Michel Fournier, le grand saut pour bientôt?

C’est l’histoire d’un homme qui rêve depuis qu’il est enfant de se rendre dans l’espace. Depuis près de 20 ans, il se bat tous les jours pour se rapprocher de son objectif, sauter de 40 000 mètres pour 7min 25s de chute libre avec un équipement stratosphérique et réaliser ainsi quatre records du monde : 1- le record d’altitude de saut en chute libre, 2- le record d’altitude de vol humain sous un ballon, 3- le record du temps en chute libre et 4- le record de vitesse en chute libre. Militaire de formation, Michel Fournier compte bien en profiter « avant de sauter, je compte bien prendre quelques secondes pour moi ». Ce grand saut reste tout d’abord une expérience scientifique qui permettra de réaliser des avancées dans le domaine du tourisme spatial. Portrait sur ce personnage hors du commun. Attention au vertige …

 

C’est l’histoire d’un homme qui rêve depuis qu’il est enfant de se rendre dans l’espace. Depuis près de 20 ans, il se bat tous les jours pour se rapprocher de son objectif, sauter de 40 000 mètres pour 7min 25s de chute libre avec un équipement stratosphérique et réaliser ainsi quatre records du monde : 1- le record d’altitude de saut en chute libre, 2- le record d’altitude de vol humain sous un ballon, 3- le record du temps en chute libre et 4- le record de vitesse en chute libre. Militaire de formation, Michel Fournier compte bien en profiter « avant de sauter, je compte bien prendre quelques secondes pour moi ». Ce grand saut reste tout d’abord une expérience scientifique qui permettra de réaliser des avancées dans le domaine du tourisme spatial. Portrait sur ce personnage hors du commun. Attention au vertige …

 

Le grand saut : 40 000 mètres. Vitesse maximale en chute Mach 1,5. Temps total de chute libre 7 mn 25 s
Michel Fournier Le Grand Saut

Le contexte du grand saut

En 1986, l’accident de la navette spatiale américaine Challenger est l’un des faits les plus marquants de la conquête spatiale. La navette de la NASA Challenger s’est désintégrée 73 secondes après son décollage provoquant la mort des sept astronautes de l’équipage de la mission STS-51-L. Dès lors, le ministère de la Défense français accorde son soutien au projet de saut en chute libre à 38 000 mètres baptisé ‘S38’. Cette étude a pour but de développer la technicité de sauvetage de passagers des navettes spatiales. Un an plus tard, Michel Fournier fait partie des trois finalistes sélectionnés pour cette mission, les deux autres postulants étant des astronautes. Cette même année (1988), un mannequin est lancé à 40 000 mètres par le CNES à Aire sur l’Adour. Mais faute de budget, le ministère décide de retirer son soutien au projet ‘S38’. En 1992, Michel Fournier quitte le service actif de l’armée pour reprendre le projet du grand saut à titre privé. Il établit cette année là en France le record de saut en chute libre à 12 000 mètres d’altitude. En 2008 et après des années de développements technologiques, notre passionné a tenté un saut en chute libre à 40 000 mètres d’altitude. Malheureusement, cette tentative s’est soldée par un échec car, suite à un problème technique, son ballon s’est décroché et s’est envolé seul, laissant la nacelle transportant Michel Fournier au sol. Il prévoyait par la suite de sauter en 2010 sur la plaine de Crau en France. Mais pour des raisons de sécurité, la France a refusé la réalisation du grand saut sur son territoire. Dès lors, il est invité à sauter au Canada. Chaque tentative coûte environ 600 000 euros. Michel Fournier doit donc se battre pour réunir cette somme, il est aidé par de nombreux pays, hormis la France, comme les Etats-Unis, le Canada, le Brésil, l’Inde, la Chine, la Russie. Pour effectuer le grand saut, il existe seulement deux types de fenêtres annuelles propices (MTO), une de mi-mai à mi-juin et l’autre de mi-août à mi-septembre dues à l’inversion de la direction des vents stratosphériques (risque de vents laminaires). Le grand saut devrait être réalisé, s’il réussi à boucler son budget, à la prochaine fenêtre MTO et permettre de battre le record resté inégalé de son ami Joe Kittinger qui réalisa le 16 août 1960 un saut à 31 333 mètres. Depuis une vingtaine de projets se sont présentés et ont tous avorté.

 

Michel Fournier, parachutiste de formation

Connaissez-vous beaucoup de personnes qui à 67 ans se lèvent à 3 heures du matin pour faire leur footing et passent leurs dimanches à réaliser 3 à 4 sauts en parachute ? Il s’agit pourtant du « quotidien » de Michel Fournier.  

