L'humanité doit se préparer à un monde différent, bercé par un climat plus chaud. Les données transmises par les satellites jouent un rôle capital dans l'étude scientifique du réchauffement climatique : la qualité et la quantité de données produites depuis l'espace ne cesse d'augmenter. Si le débat se recentre aujourd'hui sur la part de responsabilité des activités humaines dans le réchauffement de la planète, c'est bien que celui-ci ne fait pratiquement plus de doute et qu'il pourrait bien être pire que prévu. Pour en discuter, le CNES a donc invité le climatologue Jean Jouzel et Yann Kerr, directeur du Centre d’Études Spatiales de la Biosphère. Rendez-vous le 20 mai à 19h30 au Café du Pont-Neuf à Paris.
This article also exists in English: Global Warming, As Seen from Space.
Le satellite SMOS participe à la prévention des cyclones. (Image : CESBIO)
Le réchauffement climatique ne fait plus de doute. Ses premiers effets peuvent difficilement être remis en question. Pour Jean Jouzel, climatologue au CEA et membre du GIEC, « Nous avons le même diagnostic scientifique depuis vingt-cinq ans. Aujourd'hui, le réchauffement est surtout plus concret : on parlait de ce qui allait venir, on perçoit maintenant les effets. » L'analyse des données provenant des satellites permet ainsi de confirmer et de préciser le réchauffement climatique. Selon Yann Kerr, directeur du CESBIO (Centre d’Études Spatiales de la Biosphère), « Ce qui est mesuré aujourd'hui par les satellites est pire que les prévisions du GIEC les plus alarmistes. ». Les signes clés de ce diagnostic sont la fonte des glaces, le niveau et la température des océans ou encore l'humidité des sols.
Parmi les nombreux projets en cours, le programme Meteostat, piloté par l'Agence spatiale européenne et dont la deuxième génération est aujourd’hui en activité, regroupe cinq satellites géostationnaires dont l'une des missions est de mesurer la température des mers grâce au rayonnement infrarouge. C'est aussi ce que fait son équivalent américain, le programme GOES (Geostationary Operational Environmental Satellite, Satellite géostationnaire environnemental opérationnel), un autre réseau de satellites météorologiques. La température des mers et des océans est une donnée cruciale car elle a une incidence directe sur la formation des ouragans et des cyclones. Un des rôles actifs des données satellitaires est ainsi d'aider à prévenir les risques naturels afin de s’adapter en temps réel aux conséquences du réchauffement climatique. Similairement, le satellite SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity, Humidité des sols et salinité des océans), lancé en 2009 et élaboré selon les recommandations du CESBIO, participe à la prévention des cyclones en mesurant l'humidité des sols et la salinité de la surface des océans. Les données transmises par les satellites sont accessibles plus rapidement qu'auparavant (trois heures après acquisition, vingt-quatre heures au plus) et sont de plus en plus fiables et précises, grâce au perfectionnement des appareils embarqués.
L'observation spatiale au service du suivi du réchauffement climatique est aussi l'affaire de partenariats transatlantiques. Fruits d'un effort conjoint du CNES et de la NASA, les satellites Jason-1 et Jason-2 permettent l'analyse du relief marin et de la hauteur des océans à l'aide d'un radar : avec l'altimétrie satellitaire, il est possible de témoigner de la montée des eaux liée au réchauffement du climat. Comme le rappelle Jean Jouzel, « Les vrais problèmes liés au réchauffement climatique vont survenir dans la deuxième partie du XXIe siècle. Des événements comme la montée des eaux vont avoir des conséquences graves. »
Ces deux satellites sont les successeurs du TOPEX/Poséidon, dont le lancement par la fusée Ariane en 1992 a révolutionné l'océanographie, en permettant de cartographier les marées, ou encore de valider les modèles de circulation océanique. Ainsi, l'historique croissant des mesures effectuées depuis l'espace donne aux chercheurs un certain recul pour analyser l'évolution du climat. Le réchauffement climatique est avéré, mais comme le précise Yann Kerr, « Il s'agit à présent de savoir quelle est la part du réchauffement climatique due à l'évolution naturelle, et celle due à l'activité humaine. » L'accent est donc mis depuis quelques années sur la standardisation des données, ainsi que leur mise en libre service sur des serveurs ouverts à la communauté scientifique. C’est notamment la visée de programmes comme le Climate Change Initiative de l'Agence spatiale européenne, ou le projet Copernic de l'Union européenne. Il ne s'agit donc pas seulement de récolter plus de données sur l'observation de la Terre, mais aussi d'en faire meilleur usage, avec un meilleur traitement de l'information, accessible au plus grand nombre. Cette politique est née du constat alarmant partagé par une majorité de la communauté scientifique, dont les membres du GIEC. « Ces dix dernières années, les émissions de gaz à effet de serre ont continué de croître de façon plus importante que les dix années précédentes, rien n'a été fait correctement. En conséquence, on ne sera peut-être plus capable de limiter à 2°C le réchauffement global d'ici à la fin du siècle » remarque Jean Jouzel. Le dernier volume du 5e rapport du GIEC, paru fin mars, est intitulé Impacts, adaptation et vulnérabilité, et pose le constat des premières incidences du réchauffement : l'objectif n'est donc plus seulement de ralentir le phénomène, mais de se préparer à ses conséquences directes.
Puisque nous sommes tous concernés, le sujet mérite qu'on prenne de la hauteur, tout en restant terre à terre. Citoyens inquiets, ou simplement curieux, lecteurs concernés ou néophytes, le CNES, le Bar des sciences et MyScienceWork vous invitent au cœur du débat mardi 20 mai à 19h30 au Café du Pont Neuf ou via le hashtag #CnesTweetUp.