Faire la différence entre les os et les muscles n’est pas toujours chose facile lors de l’étude d’un fossile. La tâche devient d’autant plus ardue quand le fossile a subi un aplatissement lors du processus de fossilisation. À défaut de pouvoir déceler directement et suffisamment clairement le contraste entre les différents tissus, des chercheurs du CNRS, du Muséum National d’Histoire Naturelle et du synchrotron SOLEIL, ont imaginé une autre méthode de différenciation non-destructrice. Ils ont remarqué que la répartition de certains métaux renfermés dans le fossile, les fameuses terres rares, diffère selon le type de tissu. Bonus : la concentration de ces éléments chimiques est mesurable par imagerie de fluorescence. Publiés le 29 janvier [en anglais] dans la revue Plos One, ces travaux devraient élargir le champ d’investigation paléontologique.
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Les fossiles « plats » sont très fréquents. Malgré la compression qu’ils ont subie des suites de la pression exercée par les roches lors de la fossilisation, l’anatomie de certains de ces organismes est très bien conservée. Ils sont dits « à conservation exceptionnelle ». Des informations inestimables sont donc bien là, enfouies sous la surface, mais pas toujours récupérables. Au cours de leur fossilisation, ces vestiges organiques subissent des transformations physicochimiques qui rendent infructueuses les techniques d’imagerie classiques, comme la microscopie optique ou la tomographie.
L’observation de la répartition des terres rares à l’intérieur même du fossile s’avère bien plus efficace. Ces éléments chimiques ont pour particularité de se fixer de manière préférentielle sur certains tissus plutôt que d’autres. Une aubaine pour établir des contrastes détaillés dans l’anatomie d’un fossile, et cela sans l’altérer. Les données récoltées grâce à l’imagerie de fluorescence X rapide sous rayonnement synchrotron permettent ainsi une observation directe des caractéristiques de l’échantillon, même cachées sous une fine couche de roche.
Les chercheurs ont pu mettre en évidence la présence, chez l'un des poissons, d'un os du crâne en forme de lame dentée.
CNRS/MNHN Pierre Gueriau
Les chercheurs ont appliqué cette méthode à trois fossiles vieux de 100 millions d’années (une crevette et deux poissons). Les résultats ont permis de mettre en évidence la présence de particularités anatomiques jusqu’ici inconnues. Ces informations sont notamment précieuses pour établir des liens de parenté avec les autres espèces.
Les perspectives qu’offre cette nouvelle méthode sont considérables pour la paléontologie mais pas seulement. Elles sont également importantes en ce qui concerne la compréhension du processus de fossilisation à long terme grâce aux indices que constituent les terres rares sur l’environnement dans lequel le fossile a été conservé.