Le changement climatique : LE défi du siècle

Un #CNEStweetup sur le rôle des satellites dans l’étude du réchauffement climatique

Comme tous les troisième mardis du mois, nous avons retrouvé le 20 mai dernier Paul de Brem pour un Mardi de l'Espace musical et passionnant. Jean Jouzel, climatologue au CEA et prix Nobel de la Paix 2007 (rien que ça!), et Yann Kerr, directeur du CESBIO et responsable de la mission SMOS, nous ont fait part de leur expertise sur le rôle des satellites dans l'étude du changement climatique.

Comme tous les troisième mardis du mois, nous avons retrouvé le 20 mai dernier Paul de Brem pour un Mardi de l'Espace musical et passionnant. Jean Jouzel, climatologue au CEA et prix Nobel de la Paix 2007 (rien que ça!), et Yann Kerr, directeur du CESBIO et responsable de la mission SMOS, nous ont fait part de leur expertise sur le rôle des satellites dans l'étude du changement climatique.

 (Extrait d’une présentation de Jean Jouzel)

Le réchauffement climatique est aujourd’hui massivement admis. Comme le précise Jean Jouzel, il “suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte” qu’il est une réalité. Fonte de la banquise, température farfelues, tempêtes plus puissantes et plus nombreuses : tous les signes sont clairs. D’après le dernier rapport du GIEC dont Jean Jouzel est membre, nous sommes même actuellement dans la fourchette haute des prévisions des précédents rapports, avec +4°C prévus d’ici à la fin du siècle et +8°C à +10°C au XXIIIème siècle ! Rien de rassurant.

 

 

On pourrait dès lors arguer que le climat est connu pour varier naturellement. Comme le mentionne Jean Jouzel, François Forget le sait bien, lui qui étudie les variations du climat martien sur lequel l’homme n’agit pas. Jean Jouzel, lui, étudie le climat passé pour comprendre et prévoir le climat à venir. Le carottage en Antarctique a ainsi montré que le climat avait subi d’importantes variations aussi dans le passé, à cause notamment des variations du Gulf Stream, courant qui traverse l’Atlantique, de la Floride au Groenland, en longeant les côtes européennes. L'eau salée et froide étant plus lourde que l’eau douce, une fois parvenue au pôle Nord elle plonge au contact de l’eau de fonte des glaciers. Les variations de température et de salinité de l'eau et la fonte des glaces influent alors sur le Gulf Stream qui, à son tour, influence le climat de toute la planète.

Mais selon le GIEC, la variation naturelle du climat ne suffit pas à justifier l’augmentation constatée de la température. Si l’on compare les températures observées au cours des 150 dernières années et des simulations ne prenant en compte que des facteurs naturels tels que les activités solaires et volcaniques, nous pouvons constater que les résultats ne coïncident pas sur les 50 dernières années. En revanche, lorsque l’on ajoute les facteurs anthropiques dans les simulations, les résultats sont bien les mêmes.

(Extrait d’une présentation de Jean Jouzel)

L’activité humaine est donc clairement en cause : pollution, gaz à effet de serre, aérosols qui modifient la composition des nuages… Un des progrès du dernier GIEC est ainsi de chiffrer la responsabilité humaine dans le changement climatique. Cette responsabilité est évaluée à 95%. Ainsi, si le climat suivait son évolution naturelle, nous connaîtrions certes une hausse des températures moyennes, mais celle-ci ne serait que de 0,1°C d’ici à 2100. Loin des +4°C prévus par le GIEC avec les facteurs anthropiques !

 

 

Pour calculer cette implication de l’homme, il a fallu étudier notre planète dans son ensemble. Le problème des mesures effectuées au sol est qu’elles “changent selon les frontières”. Il faut une vue d’ensemble. Rien de mieux alors que les satellites qui permettent un diagnostic global. Ainsi, le satellite SMOS mesure l'humidité des sols et la salinité des océans. On mesure aussi la calotte polaire grâce au satellite GRACE. Pour faire ces évaluations, de nombreux paramètres sont à prendre en compte comme l’activité solaire, le vent… Il faut aussi rectifier les données en prenant en compte les défauts inhérents au  spatial (dérive des satellites, corrections atmosphériques…). Les résultats sont inquiétants. Le satellite CryoSat a, de son côté, mesuré une perte de 160 milliards de tonnes de glace en Antarctique par an entre 2010 et 2013 ! En conséquence, depuis 1992, le niveau de la mer augmente de 3 mm par an.

