Les scientifiques se rejoignent sur un point : l'eau joue un rôle essentiel dans l'apparition de la vie. Avec ses liaisons hydrogènes, elle permet une cohésion des molécules à l'origine de l'évolution des êtres vivants. Mais en quoi cette petite molécule ubiquiste est-elle importante ? Que savons-nous réellement des liaisons hydrogènes ? Comment celles-ci influencent-elles les propriétés de l'eau ?
Dans un article sur la structure interne de l'eau liquide [disponible sur MyScienceWork] publié le 5 février dernier dans Nature Communications, T. D. Kühne et R. Z. Khaliullin se sont intéressés à l'étude de la dynamique des liaisons hydrogènes de l'eau pour mieux comprendre ses propriétés uniques. Avant de nous plonger dans leurs recherches, intéressons-nous à cette molécule et à ses fameuses liaisons hydrogènes tant évoquées lors de la recherche de la vie sur les autres planètes.
Composée d'un oxygène relié à deux hydrogènes, l'eau est considérée comme le solvant biologique universel. En effet, ses propriétés, notamment ses liaisons hydrogènes et sa polarité, lui permettent de solubiliser diverses substances chimiques (gazeuses, liquides ou solides) et d'intervenir dans les processus biologiques. De nombreux complexes et molécules biochimiques, telle que la double hélice d'ADN, doivent leur conformation spatiale aux liaisons hydrogènes aussi appelée « liaison de vie ». D’après les scientifiques, les propriétés inédites des liaisons hydrogènes confère à la molécule d’eau un rôle important dans l'apparition de la vie.
L'eau : Formule chimique
« Si nous sommes présents aujourd’hui dans cette salle, c’est grâce à cette petite liaison hydrogène de la molécule d’eau et aux interactions entre molécules d’eau et molécules de la chimie du carbone qui sont soit hydrophobes soit hydrophiles. Donc merci à cette liaison hydrogène. » André Brack dans une interview accordée à MyScienceWork
« Nous avons découvert le secret de la vie » F. H. Crick
L'apparition de la vie résulte d'une cascade de réactions chimiques. De petites molécules organiques réagissent pour en former de plus grosses, qui elles-mêmes réagissent avec d'autres. Connecter les molécules entre elles est essentiel. Les liaisons hydrogènes établissent des liens entre les molécules. Elles jouent un rôle primordial dans la vie. En découvrant cette liaison hydrogène J. D. Watson et F. Crick ont imaginé un modèle pour la structure de l'ADN permettant d'expliquer les images de R. Franklin obtenues par rayons X. Les bases azotées sont ainsi appariées grâce à 2 ou 3 liaisons hydrogènes. Cet ensemble possède alors une configuration stable en double hélice. Dès lors, ces liaisons déterminent la structure et les propriétés de beaucoup d'autres molécules et macromolécules biologiques.
L'eau, une molécule si particulière
La présence de liaisons hydrogènes entre les molécules d'eau entraînent des propriétés physico-chimiques particulières pour la phase liquide. Par exemple, l’énergie nécessaire pour élever de 1°C la température d’un gramme d’eau liquide est plus importante que pour les autres molécules organiques. Ceci est lié à l’existence des liaisons hydrogènes qu’il faut briser par un apport supplémentaire d'énergie. De même, les températures de changement d’état de l’eau sont particulièrement élevées. Ces liaisons hydrogènes rendent l’eau très « stable » : à température ambiante, l’eau est à l’état liquide, alors que des molécules similaires (comme le méthane par exemple) sont à l’état gazeux. Contrairement à la quasi-totalité des substances sur Terre pour lesquelles l’état solide est plus dense que l’état liquide, c’est l’inverse pour l’eau. Cela explique qu’un glaçon flotte à la surface d’un verre d’eau.
L'eau, un liquide dont les molécules sont en perpétuel mouvement
Illustration des liaisons hydrogènes de l'eau selon les différents états.Source : « L’eau et ses enjeux » de François Anctil - De Boeck - 2008
L'agitation thermique des molécules en phase liquide ne favorise pas la stabilité des liaisons hydrogènes. Celles-ci se cassent en permanence pour établir de nouvelles liaisons avec d'autres molécules : l'eau effectue des sauts moléculaires. Ce mouvement incessant diminue en dessous de 4°C. Ainsi, les liaisons hydrogènes sont plus stables et les molécules nettement plus figées. L'espace entre les molécules d'eau déterminé par ces liaisons crée un vide. C'est cet espace qui est à l'origine de la faible densité de la glace.
L'eau, une molécule asymétrique
A l'aide d'une méthode de simulation Ab-Initio Molecular Dynamics et d'un laser à impulsion (permettant d'observer en temps réel et à température ordinaire, les mouvements des atomes et des molécules), T. D. Kühne et R. Z. Khaliullin sont parvenus à établir que les liaisons hydrogènes formées entre les molécules d'eau ne sont pas équivalentes. La molécule est capable d'effectuer quatre liaisons hydrogènes. Selon les deux chercheurs, elle n'effectuerait pas les mêmes liaisons avec ses deux hydrogènes. L'une des liaisons aurait une énergie deux fois plus forte que l'autre.
Toutes les molécules qui nous entourent et nous constituent réagissent entre elles pour former des macromolécules, notamment grâce aux liaisons hydrogènes. Les prochaines avancées concernant ces liaisons seront associées aux nouvelles technologies d'aujourd'hui tel que le laser à impulsion. En effet, les mouvements de l'eau sur de très courtes périodes de temps peuvent ainsi être sondées. Concrètement, au lieu d'avoir accès à des photos de la dynamique de l'eau, les chercheurs sont désormais capable d'effectuer des vidéos.
En savoir plus :
L'eau, l'or bleu source de vie : http://www.astrosurf.com/luxorion/eau-intro-molecule.htm
(livre) Biologie cellulaire et moléculaire – Edition De Boeck : par Gérald Karp, page 36-39, les liaisons hydrogènes.
(livre) The Hydrogen Bond and the Water Molecule : The Physics and the Chemistry of the Water par Yves Maréchal
Comment l'eau devient supercritique : https://www.pourlascience.fr/sd/chimie/comment-leau-devient-supercritique-11596.php
Les liaisons hydrogènes dans le textile : https://lemondeetnous.cafe-sciences.org/tag/liaisons-hydrogene/