Qualité de vie et doctorat, vous avez dit quoi !?

Etude sur l'état de santé des doctorants

Quelle est la qualité de vie des doctorants en France ? Sujet de blagues, de bandes-dessinées mais aussi sujet parfois tabou, la question de la santé mentale des thésards n’est que rarement évoquée par les études concernant les étudiants. Une récente enquête publiée cet été par Pascale Haag, maître de conférences à l’EHESS, confirme toutefois que cette tranche de la population est particulièrement sujette au stress. Avant de se poser la question de l’amélioration de l’emploi des docteurs, peut-être faut-il prendre le temps d’évaluer l’état de santé des doctorants dans la période qui précède leur soutenance et de réfléchir à de potentiels axes d’amélioration.

Quelle est la qualité de vie des doctorants en France ? Sujet de blagues, de bandes-dessinées mais aussi sujet parfois tabou, la question de la santé mentale des thésards n’est que rarement évoquée par les études concernant les étudiants. Une récente enquête menée cet été par Pascale Haag, maître de conférences à l’EHESS, confirme toutefois que cette tranche de la population est particulièrement sujette au stress. Avant de se poser la question de l’amélioration de l’emploi des docteurs, peut-être faut-il prendre le temps d’évaluer l’état de santé des doctorants dans la période qui précède leur soutenance et de réfléchir à de potentiels axes d’amélioration.

 

Troubles du sommeil, de l’humeur, abus de caféine, niveau de stress et d’anxiété élevés… la qualité de vie des étudiants est en moyenne moins bonne que celle des jeunes de la même tranche d’âge. Pourtant, peu d’études sont menées sur les facteurs de stress touchant la population des doctorants. La qualité de vie des thésards est devenue depuis peu un sujet sur lequel ironisent un grand nombre de sites, dont TDM « thèse de merde », le site francophone inspiré de VDM (vie de merde). La bande-dessinée est aussi un mode d’expression de l’expérience du thésard : on peut citer par exemple PhD comics, probablement le plus célèbre, ou encore les non moins cinglants Le Bureau 14 de la Sorbonne et PhDelirium. Pourquoi parle-t-on tant en ce moment de la vie des doctorants ?

 

« J’ai reçu 1000 réponses dans les premières 48h et plus de 2000 en 15 jours, » explique Pascale Haag lors de la présentation de son étude intitulée « Une enquête sur la qualité de vie des chercheurs en début de carrière ». Oui, c’est bien de la thèse dont il s’agit ici. Pascale Haag est maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Elle est aussi membre de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux et étudie la psychologie en master 2 à l’université Paris-Ouest Nanterre. Le 19 novembre, elle était l’invitée de la seconde session 2012/2013 des séminaires Aspects concrets de la Thèse (ACT) organisés par un groupe d’étudiants en doctorat de l’EHESS. « Le nombre aussi inattendu qu’encourageant de réponses et la réactivité des participants […] sont venus me conforter dans l’idée qu’une telle enquête répondait bien à une attente de la part des intéressés, » écrit-elle sur le carnet de recherche de ACT.

 
doctorants recherche emploi précarité

Quelle est la perception sociale de la thèse dans notre société moderne? source : Le bureau 14 de la Sorbonne

 

L’objectif de cette étude est d’ « examiner les relations entre anxiété-trait (état d’anxiété quotidien et durable), stress perçu et symptômes somatiques auprès d’un large échantillon de doctorants d’universités françaises, » explique-t-elle. Les troubles mentaux sont en règle générale difficiles à définir. Dans le cas du doctorant, il s’apparente à des formes plus ou moins graves de dépression, de stress, de troubles du sommeil, de fatigue anormale… Pascale Haag emprunte la méthodologie suivie pour réaliser son enquête au cadre théorique de  la psychologie de la santé qui apporte “un éclairage sur la santé et la maladie en prenant en considération de multiples facteurs – biologiques, psychologiques ou sociaux”.

