Mieux comprendre les neurones de l'apprentissage et de l'addiction aux drogues

Les modes d'action des neurones à dopamine et des neurones GABA

De nouveaux résultats permettent aujourd’hui de mieux comprendre les interactions complexes des neurones impliqués dans l'apprentissage par la récompense. Une nouvelle étude publiée dans Nature par des scientifiques de Harvard décrit de façon plus précise l'action des neurones à dopamine et surtout des neurones GABA aussi impliqués dans l'addiction aux drogues.

De nouveaux résultats permettent aujourd’hui de mieux comprendre les interactions complexes des neurones impliqués dans l'apprentissage par la récompense. Une nouvelle étude publiée dans Nature par des scientifiques de Harvard décrit de façon plus précise l'action des neurones à dopamine et surtout des neurones GABA aussi impliqués dans l'addiction aux drogues.

 

Une meilleure compréhension du circuit de la récompense renseignerait sur les mécanismes d’apprentissage mais surtout sur les processus neuronaux induisant la dépendance. © ktsdesign – Fotolia.com
Neurones

 

Shedd Aquarium (Chicago, Illinois)- Des dauphins exécutent des sauts guidés par les gestes et sons de sifflet de leurs entraîneurs. Ces derniers expliquent au public comment ils ont patiemment associés ces sons de sifflets et gestes à des tours que les dauphins réalisent diligemment avant de recevoir un poisson. Voici un exemple d’apprentissage mettant en jeu le circuit de la récompense. Ce processus est basé sur la sécrétion de dopamine, un messager chimique (ou neurotransmetteur) dont l’augmentation signale la présence d’un évènement agréable ou d’un stimulus prédisant celui-ci. Ce processus permet, par le biais de la récompense, d’augmenter la motivation d’un individu pour les comportements destinés à l’obtenir. De la même manière, les drogues créant une dépendance élèvent artificiellement la quantité de dopamine et activent ainsi les circuits de la récompense. Aujourd’hui, les modes d’action des neurones impliqués dans ces processus sont encore partialement incompris. Une nouvelle étude publiée le 18 janvier 2012 dans la revue Nature par des chercheurs de l’université de Harvard (Massachussetts) apporte de nouveaux éléments pour comprendre ce processus complexe.

Cette étude a consisté à mesurer l’activité neuronale de souris lors de stimulations par des signaux associés à des récompenses ou à des punitions.

Les neurones à dopamine réagissent à un évènement plaisant (attendu ou inattendu) provoquant la libération d’un fort taux de dopamine avant mais aussi pendant la réception de la récompense. En effet, des études montrent qu’ils peuvent aussi être activés par des signaux présageant une chose agréable (le sifflet du dresseur de dauphins ou le bruit d’ouverture de la boîte de nourriture pour chat). La réponse des neurones à dopamine diminue cependant si la récompense associée n’est pas reçue. Ces neurones facilitent donc la mémorisation de l’expérience agréable et l’apprentissage  par la satisfaction.

Les neurones à dopamine impliqués se trouvent en plein centre du cerveau dans l’aire tegmentale ventrale (ATV). Dans cette zone, se situent aussi des neurones GABA (acide gamma-aminobutyrique), dont l’action est entre autre d’inhiber les neurones à dopamine. L’action des neurones GABA est encore mal définie mais nous savons que le circuit de la récompense est un système complexe d’interactions entre ces deux types de neurones permettant le « calcul » de la prédiction de la récompense.

L’étude des chercheurs de Harvard suggère que les neurones GABA ont une activité soutenue pendant la période s’étendant du signal prédisant une chose agréable jusqu'à l'instant de l'obtention de la récompense . Cela suggère que ces neurones interviennent lors de l’expectative de chose plaisante. Ils seraient par contre insensibles à l’absence ou la présence de récompense contrairement aux neurones à dopamine. C’est à dire que leur activité reste identique même si l'attente n'est ensuite pas satisfaite. En parallèle, les neurones GABA peuvent aussi être excités par un stimulus désagréable comme une punition. Ils empêchent alors la libération de dopamine. De nombreuses drogues addictives agissent sur ce mécanisme en  inhibant des neurones GABA, elles provoquent ainsi une augmentation de la libération de dopamine. Le circuit de la récompense est donc artificiellement activé et soutenu même après l'instant de la prise de drogue.

Selon Philippe Faure, directeur de recherche au laboratoire de Neurobiologie des processus adaptatifs, « cette étude est innovante du point de vue technologique car elle surmonte la difficulté de la distinction des neurones à dopamine et GABA en conditionnant deux catégories de souris génétiquement modifiées ce qui est essentiel à l’étude de la dynamique de ces deux populations. Pour un groupe de souris ce sont seulement les neurones à dopamine qui réagissent à un stimulus lumineux utilisé pour identifier les neurones enregistrés alors que pour l’autre groupe  ce seront les neurones GABA. Enfin, ces résultats mettent en évidence des propriétés des neurones GABA jusque-là ignorées. »

« Par contre, des études antérieures suggèrent que des sous-groupes de neurones à dopamine ou GABA existent. Dans cette étude, cette diversité n’est pour l’instant pas prise en compte. »

 

En conclusion, cette nouvelle étude permet une meilleure compréhension du mode d’action des neurones à dopamine et GABA. Ces résultats nous éclairent sur le fonctionnement chimique du circuit de la récompense. Ils nous permettront de mieux appréhender les mécanismes d’apprentissage et surtout le rôle des neurones GABA dans l’addiction aux drogues.

 

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Pour en savoir plus : New Research Shows How Neurons Interact And Could Lead To New Treatment For Addiction (http://www.medicalnewstoday.com/releases) Reward prediction errors https://journals.physiology.org/doi/full/10.1152/jn.00762.2005 Low dopamine levels during withdrawal promote relapse to smoking https://www.sciencedaily.com/releases/2012/02/120208132547.htm