Les satellites permettent aussi d’étudier l’atmosphère terrestre et, les gaz à effet de serre. Ainsi, en 200 ans (soit l’âge de la révolution industrielle), la quantité de gaz carbonique présent dans l’atmosphère a bondi de 40% !  On peut remonter plus loin, jusqu’à 800 ans, avec les carottages. Sur cette période, on n’avait jamais constaté d’augmentation si forte et si régulière. L'énergie (pétrole, gaz...) est la principale coupable des émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi la plus difficile à contrôler et à limiter car toute notre façon de vivre est construite à partir de l’énergie. Le CO2 en particulier est un gaz utilisé par les plantes pour se nourrir. Elles le stockent tout au long de leur vie. Cependant, cela aussi a ses limites : le carbone stocké est ensuite relâché dans la nature lorsque la plante meurt. Au final, l'agriculture relâche donc plus de carbone qu'elle ne permet d'en stocker et peut épuiser les sols.

 

Les satellites peuvent aussi aider à limiter les dégâts de l’agriculture et de l’activité humaine. En mesurant le taux d'humidité dans les sols, on peut anticiper les besoins en eau pour compenser une sécheresse, prévoir le rendement d’une récolte…

On comprend également de mieux en mieux le comportement des tempêtes et courants marins. Les satellites savent ainsi suivre un ouragan presque en temps réel et prévoir sa direction et sa puissance : les zones à risque peuvent alors être évacuées.

 

L’élévation des températures entraîne une hausse du taux d’alcool dans le vin et des vendanges – mais aussi des moissons – plus précoces. Les mers arctiques pourraient s’ouvrir, offrant de nouvelles voies maritimes voire de nouveaux accès au pétrole. À part cela, ne cherchez pas, le changement climatique n’est pas une bonne nouvelle.

Il faut s’attendre à des hivers plus chauds et plus humides au Nord, des étés plus chauds encore et plus secs en Méditerranée. Ces changements sont observables depuis 1990. Un été comme celui de 2003 pourrait donc devenir courant. Les ressources en eau vont alors devenir plus difficiles à gérer. Avec un climat chaud et humide, une pénurie d’eau potable et de plus en plus de pollution, il faut aussi s’attendre à une recrudescence, dans nos régions, des moustiques et des maladies liées à l’eau. Le rendement des récoltes, amoindri au Sud mais augmenté au Nord, pourrait également générer d’importants flux migratoires.

 

Stabiliser les émissions de gaz à effet de serre actuelles est la première étape avant d’essayer de les faire décroitre progressivement. Des accords internationaux vont en ce sens : Europe et États-Unis se sont ainsi engagés à réduire leurs émissions de 20% à l’horizon 2020. La promesse semble aujourd’hui peu réaliste puisque 40% des émissions viennent encore des États-Unis et de la Chine. D’ailleurs, des pays émergeants (et donc grands consommateurs d’énergie) comme l’Inde et la Chine ne sont contraints par aucun traité. Un accord mondial serait sans doute la clé mais trouver des termes mettant d’accord à la fois les États-Unis et la Chine, par exemple, n’est pas gagné d’avance.

Quelques solutions imaginatives ont pourtant été proposées : couvrir le Sahara de panneaux solaires (économiquement impensable), construire une voile géante protégeant la Terre du Soleil (résultat douteux en plus d’être techniquement difficile)...  

Des solutions plus sérieuses existent aussi. Elles ne sont ni simples, ni agréables et peuvent être coûteuses voire politiquement sensibles (comme le piégeage du gaz carbonique). Il s’agit de trouver de nouvelles sources d’énergie. Et en attendant, de limiter notre consommation. La moitié des émissions provient aujourd’hui de nos déplacements et de nos habitations. Donc “tous les petits gestes comptent” : moins se chauffer, faire des visioconférences plutôt que de prendre l’avion, consommer intelligemment, diminuer le gaspillage alimentaire, se déplacer autrement… Les efforts individuels doivent ainsi accompagner les solutions plus globales. Sans oublier que la lutte contre le réchauffement a des bénéfices sur la qualité de vie mais crée aussi des emplois.

 

 

L’objectif est clair : limiter le réchauffement climatique à +2°C à la fin du siècle. Politiquement, économiquement et socialement, les efforts à faire seront considérables. Les satellites nous fournissent des données fiables pour évaluer le changement climatique, cibler nos actions et limiter son impact.