Michel Fournier, né le 4 mai 1944 à Tréban dans l'Allier (France). Portrait de Michel Fournier en mai 2011
Michel Fournier

 

Michel Fournier est la définition même de l’homme passionné. Depuis sa plus tendre enfance, il a toujours souhaité devenir astronaute. Les avions le fascinaient aussi, il se souvient du jour où il a vu pour la première fois un Messer Smith 262 biréacteur (premier avion de chasse opérationnel à moteur à réaction de l'histoire). Mais à 13 ans, il quitte l’école. Sportif de haut niveau, notre homme est multidisciplinaire et il décide de s’engager dans l’armée. Pilote largueur, il pratique le pentathlon, le tir olympique, la course d’orientation, le marathon et le semi-marathon et bien sûr sa grande passion reste le parachutisme. Lors des débuts de sa carrière militaire, il est rapidement remarqué :

 

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Ce qui m’attirait le plus, c’était l’extrême, le toujours plus haut, plus vite, plus loin, plus audacieux. Cela m’a valu d’être détaché dans un organisme spécialisé pour l’étude des sauts à très haute altitude

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Devenu lieutenant colonel de réserve diplômé de l’Ecole d’Etat Major (EEM), Michel Fournier a réalisé au cours de sa vie plus de 8 700 sauts en parachute dont plus d’une centaine à très haute altitude. Il est également officier de l’Ordre national du Mérite, de la médaille de l’Aéronautique et de la médaille d’Or de la jeunesse et des Sports. Rempli d’humour et d’authenticité, Michel Fournier nous expose sa vision du parachutisme :

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Si tu vois la vache grande comme un grillon, alors tu sais que ça va, mais quand tu vois le grillon gros comme une vache là tu te poses des questions !

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Depuis qu’il a décidé de reprendre à son compte le projet du grand saut, Michel Fournier ne vit que pour cela. Tout jeune marié, il n’avait auparavant consacré sa vie qu’à son projet. Il a beaucoup voyagé et a fait un grand nombre de sacrifices. Afin de donner une chance à ce projet d’aboutir, Michel Fournier nous explique que cela nécessite une très forte ténacité, beaucoup d’expérience et de bonnes connaissances en science.

Michel Fournier communique volontiers autour de sa passion. Il aime raconter qu’il est venu témoigner de ses aventures devant des classes de terminale scientifique à Clermont Ferrand au Puy en Velay et à Vichy. Durant une dizaine de cours, il a raconté sa définition de la science physique. Les élèves ont rarement été aussi intéressés par la gravité !

L’entraînement

Pour Michel Fournier :

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Le grand saut n’est pas vraiment physique, il est surtout scientifique et technique

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Pourtant les détails de son entraînement ne nous font pas penser à une promenade printanière… Michel Fournier suit un entraînement très spécifique. Trois fois par an, il se prépare dans un caisson hypobare à la cité des étoiles à Moscou ou à Comex à Marseille. Il a également effectué des vols en microgravité au sein de l’airbus A330 ainsi que des exercices en chambre thermo physiologique au Centre de Recherche du Service de Santé des Armées de Grenoble où Michel Fournier est placé à -150°C pendant 10 à 20 minutes. Ces exercices permettent, entre autre, de tester ses équipements. Il a dû également passer le célèbre test de la centrifugeuse ou du tourniquet et complète son exercice par un bon nombre de sauts en parachutes :

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J’ai réalisé quatre sauts en parachute dimanche dernier !

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Ecusson
                                            Le grand saut s’effectuera au Canada

 

En France, la réglementation interdit de réaliser des sauts à plus de 6 000 mètres d’altitude c’est pourquoi Michel Fournier va s’entraîner dans d’autres pays (la Suisse par exemple) où il est autorisé de sauter à 10 000 mètres. Il réalise ses sauts en parachute hebdomadaires à 4 000 mètres entre Aix-en-Provence et Nîmes. Enfin, il reçoit des formations sur la maîtrise du stress et réalise des tests psychologiques. Pour un tel projet, Michel Fournier est bien évidemment suivi par des scientifiques. Les Professeurs Paul Vanuxem et Henri Marotte assurent la direction scientifique du projet et le suivi médical et scientifique de l'entraînement de Michel Fournier. Ce dernier nous explique que son cardiologue par exemple lui apprend à maîtriser son stress car avant de se lancer à 40 000 mètres d’altitude son cœur pourrait battre à 200 pulsations/min (contre les 55 pulsations/min au repos). Il apprend à réguler sa respiration, à réguler une hyperventilation éventuelle etc. De plus, Michel Fournier est un grand amateur de yoga.

