Les chercheurs du CEA étudient différentes hypothèses pour expliquer la fertilité des galaxies de l’Univers lointain. Un nouveau paradigme émerge : un réseau de filaments de gaz relierait les galaxies entre elles et les alimenterait en matière pour la production de nouvelles étoiles.
Cet article existe aussi en anglais « Why do faraway galaxies create many more stars? ». Il a été traduit du français vers l’anglais par Timothée Froelich.
Les chercheurs du Laboratoire Cosmologie et Evolution des Galaxies (LCEG) du Commissariat à l'Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA) travaillent depuis plusieurs années sur les galaxies. Ils cherchent à comprendre pourquoi les galaxies lointaines engendrent plus d’étoiles que celles de l’Univers proche. Les instruments de mesure, les modèles théoriques et les simulations numériques leur permettent aujourd’hui de mettre à jour des caractéristiques cachées de l’Univers. Ces nouvelles hypothèses pourraient bien révolutionner nos connaissances de l’évolution des galaxies.
Les collisions de galaxies : une impasse
En travaillant sur l’Univers proche, les astrophysiciens du CEA ont pu remettre en question la séquence de Hubble, classification traditionnelle des galaxies. La caméra MegaCam révèle que certaines galaxies elliptiques, supposées mortes, voient encore se former des étoiles. D’autre part, les chercheurs ont pu montrer que « les collisions de galaxies ont un rôle déterminant sur leur forme » résume Pierre-Alain Duc, astrophysicien au service d'astrophysique du CEA (SAp). Au moyen de simulations numériques, les scientifiques remontent le temps et simulent la collision galactique. Ils expliquent ainsi la forme si particulière de certaines galaxies.
Simulation de collision qui aurait donné sa forme distinctive à la galaxie des Antennes – Crédits Images : CEA/Frédéric Bounaud
Les équipes de recherche se sont alors penchées sur ces collisions de galaxies. Leur hypothèse est qu’elles favorisent la concentration de la matière, donc la formation d’étoiles. Les collisions sont d’ailleurs à l’origine des phénomènes de flambées d’étoiles. Les galaxies de l’Univers lointain sont plus proches et ont donc plus de chance d’entrer en collision. Serait-ce la clé qui expliquerait pourquoi les galaxies lointaines sont plus fertiles que celles de l’Univers proche ? Non. Les flambées d’étoiles sont des phénomènes minoritaires qui ne représenteraient que 10 à 15% des apparitions d’étoiles. Au contraire, dans la majorité des cas, les collisions détruiraient la matière plus qu’elles ne la concentreraient pour former des étoiles. Les chercheurs ont pu montrer que la formation d’étoiles dans l’Univers lointain se fait de la même manière que dans l’Univers proche. « Plus les galaxies contiennent de gaz moléculaire, plus elles forment d’étoiles », explique simplement Marc Sargent, astrophysicien au CEA. La formation d’étoiles est donc un phénomène universel. « L’Univers s’est avéré extrêmement banal », conclut David Elbaz, astrophysicien au CEA.
L’hypothèse des filaments de gaz
Un constat reste cependant inexpliqué : la concentration d’étoiles dans l’Univers contraste avec la proportion de gaz disponible. D’où vient cette matière ? L’hypothèse des chercheurs du CEA est que les galaxies seraient reliées entre elles par des cathéters de gaz. Ce réseau de filaments viendrait alimenter les galaxies et expliquerait la création continue d’étoiles.
Crédits Images: NASA, ESA, and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA)-ESA/Hubble Collaboration
Seul problème, si la théorie et les modèles présentent cette hypothèse comme recevable, les moyens d’observation ne permettent pas de la valider. L’Univers proche est trop âgé pour que l’on puisse observer ces filaments. La matière s’est diluée avec l’expansion de l’Univers. L’observation des quasars, galaxies très lumineuses de l’Univers lointain, révèle bien la présence de matière mais ne permet pas d’en connaître la forme. Les espoirs des chercheurs se concentrent sur de potentielles traces de matière provenant de la formation d’étoiles comme le fer pour pouvoir mettre en lumière ces filaments. En effet, l’hydrogène atomique, principal composant de l’Univers, n’est pour le moment pas détectable. « Nous avons là un nouveau paradigme à tester », conclut David Elbaz.
Pour aller plus loin :
Comment se forme une étoile ? Fabien Malbet, Les énigmes – Composition de l’Univers, CNRS.
Sur MyScienceWork :
Herschel : la Formation des Etoiles au Coeur des Galaxies.
Expanding Ever Faster: The Discovery that Changed the Fate of the Universe [en anglais].