Les initiatives mêlant Art et Science ne manquent pas. Pourtant le festival Sidération, organisé du 22 au 24 mars par l'Observatoire de l'Espace du CNES étonne. En prenant l'espace pour matériau, les artistes explorent la relation entre art et science pour présenter aux spectateurs des créations véritablement déroutantes. Retour sur cette expérience sensorielle dans l’intimité du spatial.
Une ambiance bleutée accompagne le public vers des salles obscures et l'invite à s'asseoir sur d’étonnants tabourets à l'allure phosphorescente. Du 22 au 24 mars le festival Sidération accueillait le public dans des locaux complètement transformés par l'Observatoire de l'Espace, la fabrique culturelle de l'agence spatiale française (CNES). Difficile pour les habitués du CNES de reconnaître les lieux. Trois journées pour découvrir comment l'espace donne aux artistes des matériaux riches pour explorer un nouveau rapport art et science.
Crédits images : Observatoire de l'Espace, CNES
L'espace, un domaine fécond pour les créations art-science
Au détour d'une scène, chorégraphes, poètes, musiciens, écrivains attendent de partager avec les spectateurs leur vision de l'espace. Cette troisième édition du festival des imaginaires spatiaux propose en effet une programmation très diversifiée. Gérard Azoulay, responsable de l'Observatoire de l'Espace du CNES et directeur artistique du festival explique que « Quand on commence à ne pas restreindre l'espace à son seul domaine scientifique et technique, quand on le prend dans toutes ses dimensions, toutes ses composantes sociétales, historiques, politiques, il renouvelle et modifie nos représentations et notre imaginaire. L'espace joue un rôle d'embrayeur d'imaginaire ». Il dévoile ainsi le véritable objectif du festival : décloisonner les disciplines.
Pour Gérard Azoulay, « Quand on pense à l'espace de manière générale, tout un chacun, même les artistes en ont une vision assez convenue : les fusées qui décollent, les astronautes sur la Lune... ». Pour permettre à l'artiste de toucher d'autres notions liées à l'espace, l'Observatoire de l'Espace leur a donné accès à des matériaux habituellement réservés aux scientifiques (documents d’archive, images etc.). Pour la prestation « Space Girls, ou comment maman ne pourra jamais s'envoyer en l'air » Carole Thibaut s'est inspirée d'un ensemble d'iconographies sur les femmes et l'espace. Dans une conférence endiablée, elle réduisait l'astronaute à une répétition d'adjectifs stéréotypés « homme, blanc, hétérosexuel, occidental ». Ainsi, avec ces nouvelles connaissances, l'artiste livre au public sa perception de l'espace.
Quand les artistes sont en apesanteur
Samedi 24 mars - 22h30. Le public est charmé de poésie devant la chorégraphie « Hors lieux ». Une vidéo retransmet cette danse en micropesanteur imaginée par Kitsou Dubois. La chorégraphe et chercheuse en danse a trouvé l’inspiration pendant une résidence annuelle en vol parabolique Airbus 3300 Zéro_G organisée par l'Observatoire de l'Espace. « La science a complètement déteint sur mon travail. J’ai mis en place un processus de création qui part de l'expérimentation, » explique Kitsou Dubois. Pendant toute la durée du festival, de nombreux artistes ont comme elle restitué l'expérience sensorielle de l'apesanteur au public. Pour Thierry Pozzo, neurobiologiste spatial à l'Inserm, « en tant que chercheur, on croit qu'on va expliquer le monde et en fait un artiste l'explique souvent beaucoup mieux ».
L'artiste Kitsou Dubois a travaillé en micropesanteur et dans l'eau pour créer la chorégraphie Hors Lieux présentée au festival Sideration 2013
Crédits images : Perrine Gamot
Et les scientifiques dans tout ça ?
Trois scientifiques étaient prévus dans la programmation. Thierry Pozzo a présenté une méditation sur son domaine de recherche à partir de trois œuvres d'art. Il a en quelque sorte puisé dans son imaginaire scientifique pour les faire résonner avec son travail. « C'est un exercice difficile. Ca nous oblige à sortir de notre contexte psychorigide de scientifiques pour aller vers le public. De ce point de vue, c'est très enrichissant » assure Thierry Pozzo.
Le festival n'a pas pour ambition de changer la recherche spatiale en elle-même mais de sensibiliser le public au domaine de l'espace. « Je ne pense pas, que ce soit réciproque, c'est un artefact de comparer les deux processus de création artistique et scientifique. Une approche art-science nourrit l'imaginaire collectif et influence le chercheur comme tout un chacun. » conclut Gérard Azoulay.
Pour aller plus loin :
« Art et Science : L’art vu par l’œil d’un physicien, Jean-Marc Lévy-Leblond » sur MyScienceNews