Si vous partez à l’étranger, vous allez peut-être passer des douanes. Pour appliquer les lois, les douaniers doivent contrôler le contenu des marchandises, identifier les produits illicites comme les produits stupéfiants par exemple. C’est le travail des laboratoires douaniers qui ont fait plus de 436 000 analyses en 2012. La France accueillait du 10 au 12 juillet le 5ème séminaire européen des chimistes douaniers à Bercy. Marie-Josée Parent, adjointe au chef du laboratoire des douanes Île-de-France revient sur les nouveaux enjeux sociétaux en matière d’analyse douanière.
Cet article existe aussi en anglais « Scientists at the Border: identifying counterfeit products, detecting future drugs ». Il a été traduit du français vers l’anglais par Timothée Froelich.
Avec plus de 20 nouvelles substances psycho-actives ou médicamenteuses découvertes en 2012, les laboratoires douaniers doivent s’adapter rapidement pour pouvoir les détecter efficacement.
Crédit Image : Flickr/Adam Scotti
Quel est l’objectif des laboratoires douaniers ?
Marie-Josée Parent : Le premier travail des scientifiques douaniers est d’analyser les produits pour pouvoir appliquer les réglementations douanières en vigueur. A partir du moment où un nouvel avis de fraude est déposé, les laboratoires doivent en quelques jours mettre en place un nouveau contrôle. Il faut mettre au point de nouvelles techniques pour être opérationnel le plus rapidement possible. Aujourd’hui les laboratoires doivent s’organiser avec l’arrivée de nouvelles substances déclarées comme stupéfiantes, de textes de plus en plus précis sur la composition des produits alimentaires notamment et des exigences de sécurité qui ne cesse d’augmenter. Le travail des douaniers doit s’adapter aux évolutions de la société.
Comment avez-vous adapté les techniques d’analyses à ces nouvelles exigences ?
M-J P : Le matériel d’analyse qui n’était utilisé que pour des cas ponctuels il y a quelques années s’est démocratisé à tous les laboratoires pour répondre à cette évolution. Les analyses de chromatographie en phase gazeuse ou liquide couplée à la spectrométrie de masse (technique pour identifier et quantifier des substances) sont devenues presque routinières. Les gros matériels comme le spectroscope RMN (utilisant une technique de pointe qui exploite la résonance magnétique des noyaux atomiques) sont aujourd’hui présents de façon quasi-systématique dans les laboratoires douaniers pour identifier certaines substances invisibles à la spectrométrie de masse.
Les techniques de chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse permettent aux douaniers de séparer les composants avant de les analyser.
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En ce qui concerne les produits alimentaires notamment, les douanes doivent trouver des solutions toujours plus innovantes pour identifier les produits transformés. Le séminaire était l’occasion de présenter une technique d’identification des poissons par codage ADN. Pratiquée notamment par le laboratoire douanier de Marseille, cette technique est le seul moyen de remonter à l’espèce du poisson quand celui-ci arrive en morceaux. D’autres techniques pratiquées aux laboratoires de Bordeaux permettent d’authentifier l’origine et le millésime des vins par des méthodes isotopiques.
Quel est l’enjeu le plus important aujourd’hui en matière d’analyse douanière ?
M-J P : Une véritable question de santé publique consiste à détecter l’importation illégale de drogues ou de substances psycho-actives créées pour détourner les réglementations sur les stupéfiants. La douane est la première porte d’entrée de ces nouvelles marchandises et les laboratoires doivent s’adapter pour les identifier. Dans la même logique, un important enjeu se situe dans l’identification des produits médicamenteux falsifiés. Avec l’augmentation de la publicité et des échanges sur Internet, l’achat de ces produits s’est démocratisé si bien qu’on les retrouve beaucoup plus souvent en circulation.
Comment les laboratoires douaniers se coordonnent-ils ?
M-J P : Dans le domaine des nouvelles substances psycho-actives et médicamenteuses, les douanes et les universités collaborent pour des besoins ponctuels. Une collaboration fructueuse avec l’université de Toulouse a par exemple permis d’identifier une substance médicamenteuse distribuée sur le marché parallèle qui n’était qu’en voie d’expérimentation.
Une plateforme au niveau de l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanie (OEDT) à Lisbonne permet aux scientifiques douaniers d’échanger leurs résultats. Les séminaires comme celui des chimistes douaniers sont également des moments essentiels pour partager les expériences de chacun. Les présentations et les rencontres informelles facilitent de futures collaborations quand le cas se présente.