La maladie du sommeil menace des millions de personnes en Afrique subsaharienne. Elle est véhiculée par un parasite, le trypanosome, transmis à l’homme par une piqûre de la mouche tsé-tsé. En un peu plus d’un siècle, la maladie a connu plusieurs pics épidémiques. Depuis le début des années 2000, des nouveaux efforts ont permis de limiter le nombre de nouveaux cas par an et il est temps de tout mettre en place pour tenter d’éradiquer la maladie. Cela passe par un contrôle des mouches tsé-tsé, une amélioration des moyens de détection et une évolution du traitement.
Cet article existe aussi en anglais "Renewed interest in sleeping sickness", traduit par Timothée Froelich.
Nouveau test de détection de la maladie du sommeil. Adapté de PLoS Negl Trop Dis 7(2): e2087. doi:10.1371/journal.pntd.0002087
La maladie du sommeil ou trypanosomiase humaine africaine (THA) est transmise par un parasite, le trypanosome, via une piqûre de la mouche tsé-tsé. Cette maladie endémique touche majoritairement les populations pauvres et rurales d’Afrique subsaharienne et menace plus de 70 millions de personnes. En l’absence de traitement, la maladie du sommeil est mortelle. Le parasite se développe dans le sang et le système lymphatique pendant un temps variable. Le patient ne présente aucun symptôme caractéristique jusqu’à ce que le trypanosome ne passe dans le système nerveux central.
Depuis plus d’un siècle, l’Afrique a connu plusieurs grandes épidémies de THA particulièrement dévastatrices. En 1920, plusieurs pays sont atteints et s’en sortent grâce à une campagne de dépistage organisée par des équipes mobiles de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Après avoir quasiment disparu dans les années 60, la maladie revient en force en 1970 lors d’une période de relâchement de la surveillance. Depuis plus de vingt ans, les efforts conjugués de l’OMS, des programmes nationaux de lutte, de la coopération bilatérale et des organisations non-gouvernementales (ONG) ont permis de diminuer le nombre de nouveaux cas par an. De 30 000 à 50 000, il est passé à moins de 10 000 depuis 2009. Aujourd’hui on compte environ 30 000 cas effectifs.
Pour venir à bout de cette maladie, il faut rapidement repérer les nouveaux cas pour les traiter. La propagation du parasite est ainsi ralentie voire stoppée et les chances de guérison augmentent. Mais les obstacles sont nombreux : manque d’accès aux populations touchées (zones rurales souvent éloignées, guerres civiles…) et techniques de dépistage lourdes à mettre en place (besoin de personnes qualifiées et d’équipements lourds). Depuis cinq ans, l’évolution des techniques a permis de développer de nouveaux tests qui détectent les anticorps contre le trypanosome présents dans le sang.
L’équipe du Prof. Ferguson de l’Université de Dundee a récemment publié une étude dans PLOS, Neglected Tropical Diseases, qui décrit un test simple à utiliser et peu coûteux. Celui-ci fonctionne sur le même principe qu’un test de grossesse remplaçant l’urine par une goutte de sang ou de sérum. L’apparition de deux bandes prouve un contact avec le parasite. Le Dr Lauren Sullivan, qui a participé à cette étude, précise que de nombreux antigènes ont été examinés et que certains, publiés ou non, sont très prometteurs pour révéler la présence (actuelle ou passée) du trypanosome. Après ce test, l’infection en cours doit encore être confirmée au microscope ou en détectant l’ADN du parasite. Le Dr Sullivan pense qu’à terme, ces tests supplémentaires ne seront plus nécessaires.
Un autre essai similaire a été développé par un partenariat entre la FIND (Foundation for Innovative New Diagnostics) et Standard Diagnostics, une entreprise coréenne. Il est actuellement testé sur le terrain en République Démocratique du Congo, région encore particulièrement touchée par la maladie du sommeil. Le Dr. Joseph Ndung’u, responsable du service THA et autres maladies négligées chez FIND à Genève, ajoute que les différents travaux seront comparés et qu’ils garderont le meilleur (le plus fiable et le moins cher). En parallèle, FIND œuvre à la mise en place stratégique de centres de détection sur le terrain. Ainsi, après une première étape de détection rapide et économique, la maladie sera vite confirmée grâce à la proximité des autres structures nécessaires (microscopie et détection de l’ADN en cas de besoin). Le traitement pourra alors être entrepris sans attendre et sera plus efficace.
Peu de médicaments sont disponibles pour traiter les THA. Pendant des années, seul un dérivé de l’arsenic aux multiples effets secondaires et tuant un patient sur vingt, permettait de soigner les patients en phase avancée. Récemment, une initiative de la fondation Drugs for Neglected Diseases Initiative (DNDi) a permis de le remplacer par une série d’injections de NECT, une combinaison de deux médicaments anciens : l'eflornithine et le nifurtimox. Le don de ces molécules par les industriels Sanofi et Bayer permet des soins gratuits. Des travaux sont en cours pour développer une forme orale du traitement pour le faciliter, mobiliser un moins gros dispositif de soin et donc soigner plus de personnes. Les progrès concernant la détection et le traitement de la maladie du sommeil permettent d’envisager son éradication dans un futur qui n’est plus si lointain.
Pour en savoir plus :
Médecin sans frontière : https://www.msf.fr/actualites/rd-congo-du-nouveau-pour-la-trypanosomiase
Section THA et autres maladies tropicales négligées de FIND : https://www.finddx.org/
Source photo à la une : NASA