 

Dans son mémoire de master 1, Pascale Haag présente les premières analyses de cette enquête menée entre le 29 juin et le 14 juillet auprès de 2 285 doctorants. Le premier constat de cette étude porte sur le genre. En effet, elle confirme l’hypothèse selon laquelle les doctorantEs seraient plus vulnérables au stress et à l’anxiété. Le lien est aussi confirmé entre le stress et des symptômes médicaux (troubles du sommeil, de la digestion, etc.). Une hypothèse serait de dire que les personnes stressées prennent moins soin de leur santé. Enfin, l’effet bénéfique d’une activité physique a aussi été confirmé chez cette population tant sur le plan physiologique que sur le plan psychologique. Les bienfaits d’une activité physique régulière et adaptée ne sont plus à démontrer, ces résultats sont largement applicables à toutes les tranches de la population.

 

Pascale Haag tient à souligner un fait marquant : "un cinquième des participants obtient un score qui dépasse le seuil pathologique de stress perçu."

 

Et ce stress augmenterait avec le nombre d’années suivant l’inscription en thèse alors qu'en principe ce facteur décroit avec l'âge. Dans ce cas particulier, cela n’est pas surprenant car ce sont les dernières années qui voient le nombre d’échéances importantes s’accumuler : dépôt du manuscrit de thèse, soutenance, fin de la période de financement, question de l’après-thèse etc. De quoi se faire quelques cheveux blancs.

 
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Le stress augmenterait avec le nombre d'année de doctorat. Source : http://bureau14.illustrateur.org/

 

Pour finir, elle confirme un lien entre le niveau de stress du doctorant et la qualité du sommeil. Sur ce point, il est bien-entendu difficile de savoir dans quel sens l’un des facteurs favorise l’autre. Est-ce que l’on dort moins bien lorsqu’on est stressé, ou bien est-ce le manque de sommeil qui favorise le stress ? Par ailleurs, plusieurs paramètres étudiés se sont avérés sans effet sur la santé mentale des thésards : la nationalité, la filière disciplinaire, le fait de bénéficier ou non d’un financement ou, plus surprenant, le fait d’avoir des enfants. Une légère variation est tout de même observée suivant les disciplines, un fait que l’on retrouve dans d’autres études. Pascale Haag rapporte que “ Pour Zorman (1998, cité par Boujut 2007132, p. 88), « L’étudiant scientifique se porte mieux que son confrère des sciences sociales, il se sent en meilleure santé physique et psychologique ».” Il consommerait aussi moins de médicaments et serait moins susceptible de consommer du tabac et des antidépresseurs ou des calmants.

La riche bibliographie présentée par Pascale Haag montre qu’il existe un certain nombre d’études qualitatives s’intéressant au cas des doctorants. La plupart concernent les défis du doctorat, parfois évoqué comme un « parcours initiatique », une épreuve sur le plan mental et émotionnel à laquelle peuvent s’ajouter des difficultés financières et matérielles. Sont alors mentionnés le stress et toutes sortes d’émotions négatives, notamment un fréquent sentiment d’isolement, d’anxiété et de déception.

 

En conclusion, Pascale Haag insiste particulièrement dans son analyse sur des points qu’elle considère essentiels : les troubles du sommeil, l’activité physique régulière et leur lien avec la santé. Le constat général est relativement négatif. Ce rapport conclut sur le fait qu’il serait nécessaire de conduire des études plus approfondies et multidisciplinaires sur les conditions de santé des doctorants. Cela permettrait l’analyse des causes de stress touchant cette tranche de la population. Est-ce que ce sont les conditions d’exercice de la recherche qui favorisent cela ? Quelle importance faut-il donner à la qualité des relations entretenues entre les doctorants et leur encadrant de thèse ? Selon Pascale Haag, il est impératif de mener de telles études afin d’ouvrir une réflexion sur l’amélioration des conditions de vie des doctorants. Avec en tête l’envie de prolonger son master 2 par une thèse sur le sujet, Pascale Haag souhaiterait voir proposer des solutions et éventuellement un accompagnement pour améliorer la santé des thésards et des thésardes.