce projet. Présentée sur deux niveaux, « Traverser l’espace et le temps » et « Imaginer d’autres sociétés », cette exposition est une immersion dans l’univers de la SF (littérature, cinéma, BD, mangas, arts graphiques).
Forte de son expérience « Star Wars, L’expo » (2005-2006), la Cité des Sciences et de l’Industrie propose de confronter la science avec la fiction. Le collectionneur français, Arnaud Grunberg, président de ScienceFictionArchives.com, a rassemblé depuis la fin des années 70 plus de 1500 objets de science-fiction. Il a ainsi mis à disposition de l’exposition un très grand nombre de prototypes, de maquettes de vaisseaux, d’objets, de costumes, de masques, de robots, d’automates, d’androïdes, de cyborgs et autres, dont 95% sont des originaux souvent issus de tournage de films hollywoodiens. Retrouvez les prototypes des héros de la planète des singes, de Star Trek, de Terminator, d'Alien, de Men In Black, de Retour vers le futur, de Starship Troopers mais aussi une muséographie plurimédia faite d’ambiances sonore et visuelle, d’évocation de décors, de projections grand format d’extraits de films ou de planches géantes de bandes dessinées. Au fil du parcours, des salons de lecture invitent le public à découvrir romans, mangas et BD de SF puis des installations immersives permettent de vivre des aventures sympathiques: traversez la matrice, gérez à plusieurs une colonie spatiale, vivez un voyage temporel, auto-incrustez vous dans un film, découvrez la réalité augmentée etc.
Mais tout d’abord qu'est-ce que la science-fiction?
"On peut définir la science-fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.
Isaac Asimov, Extrait de la préface de : David Starr, justicier de l’espace (1954), Editions Lefrancq, réédition de 1993.
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Ainsi, l’exploration des possibles conséquences d’innovations technologiques, dans un décor souvent futuriste, est à la base d’une majorité de récits de science-fiction.
Bien qu’il existe des récits de fiction antérieurs à cela, l’essor de la science-fiction date du début du 20ème siècle avec la multiplication des très populaires : « pulp magazines ». Notons par ailleurs, l’utilisation de la science-fiction par certains scientifiques pour diffuser de nouvelles idées tout à fait scientifiques comme la rotation copernicienne de la terre autour du soleil. Celle-ci, observée par un observateur assis sur la lune dans « Le songe ou astronomie lunaire », fut présentée par Kepler sous couvert de science-fiction pour se protéger de la controverse religieuse.
Toujours en amont de la science, la science-fiction permet de sonder au-delà des limites technologiques d’une époque. L’exposition commence en nous emmenant parmi les premiers recueils de voyage vers la lune (Lucien de Samosate, Kepler, Jules Verne, etc.) Suivent au 17ème siècle, les récits de voyages vers la planète Mars ou encore l’ascenseur spatial (1950), deux thématiques toujours au-delà des limites de l’exploration spatiale et qui restent pour l’instant du domaine de l’utopie bien que les propriétés nouvelles des nanotubes de carbone aient récemment remis au gout du jour l’idée de la construction d’un ascenseur géospatial.
Bien entendu, la science-fiction s’alimente de concepts scientifiques et ne se gêne pas pour les remodeler afin de nourrir notre imaginaire d’univers parallèles et de mondes nouveaux dans lesquels la SF a une entière liberté de définir de nouvelles règles de physique (apesanteur, télépathie…)
Cependant certains seront surpris d’apprendre que la science se nourrit elle aussi de science-fiction. En effet, de nombreux termes scientifiques comme robots, cyborg ou plus récemment le concept de téléportation, sont apparus pour la première fois grâce à l’imagination d’auteurs de fiction passionnés par la science. De la même manière, des idées extravagantes issues de la fiction ont plusieurs fois été reprises par des scientifiques. Ainsi la téléportation, la cryogénisation ou encore le téléphone pliable (apparu dans Star Trek), furent maintes fois évoquées en science-fiction avant d’atteindre la sphère de la science puis de la technologie.
La question reste cependant de savoir qui, de fait, influence qui. La science-fiction a-t-elle des dispositions prémonitoires? Devine-elle par chance, lors d’essais aléatoires et multiples, une succession logique d’avancées scientifiques ou influence-t-elle les scientifiques en proposant des utopies de mondes meilleurs ?
Bien entendu, la SF se trompe plus qu’elle ne pressent l’avenir. Mais la science, elle aussi, commet des erreurs. C’est ce qui est pointé par l’exposition « Science (et) Fiction » au niveau «Traversée l’espace et le temps », où trône un globe représentant la planète Mars peint à la main en 1909 et offert par l'astronome Percival Lowell à Camille Flammarion. A la fin du 19ème siècle, cet astronome avait fait des observations de la surface de la planète Mars à travers le Télescope Clark de 24 pouces. Il avait alors par erreur cru observer des canaux artificiels d'irrigation, ce qui avait fait naitre dans les imaginaires l'image de martiens luttant contre la sécheresse!
