Les réseaux sociaux scientifiques : différences d’approches suivant les disciplines

Pourquoi certaines disciplines sont-elles plus actives sur les réseaux sociaux que d’autres ? Quelles sont les domaines de recherche dans lesquels le besoin d’adhérer à des réseaux sociaux scientifiques s’exprime le plus ? Quels sont les outils les plus utiles à la recherche scientifique ?

Pourquoi certaines disciplines sont-elles plus actives sur les réseaux sociaux que d’autres ? Quelles sont les domaines de recherche dans lesquels le besoin d’adhérer à des réseaux sociaux scientifiques s’exprime le plus ? Quels sont les outils les plus utiles à la recherche scientifique ?

 

Les réseaux sociaux de manière générale permettent d’étendre son réseau d’influence et de dialogue bien au-delà des quelques personnes constituant notre sphère privée et des collègues que nous côtoyons. Cette sphère de contact proche peut ainsi être étendue aux connaissances que nous ne côtoyons que peu fréquemment du fait par exemple de la distance. Mais les réseaux sociaux nous mettent aussi en contact avec tout un ensemble d’individus que nous n’aurions jamais rencontrés que ce soit par le biais d’un sujet d’intérêt commun, d’un ami commun ou autre...

D’une autre manière, les scientifiques travaillent individuellement ou au sein d’une petite équipe de recherche. Il est néanmoins rare que le travail isolé d’un scientifique ne fasse pas partie d’une collaboration nationale voire internationale. Dans le cadre des études académiques et de la recherche scientifique, le bénéfice des réseaux sociaux semble évident pour le rapprochement des scientifiques et des institutions au vue de leur capacité d’extension de notre sphère de contact et d’échange. Pourtant, jusqu’à présent les médias sociaux n’ont été adoptés que par un minorité de scientifiques dont les systèmes d’échanges lors des conférences de spécialistes ou des publications internationales n’évoluent guère.

Il semblerait tout d’abord que les bénéfices des médias sociaux varient suivant les disciplines.  En sciences sociales, les technologies numériques ont déjà modifié nombres de pratiques dont la numérisation des bases de données ou les analyses numériques et cartographiques de données. Blog et réseaux sociaux sont des outils dont l’adoption, plus que nécessaire dans ces disciplines, est en pleine expansion.

 

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Les carnets de recherche pour les historiens

 

Dans un article du blog Homo Numericus Pierre Mounier, professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et directeur adjoint du Centre pour l’édition électronique ouverte CLEO/Revues.org, revient sur le colloque « Dans la Toile des médias sociaux : nouveaux moyens de communication et de publication pour les sciences humaines et sociales » [3] de l’Institut Historique Allemand.

Pierre Mounier analyse l’usage des médias sociaux par les historiens. De par son expérience sur hypothèse.org, il montre que les carnets de recherche permettent à l’historien d’une part de structurer son travail, en cela le carnet de recherche fait partie intégrante du travail du chercheur, et d’autre part de communiquer en interne (collègues) comme en externe (vulgarisation). Le carnet permet de partager sa veille bibliographique, ses commentaires de lectures, ses hypothèses, ses résultats au-travers d’un outil flexible et personnalisé. L’historien est donc libre d’utiliser le carnet comme bon lui semble grâce à une liberté totale. Il prend toutefois un risque en exposant toutes les étapes du processus de recherche, ses brouillons, ses réflexions et ses données brutes.

Le carnet comme le blog, s’il est vu sous cet angle, ne semble plus être une perte de temps mais l’énonciation propre de brouillons de recherche dont la diffusion et les commentaires reçus en retour participent à l’avancement de la recherche. Soulignons aussi le fait que ses carnets sont parfois partagés et collaboratifs donc d’autant plus actifs et réactifs.

 

Les réseaux sociaux pour les sciences de l’environnement

 

Un sondage de la revue [VertigO] (la revue électronique en science de l’environnement) sur les réseaux sociaux scientifiques fut conduit de novembre 2009 à janvier 2010. 159 francophones et 23 anglophones répondirent à des questions sur ce qu’ils attendaient d’un réseau social scientifique et leur opinion sur les réseaux existants. Une grande majorité des répondants était du domaine des sciences de l’environnement, un fait simplement dû aux listes d’envoi utilisées pour la diffusion du sondage.

Cette étude préliminaire montre que l’utilisation principale d’un réseau social dans ce domaine scientifique serait la collaboration et la recherche d’information. Par ailleurs, bien que les réseaux existant soient perçus comme peu convaincants, les répondants souhaitent adhérer à un réseau social professionnel multidisciplinaire, ouvert et multi-acteurs. Et malgré qu’ils n’aient que peu de temps à y consacrer, les répondants affirment être prêts à contribuer à des contenus et à partager des informations. En contrepartie, ils attendent un réseau actif, animé par des community managers dynamiques et dont le contenu serait de qualité.

 

Les médias sociaux par disciplines et par domaines académiques

 

Il existe donc plusieurs réseaux sociaux pour les sciences humaines (SAGE, hypotheses.org) proposant des outils divers (carnets de recherche, forums de discussion, blog, ressources, calendriers de manifestations, partage de documents et de veille…). Les sciences de l’information et de la communication regroupent aussi de nombreux acteurs des médias sociaux comme le domaine de la culture scientifique et technique (Knowtex) ou science et arts (Bamboo, Artscience Factory). Dans ces disciplines l’intérêt des médias sociaux est reconnu et ceux-ci ont été relativement bien adoptés.

Pour les sciences dites dures, des réseaux similaires se sont déjà implantés dans le monde la recherche anglophone (ResearchGate, colwiz, Academia.edu) avec un succès néanmoins limité. En France, bien que des initiatives aient récemment émergé (Docteo), il semblerait que les sciences dures ne voient pas les médias sociaux avec le même intérêt que les sciences humaines et de la communication. Les médias très spécialisés, comme l’outil de bibliographie Mendeley ou bien zotero, sont les médias sociaux ayant le plus de succès, leur intérêt étant d’abord individuel avant d’être collaboratif. Des collectifs de blogs scientifiques rencontrent aussi un réel succès (C@fé des sciences), mais il semblerait que la demande des lecteurs de blogs scientifiques soit plus importante que le besoin des scientifiques d’en tenir un.

Des réseaux sociaux universitaires émergent en marge de la recherche académique (Carnets2). Si ces réseaux sont soutenus par les universités, ce sont les étudiants, jeunes diplômés et jeunes chercheurs qui les font vivre en majorité bien que les enseignants et chercheurs soient les acteurs les plus désirés sur ces réseaux. Les outils sociaux utilisés dans les réseaux universitaires diffèrent de ceux utilisés par la recherche (par exemple le e-learning).

En conclusion, les outils sociaux et de communication n’ont pas été adoptés de la même façon suivant les disciplines scientifiques. Il apparait que certains outils (blogs, carnets de recherche, outils de bibliographie…) rencontrent plus de succès que d’autres (forums). Mais bien qu’une majorité des scientifiques soient favorables aux réseaux sociaux scientifiques et professionnels, ceux-ci peuvent encore leur apparaître trop chronophages. Plusieurs initiatives voient le jour dans le domaine de la recherche mais il n’est pas encore clair si ces initiatives seront adoptées de façon disparate ou si un réseau émergerait communément à toutes les disciplines scientifiques.

 

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