Pour que le cerveau fonctionne bien, les cellules du système nerveux central doivent être capables de communiquer entre elles. Récemment, une équipe de chercheurs de l’Université Johannes Gutenberg à Mayence a décrit un nouveau mode de communication entre certaines de ces cellules. Ils ont ainsi mis en évidence le fonctionnement et le rôle de vésicules contenant les nutriments nécessaires au maintien des neurones en bonne santé. Mieux comprendre cette activité neuronale apporte un nouveau regard sur certaines maladies dégénératives et pourrait avoir des applications thérapeutiques.
Microscopie électronique de vésicules axonales – Photo. du laboratoire de Eva-Maria Krämer-Albers
Le système nerveux central (SNC) permet de transmettre les informations entre le cerveau et les autres régions du corps. Il est constitué de plusieurs types de cellules : les neurones et les cellules gliales, elles-mêmes divisées en plusieurs catégories dont les oligodendrocytes. Chacun a son propre rôle. Les neurones font circuler les messages. Quant aux cellules gliales, elles maintiennent les neurones en place et les isolent les uns des autres, leur apportent leurs nutriments, modulent leurs réponses et détruisent les agents pathogènes et les neurones morts.
Des chercheurs se sont intéressés aux relations entre les oligodendrocytes et les neurones. Ils ont ainsi mis en évidence un nouveau mode de communication entre ces cellules dans un article publié récemment dans PLOS Biology et disponible sur MSW.
Les neurones et les oligodendrocytes, deux cellules très proches
Les neurones sont des cellules très allongées formant un véritable réseau d’interconnexions cellulaires. L’information est transmise d’un neurone à sa cible via son axone, un filament pouvant mesurer plus d’un mètre de longueur. Pour que le signal circule plus rapidement, cette extension est recouverte de manchons de gaines de myéline produit par les cellules voisines, les oligodendrocytes. L’information est transmise entre les cellules sous forme d’un signal électrique qui va plus vite en sautant entre les différents manchons qu’en courant le long de l’axone.
Neurone et oligodendrocyte-Schéma adapté de Neurotransmitter-Triggered Transfer of Exosomes Mediates Oligodendrocyte–Neuron Communication. PLoS Biol 11(7): e1001604. doi:10.1371/journal.pbio.1001604
Le bon fonctionnement du cerveau passe par une bonne communication entre les neurones et ses voisines, les cellules gliales. Ces dernières sont connues pour être importantes pour le maintien des neurones en bonne santé mais comment ? Un premier élément de réponse vient d’être apporté par Eva-Maria Krämer-Albers et al. de l’Université Johannes Gutenberg à Mayence.
Les exosomes, des vésicules régénératrices pour les neurones
En cas de besoin, les neurones envoient un signal aux oligodendrocytes qui leur font alors parvenir des vésicules, appelées exosomes. Ceux-ci sont libérés par la gaine de myéline avant d’être récupérés par les neurones. Ces vésicules contiennent de nombreuses molécules : des protéines, des lipides et du matériel génétique. Elles apportent ainsi tous les nutriments nécessaires à la régénération d’un neurone en pleine activité. « Ce sont de véritables “paquets de produits d’entretien” impliqués dans un processus de maintenance de l’axone à long terme» précise le professeur Krämer-Albers.
Certaines maladies neurodégénératives sont liées à un problème touchant la myéline. Dans le cas de la sclérose en plaque, les gaines de myéline se dégradent au fil du temps. Il n’est pas exclu que les exosomes participent au développement des symptômes. En effet, sans la myéline qui fournit ces vésicules, les neurones ne reçoivent plus assez de nutriments et finissent par mourir. Le signal n’est alors plus du tout transféré entre le cerveau et les muscles. Dans la forme avancée de la maladie, les patients se retrouvent paralysés.
Les exosomes, un possible rôle thérapeutique ?
La question qui se pose aujourd’hui est l’utilisation des exosomes comme agent thérapeutique. Si Krämer-Albers pense que l’idée est bonne, elle ajoute qu’on en est encore très loin.
Différentes études ont déjà montré que des exosomes pouvaient être générés artificiellement. Leur injection par voie sanguine ou leur inhalation permet de retrouver les molécules qu’ils contiennent directement dans le cerveau. Le cerveau est très bien protégé et peu de molécules peuvent y accéder. « Ces particules pourraient donc être très intéressantes pour délivrer des agents thérapeutiques dans le cerveau. Ces “paquets de produits d’entretien” se transformeraient alors en “paquets de produits de traitement”. Mais tout ceci est encore un rêve actuellement » précise Eva-Maria.
Un autre aspect en cours d’étude est l’utilisation des exosomes pour améliorer la régénération des neurones. « Mais avant de réussir à aider les malades, il faut continuer à comprendre les mécanismes cellulaires pour poser la science sur des bases solides. C’est en misant sur ce type de recherche fondamentale aujourd’hui que les grosses avancées thérapeutiques pourront être réalisées demain. » conclut Eva-Maria Krämer-Albers.
Pour en savoir plus :
Article de 2012 de Eva-Maria Krämer-Albers : Frühbeis C, Fröhlich D, Kuo WP, Amphornrat J, Thilemann S, et al. (2013) Neurotransmitter-Triggered Transfer of Exosomes Mediates Oligodendrocyte–Neuron Communication. PLoS Biol 11(7): e1001604. doi:10.1371/journal.pbio.1001604
Injection d’exosomes par voie sanguine: Delivery of siRNA to the mouse brain by systemic injection of targeted exosomes, Nat Biotechnol. 2011, 29(4):341-5.
Inhalation d'exosomes : Treatment of brain inflammatory diseases by delivering exosome encapsulated anti-inflammatory drugs from the nasal region to the brain. Molecular Therapy 2011, 19(10):1769-79. / Intranasal Exosomes for Treatment of Neuroinflammation?: Prospects and Limitations. Molecular Therapy 2011, 19(10), 1754–1756.
Photo à la Une : Marquage immune-fluorescent de neurones (rouge) internalisant des exosomes (vert) – Photo. du laboratoire de Eva-Maria Krämer-Albers