Avez-vous des contre-indications particulières quant à votre grand saut, lui demandons-nous? Michel Fournier dit avoir une alimentation équilibrée et ne pas avoir un programme calorifique particulier. Par contre, la plongée lui est formellement interdite. Le corps humain ne peut pas supporter l’alternance hyperbare/hypobare. Il illustre ses propos en nous rappelant le nombre important d’accidents de vacanciers qui passent de la sortie en plongée au survol des environs… une erreur à ne pas commettre !

Le matériel

Depuis la reprise du projet par Michel Fournier, des recherches approfondies ont été réalisées afin de rendre ce projet réalisable. Sous le contrôle et avec le soutien de grands scientifiques et techniciens de pointe français et étrangers, ce projet a nécessité des recherches dans pratiquement tous les domaines : vecteurs, physiologie aéronautique et spatiale, contraintes dues à l’altitude, appareillages, instruments de mesure, protection contre le froid, entraînement physique et sportif, matériel photographique et vidéo, transmissions radio etc. Autour du grand saut travaille une quarantaine de sociétés et l’équipe au Canada compte une centaine de personnes, de cinq nationalités différentes.

Le ballon stratosphérique est composé de trois couches d’épaisseurs dont 1,4 tonne de plastique (dont nous avons pu voir quelques échantillons). Le ballon mesure 161 mètres de haut pour un diamètre de 115 mètres. Gonflé à l’hélium, il permettra à Michel Fournier, installé dans la nacelle, d’atteindre une altitude de 40 kilomètres au dessus du sol. Après le grand saut, le ballon sera automatiquement détruit.

La nacelle S38, achetée par l’armée, sera utilisée comme petit véhicule spatial pressurisé qui protégera Michel Fournier des UV, des rayonnements cosmiques ainsi que du froid. Elle sera remplie d’instruments de mesure et de contrôle, d’équipements enregistreurs de sons et d’images (cinq caméras et appareils photos).

Une fois équipé, son poids équipé avoisine 620 kg. D’une hauteur de 3 mètres et d’un diamètre de 1,1 mètre, la nacelle sera entièrement commandée depuis le sol.

 

Michel Fournier dans sa nacelle ©Olivier Blanchet / DPPI
préparatifs au saut combinaison

 

Lors de sa chute libre, Michel Fournier sera équipé de deux parachutes, d’un enregistreur physiologique, d’un GPS, d’une balise Sarsat et d’une caméra qui permettra d’enregistrer des images de sa tête et du globe terrestre. Michel Fournier sautera sans chronomètre, « il sera dans ma tête », nous dit-il. Il sera muni d’un altimètre 10 000 mètres.

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En sautant à 40 000 mètres, je verrais la courbure de la Terre et je pourrais admirer le pôle nord. J’atterrirais sur les prairies du Saskatchewan au Canada

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Place à l’équipement de l’homme-Michel Fournier sera équipé d’un scaphandre qui est proche de ceux utilisés par les astronautes. Les combinaisons ont fait l’objet d’études scientifiques spécifiques. Michel Fournier portera trois types de vêtements : le premier absorbe la transpiration, le deuxième est une combinaison pressurisée, et le dernier le protège du froid. Contre la transpiration, la première couche est une laine naturelle. La deuxième protection stratosphérique est modifiée par l’apport d’une soupape spécifique pour le saut à 40 000 mètres. Un double système de régulation de pression fonctionnant à l’oxygène pur, capable de maintenir une pression de survie de 18kPa dans le vêtement au dessus de ~22,6 hPa (pression correspondante à une altitude de 11 000 mètres). La dernière épaisseur est une sur-combinaison « Grand Froid » qui permet à l’homme de résister à des températures voisines de -110°C pendant 10 minutes. Enfin, Michel Fournier portera des gants chauffants constitués de quatre épaisseurs mais suffisamment souples pour lui permettre de gérer l’ouverture du parachute. L’ensemble de l’équipement est pressurisé à l’oxygène afin de permettre une bonne respiration. La masse totale équipée est de 115 kg.

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L’échec de 2008 a permis de poser de nombreuses questions, d’y répondre et d’essayer de prévoir toutes les nouvelles zones d’ombre

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Le jour J

Officiellement, seules les personnes qui ont volé à plus de 100 km au dessus du sol, là où finit l’atmosphère, peuvent dire avoir volé dans l’espace. En réalisant son grand saut à 40 km au dessus du sol, Michel Fournier ne sera donc pas officiellement dans l’espace même s’il sera dans des conditions proches (3 gaz/mm3).

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Je serais dans les conditions de l’espace mais sans y être

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Carte chute michel fournier

 

Nous connaitrons la date exacte du grand départ trois jours seulement à l’avance. Au moment de la fenêtre temporelle propice au grand saut, des ballons météos seront lancés pour récolter les informations météorologiques qui permettront de calculer la trajectoire exacte du ballon qui transportera l’aventurier.

