Le spécisme ? Quesaco ? Le début de l’article d’Alexis Carlier et Nicolas Treich paru dans International Review of Environmental and Resource Economics en 2020 en donne une définition imagée : “Imaginez qu’une espèce super-intelligente envahisse la Terre et prenne le pouvoir. Les terriens ne comprennent pas les valeurs éthiques, morales, technologiques et artistiques de ces nouveaux êtres. Les extraterrestres ne font que surveiller leurs sociétés. Si les animaux commettent des actes de violence envers les humains dans l'environnement naturel, les extraterrestres n'interviennent pas. Les extraterrestres aiment manger les humains, mais ils se soucient dans une certaine mesure de leur bien-être. Par exemple, alors que la plupart des humains élevés pour la nourriture vivent dans de grandes usines de production, certains sont élevés en liberté, ce qui est meilleur pour leur bien-être mais augmente le prix de la viande humaine.”
Le spécisme est une idéologie qui place les humains au-dessus des autres animaux. À ce terme s’oppose l’antispécisme, un courant de pensée qui considère que l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas un critère pertinent pour décider de la manière dont on le traite et le considère. Le monde actuel est majoritairement spéciste, comme en témoignent les nombreuses exploitations animales, que ce soit pour les manger, faire des expériences, s’habiller, donner des spectacles, etc.
La pensée antispéciste base ses convictions sur le fait que contrairement aux pierres, à l’eau, ou encore aux plantes, les autres animaux ont, comme les humains, un cerveau et un système nerveux. Ils développent même une personnalité propre à chaque individu, et de nombreuses études démontrent que les animaux sont doués d’intelligence.
Les chercheurs Zipster, Kaiser et Sachser de l’université de Münster en Allemagne ont étudié les personnalités des cochons d’inde domestiques dans un article de 2013. En menant une expérience sur des cochons d’Inde mâles soumis à des tests expérimentaux, ils ont montré que ces animaux avaient des traits de personnalité, qui ne sont pas seulement corrélés à des comportements de dominant/dominé, et l’agressivité pourrait être un comportement spécifique individuel. Leurs comportements émotionnels sont instables dans le temps, trait qui serait peut-être dû à la domestication. Les auteurs ont cependant constaté que le comportement sexuel de ces animaux est stable selon les individus. De faible, moyenne ou forte libido, chaque individu est unique et son comportement n’est une fois de plus pas corrélé à sa position de dominant/dominé dans le groupe. Ce trait a été étudié chez des cochons d’Inde domestiques isolés, et il est possible que la hiérarchie, et donc l'accessibilité aux femelles dans une colonie, efface ce trait de personnalité.
Dans leur article , les auteurs Carlier et Treich parlent d’économie, et précisent qu’elle ne s’intéresse actuellement qu’au bien-être humain, car les autres animaux sont uniquement considérés comme des “ressources” ; ils proposent des pistes pour inclure les autres animaux dans la recherche, notamment sur leur bien-être et leur sensibilité. Des liens entre science animale et études économiques sont à envisager.
La création d’une journée pour lutter contre la fin du spécisme donne raison à la positivité des deux auteurs : “On peut raisonnablement s'attendre à ce que nos descendants ainsi que les futurs économistes (environnementaux) valorisent plus consciencieusement le bien-être des animaux.”
Carlier, Alexis, and Nicolas Treich. "Directly valuing animal welfare in (environmental) economics." International Review of Environmental and Resource Economics 14.1 (2020): 113-152.
Zipser, Benjamin, Sylvia Kaiser, and Norbert Sachser. "Dimensions of animal personalities in guinea pigs." Ethology 119.11 (2013): 970-982.