Projeté sur grand écran au cours de l’exposition, « 2001, l’Odyssée de l’espace » est un bon exemple de film de science-fiction qui s’est servi de la technique pour nous faire voyager dans l’espace. Focus sur ce film très particulier.
Focus sur 2001, l’Odyssée de l’espace (1968)
Stanley Kubrick a été fasciné par la probabilité d’une vie extraterrestre. En 1964, il persuade l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke d’écrire le scénario de « 2001, l’Odyssée de l’espace ». La production débutera fin 1965 dans des studios près de Londres.
« 2001, l’Odyssée de l’espace » est le film le plus célèbre de Stanley Kubrick mais il est aussi le plus abouti d’un point de vue technique. Il a été tourné en 70 mm grand écran et définit de nouveaux standards en matière de science-fiction au cinéma. Les décors futuristes et le design des années 1960 s’y influencent réciproquement. Dans ce film Stanley Kubrick revoit les conventions du récit cinématographique : dialogues limités, images nettes mais mystérieuses.
Par ailleurs, Stanley Kubrick utilisa plusieurs stratégies pour rendre son film futuriste ; par exemple il utilise pour la première fois des fiches autocollantes ‘Sasco’ pour suivre les considérables plans séquences des effets spéciaux. Il utilise de nouvelles techniques cinématographiques, comme celle de la projection frontale (réfléchir sur un écran l’image projetée dans l’axe de la caméra, et cela sans perte de lumière). Cette technique lui permet de réaliser la première séquence du film où les acteurs 'singes' furent filmés en studio puis combinés avec des paysages d’Afrique projetés par devant.
Pour arriver à ses fins, le réalisateur de « 2001, l’Odyssée de l’espace » fît également participer 40 firmes à son film, ce qui lui permît de bénéficier des dernières inventions des laboratoires de recherche de ces grandes firmes. De fait, la présence de ces marques : IBM, Vogue, Parker, Hamilton, rend le contexte futuriste plus plausible.
Pourtant, à sa première en 1968, le public rejette le film le trouvant incompréhensible et ennuyeux. Son travail sera enfin récompensé en 1969 lorsqu’il obtient l’oscar des meilleurs effets spéciaux. Aujourd’hui, « 2001, l’Odyssée de l’espace » est considéré comme un classique du cinéma.
La science-fiction, un prétexte pour parler de science
Si de nombreuses fois la science-fiction utilise la science uniquement comme outil de genre pour toucher le public, elle a aussi très souvent permis aux auteurs de parler de science, de la rendre plus accessible mais aussi de pouvoir la remettre en question.
De fait, la science-fiction reflète la relation ambiguë entre la société et la science. C’est ce que démontre la section « Imaginer d’autres sociétés, Utopie et dystopie » de l’exposition « Science (et) Fiction ». En effet, nous passons abruptement d’illustrations où la science magnifiée répare et améliore le corps humain défaillant (bras articulés, organes artificiels et vision augmentée pour les malvoyants) à une immersion dans les mondes robotisés et contrôlés par les réseaux numériques.
Ainsi dans cette section, la science-fiction alerte sur la dangerosité des mondes contrôlés par des intelligences artificielles; l’apothéose de cette démonstration étant une pièce entièrement dédiée à l’univers de Matrix où l’humain se découvre prisonnier d’un monde numérique entièrement artificiel. Un thème commun se déploie où l’homme doit s’échapper d’une société fermée, d’une ville, où la liberté de l’esprit humain vainc la puissante machine. La dangerosité du clonage humain ou de la destruction des environnements naturels sont aussi très présents dans cette mise en garde du tout technologique.
Un comité scientifique a permis de rendre cette exposition rigoureusement scientifique. Les membres consultés sont Ugo Bellagamba (auteur de science-fiction, maître de conférences, Université de Nice), Patrick J. Gyger (directeur-conservateur de la Maison d’Ailleurs), Roland Lehoucq (astrophysicien au CEA, professeur à l’Ecole polytechnique et auteur de « Faire de la science avec Star Wars) et Clément Pieyre (conservateur au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France).
© sarah5 - Fotolia.com Photos de l'exposition (Laurence Bianchini et Virginie Simon)
En savoir plus :
1) "2084: Le meilleur ou le pire des modèles?" Concours de nouvelles précédées d'un dialogue de Pierre Bordage, Céline Curiol, Pierre-Henri Gouyon, Roland Lehoucq et Hervé Le Treut.
2) Science et science-fiction : deux mondes en interaction (11 octobre 2011). Visualisez cet épisode de "Space" http://www.esa.int/esaCP/SEM03KSOREG_France_0.html
3) Report of an oral session in the conference: Consumer Electronics Show (CES) in Las Vegas (2011) http://www.itpro.co.uk/159879/science-fictions-influence-on-technology-ideas-made-real