L’emploi du temps du jour J est minuté. Les préparatifs commenceront la veille au soir pour pouvoir décoller dès le petit matin avant le lever du jour afin d’éviter au maximum les turbulences. Quatre heures avant le grand saut, Michel Fournier inhalera de l’oxygène pur. Afin d’atteindre 40 km d’altitude, il faut compter environ 3 heures de montée. Il n’aura pas le temps de penser car la Nasa lui a commandé pendant cette période une étude scientifique. Elle consiste à réaliser des études ophtalmologiques dans les conditions de l’espace. En effet, il y a quelques années, Michel Fournier a été opéré des yeux ce qui lui a permis de retrouver une vue de 16/10 à chaque œil. Néanmoins, il a toujours besoin de lunettes pour lire. Au moment fatidique du grand saut, Michel Fournier portera 40 kg de matériel sur lui. L’ensemble de l’opération est sécurisée, des procédures complexes sont à procéder jusqu’à l’ouverture de la porte. Nous lui demandons de nous expliquer sa manière de se jeter. Michel Fournier nous explique que le grand saut nécessite une position bien particulière pour ne pas vriller (il sera aussi équipé d’un petit parachute stabilisateur). Ses mains seront de chaque coté du rebord de la nacelle, les pieds le plus prés du bord. L’essentiel étant de se propulser bien dans l’axe de la Terre !

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Je serais tellement prêt, je n’aurais pas le droit à l’erreur

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Puis c’est parti pour le grand saut, 7min 25s de chute libre à la vitesse supersonique ! Au tout début du saut, Michel Fournier se retrouvera en parfait état d’apesanteur. Il atteindra la vitesse maximale de Mach 1,5 (environ 515 m/s !). Arrivant sur les plaines du Canada, il ouvrira son parachute à une altitude de 1 200 mètres, le réglage de son ouverture automatique étant de 400 mètres. Après 10 min sous voile, il devrait arriver au sol auprès d’une horde de journalistes et de curieux. Le grand saut sera retransmis au Canada et au Bourget grâce à deux liaisons satellites. Michel Fournier nous a invités à suivre cet évènement en direct du Bourget, nous serons bien évidemment présents au point presse le jour J et nous vous tiendrons informés…

Les avancées technologiques

Le grand saut contribuera à des avancées technologiques certaines. Tout d’abord, cette aventure permettra d’apporter des réponses médicales quant à l’exposition d’un être humain à de telles conditions. Jamais analysés à ces altitudes, ces données permettront de mieux comprendre l’exposition d’un homme à des conditions extrêmes de températures, de pression, d’apesanteur et de rayonnements cosmiques. Ensuite, le grand saut a permis de développer de nouveaux équipements de protection lors de la chute libre, de logiciels performants de son suivi. Enfin, des études scientifiques sur les caractéristiques aérodynamiques de l'écoulement transsonique en atmosphère raréfié pour un humain en chute libre seront réalisées. D’ores et déjà deux thèses de médecine ont été réalisées sur ce projet.

En somme, les plus grandes applications de cette aventure sont le développement du tourisme spatial. En cas d’incident à une altitude critique de vol de la navette, il sera possible de sauver les astronautes en difficulté. L’aventure de Michel Fournier contribuera au développement des techniques et à la sécurité des vols stratosphériques du futur.

 

 

Mais en premier lieu, ce défi met en avant l’aventure et l’exploit d’un homme qui malgré les années et les difficultés n’a jamais perdu de tête son objectif, celui de réaliser son rêve. La passion est intacte, elle est palpable. Cet aventurier fait des envieux parmi l’un des hommes les plus riches du monde : « Richard Branson nous a reçus avec ma femme à Londres » nous raconte-il, « il souhaitait s’approprier le grand saut… ».

Cette rencontre nous a marqués, mener sa vie en fonction de ses passions, quelle leçon de vie ! Michel, nous te souhaitons de réussir. Nous serons présents le jour J au Bourget et surtout… profite bien de la vue !

 

En savoir plus :

1) Hypobarisme à propos d’un saut à 40 000 mètres par le docteur Anne-Claire Bartes, université Bordeaux2-Victor Segalen, 

2) Site officiel du grand saut,  3) Media planning, le grand saut, 

4) 3i3s, international independant institute for space and satellite solutions, https://3i3s.org/

5) Frenchman poised for ‘Great Leap’, a 40-kilometer-high adventure, by Matt Higgins, published Fraiday, May 23, 2008, New York Times, https://www.nytimes.com/2008/05/23/world/europe/23iht-jump.4.13174642.html