Un tiers entier des espèces mammifères en France sont…des chauves-souris ! Leur rôle dans l’écosystème est primordial, et n'essayez même pas d'imaginer une soirée d'été sans chauves-souris : vous seriez assaillis par des moustiques. Le jeudi 10 avril, Fiona Lehane, naturaliste et co-présidente de l’association Azimut 230, a donné une conférence publique sur les chauves-souris d’Île de France. Le but : faire connaître au public francilien ces petits mammifères qu’ils côtoient sans toujours les voir et de sensibiliser aux enjeux de leur protection. Retour sur le travail des chiroptérologues et associations en Île-de-France.
Source : Wikimedia Commons
Chauves-souris de France : Qui sont-elles ?
En France métropolitaine, on dénombre 35 espèces différentes de chiroptères, ce qui représente pas moins d’un tiers des espèces de mammifères du pays. Celles-ci appartiennent à quatre familles différentes :
- Les Rhinolophidés au nez en forme de fer à cheval, les seules à se suspendre la tête en bas ; on en compte quatre espèces en France.
Les Molossidés au museau semblable à celui d’un chien ; il en existe une seule espèce dans le sud du pays.
Les Minioptéridés dont le front est bombé ; de même que pour les Molossidés, il n’en existe qu’une espèce en France.
Les Vespertillonidés dont la tête ressemble à celle des souris ; la plupart des chauves-souris françaises sont de cette famille : on dénombre 18 espèces différentes sur le territoire.
Afin d’observer et de protéger ces chauves-souris, plusieurs dispositifs d’étude ont été mis en place. Le premier consiste à trouver les gîtes d’hibernation et de procéder à un comptage de la façon la plus discrète possible afin de ne pas réveiller les individus. Ainsi, dans la Petite Ceinture parisienne qui contient l’une des plus grandes colonies de pipistrelles connue d’Ile de France, les individus sont recensés chaque hiver avec cette technique.
Un autre dispositif d’étude bien moins intrusif consiste à détecter les ultrasons produits par les chauves-souris. Ces ultrasons qui permettent aux animaux de se repérer et d’identifier leurs proies sont spécifiques à chaque espèce et changent en fonction de leur fonction : identification d’une proie, parade amoureuse, communication… Les chiroptérologues étudient leur fréquence, leur durée et leur rythme afin d’identifier les espèces et d’étudier leur comportement. C’est notamment le protocole qu’a mis en place le Museum National d’Histoire Naturelle pour son plan Vigie-Chiro. 323 points d’écoute ont été installés dans Paris et ont permis d’identifier trois à cinq espèces dans la ville, la plupart évoluant sans surprises au Bois de Boulogne ou au Bois de Vincennes en raison de la présence accrue d’arbres et de buissons.
Pour mener des études scientifiques plus poussées sur les chiroptères, les chiroptérologues utilisent la chasse au filet. Cette technique est très encadrée et ne concerne qu’un nombre limité d’études scientifiques. Elle est pratiquée pour identifier le sexe des individus, leur âge, ou pour poser des émetteurs qui permettent de les suivre par radiopistage durant dix à quinze jours. Le radiopistage est très précieux pour la protection des chauves-souris car il permet de suivre les colonies de reproduction et d’améliorer ainsi la gestion forestière.
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Un déclin de population inquiétant
Les chauves-souris font partie intégrante de l’écosystème français : elles se nourrissent d’insectes souvent nuisibles aux cultures et leur guano est un puissant fertilisant. En outre, certaines espèces comme le murin de Daubenton peuvent manger environ 60 000 moustiques en une saison. Autant dire que vos bougies à la citronnelle ne font pas le poids.
Malheureusement, les chauves-souris sont fortement menacées par l’activité humaine et leur population décroît très rapidement. En effet, l’urbanisation et l’activité agricole détruisent leurs habitats, les pesticides les empoisonnent indirectement à travers les insectes ou font disparaître les insectes dont elles se nourrissent, elles sont victimes de collisions sur les routes ou sur des éoliennes, les chats domestiques les chassent et les hommes en les craignant les menacent. Ainsi, entre la fin des années 1990 et aujourd’hui, la colonie de pipistrelles de la Petite Ceinture est passée de 1 400 individus à environ 500. Ce déclin de population est pour le moins inquiétant et a d’indéniables conséquences sur les écosystèmes français. Celles-ci sont cependant difficiles à identifier spécifiquement sachant qu’il existe un nombre important de facteurs perturbant actuellement les écosystèmes français.
Les chauves-souris sont donc protégées en France depuis le 10 juillet 1976 : il est aujourd’hui strictement interdit de les détruire, de détruire leur habitat, de les transporter ou de les commercialiser. Afin de mieux protéger les chiroptères, un plan national d’action en faveur des chauves-souris en France a été créé pour coordonner l’action des acteurs agissant pour la conservation des chauves-souris en France et en régions. Ainsi, la Direction Régionale des Affaires Culturelles Midi-Pyrénées a par exemple ouvert en 2012 des espaces dans la cathédrale Notre-Dame de Montauban afin de permettre à des chauves-souris de séjourner dans les combles. La Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères finance en outre des études permettant de protéger plus efficacement les chauves-souris. Plusieurs associations telles qu’Azimut 230 se mobilisent quant à elles pour effectuer des comptages et des suivis d’individus ou encore protéger leurs gîtes avec des grilles. Celles-ci évitent l’entrée d’êtres humains pouvant perturber l’hibernation des chiroptères. Ces associations mènent aussi des campagnes de sensibilisation auprès du grand-public, des scolaires ou encore des professionnels comme les vétérinaires, qui connaissent parfois peu les chiroptères.
Vous pouvez vous aussi vous mobiliser pour la protection de ces mammifères volants. Par exemple, en rejoignant ou soutenant des associations près de chez vous, vous pouvez participer à l’identification de chauves-souris ou aux missions de préservation de leur habitat. De plus, si vous tombez nez à nez avec des chauves-souris dans votre maison, vous pouvez vous aussi agir pour leur protection en contactant SOS chauves-souris, un réseau de spécialistes disponibles sur l’ensemble du territoire pouvant vous conseiller ou se déplacer pour que le moins de mal possible soit fait aux animaux.
En savoir plus sur les chauves-souris sur MyScienceWork :
Chauves-souris : sus aux préjugés ! par Audrey Risser
BATS: Between Fear and Passion par Abby Tabor
Des rendez-vous pour les amoureux des chauves-souris :
- Du 21 au 25 mai 2014 : La Fête de la Nature au Jardin des Plantes à Paris
- La nuit du 30 au 31 août : La Nuit Internationale de la Chauve-Souris
Pour aller plus loin :
- Le documentaire Belles de Nuit d’Arte
- Le site de la SFEPM : http://www.sfepm.org
- Le site Vigie-Nature : http://vigienature.mnhn.fr
- Le site du Museum d’Histoire Naturelle de Bourges : http://www.museum-bourges.net/
- L’encyclopédie des chauves-souris d’Europe et d’Afrique du Nord, Dietz C., Von Helversen O., Nill D., 2009, Delachaux et Niestlé, 400p.
- Les chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse, Arthur L., Lemaire M., 2008, Biotope Mèze, MNHN, Paris, 544p.