La crème solaire 2 en 1 : elle protège votre peau et pollue l’eau !

Les substances chimiques faisant office de filtre UV ont des effets toxiques sur les organismes marins ; les nutriments affectent la santé des écosystèmes

Cet été, n’oubliez pas la crème solaire si vous voulez protéger votre peau des rayons UV. Apprenez toutefois qu’elle contient également des composants chimiques qui sont loin d’être inoffensifs pour l’environnement. En étudiant les eaux espagnoles entourant l’île de Majorque, des scientifiques ont récemment découvert que toutes ces substances s’accumulaient dans la mer et avaient des conséquences néfastes pour les organismes marins. A leur grande surprise, ils ont également constaté que les écrans solaires recelaient une quantité impressionnante de nutriments qui seraient susceptibles de perturber l’équilibre naturel des écosystèmes aquatiques.

Cet été, n’oubliez pas la crème solaire si vous voulez protéger votre peau des rayons UV. Apprenez toutefois qu’elle contient également des composants chimiques qui sont loin d’être inoffensifs pour l’environnement. En étudiant les eaux espagnoles entourant l’île de Majorque, des scientifiques ont récemment découvert que toutes ces substances s’accumulaient dans la mer et avaient des conséquences néfastes pour les organismes marins. A leur grande surprise, ils ont également constaté que les écrans solaires recelaient une quantité impressionnante de nutriments qui seraient susceptibles de perturber l’équilibre naturel des écosystèmes aquatiques.

Cet article est une traduction de « Sunscreen, while protecting skin, pollutes water » effectuée par Timothée Froelich.

 

 

Credit: Flickr / earthlydelights

 

Des chercheurs espagnols ont récemment découvert que les substances chimiques dégagées par les crèmes solaires contribuaient à la pollution des eaux marines, d’une part à cause de leur toxicité pour les phytoplanctons et d’autre part parce qu’elles apportaient aux écosystèmes de nouveaux nutriments susceptibles d’encourager la prolifération néfaste d’algues de toutes sortes. Le chimiste marin Antonio Tovar-Sánchez, du Mediterranean Institute for Advanced Studies (IMEDEA) à Majorque, insiste sur l’importance particulière que revêt ce problème à l’échelle locale : en effet, chaque année, l’île voit ses plages envahies par 10 millions de touristes enduits de la tête aux pieds d’écran solaire. La crème solaire fait déjà partie des produits les plus commercialisés dans le monde entier. Selon certaines estimations, dans moins de 30 ans, 75% de la population mondiale vivra dans des zones côtières, ce qui n’arrange en rien la situation. Pourtant, jusqu’à présent, les conséquences de ce problème n’ont suscité que très peu d’intérêt…

En connaissance des composants listés à l’arrière de tout tube de crème solaire, le Dr Tovar-Sánchez et ses collègues ont décidé de se pencher davantage sur la question dans un article récemment publié sur PLOS One et disponible sur MyScienceWork. « Le dioxyde de titanium (TiO2) est une substance utilisée en tant qu’oxydant dans les stations d’épuration des eaux résiduaires, et il y a en des tonnes dans la crème solaire », explique-t-il. Le TiO2 reflète et disperse les rayons UV. Il était donc considéré comme un atout majeur pour protéger la peau du soleil. Lorsqu’il s’est avéré qu’il était cancérigène, une méthode a été mise au point pour enduire ce composant de silicate, le rendant ainsi inoffensif pour l’Homme. Cependant, dans l’eau, cette couche protectrice silicatée se dissout, ce qui soulève la question suivante : quels sont les effets des écrans solaires sur l’environnement ?

La mer en éprouvettes

Les scientifiques ont prélevé des échantillons d’eau de mer aux alentours de deux plages extrêmement fréquentées à Majorque et d’une plage immaculée interdite d’accès et très peu fréquentée. Pendant 24 heures, ils ont procédé à l’échantillonnage, et pour ne pas contaminer l’eau, ils ont bien sûr du se passer de crèmes solaires ! « Toute l’équipe a fini complètement cramoisie », se rappelle Tovar-Sánchez.

Deux types d’échantillons d’eau de mer ont été prélevés et analysés. Les chercheurs ont sondé la couche superficielle de la mer à l’aide d’une plaque de verre (un panneau en verre plongé dans l’eau et auquel viennent adhérer les gouttes ainsi que les particules grasses d’écran solaire). La sous-surface, de 1 à 5 cm de profondeur, a été échantillonnée à l’aide d’une pompe. Les chercheurs ont ensuite procédé à l’examen en laboratoire des composants chimiques de tous les prélèvements. En parallèle, ils ont également analysé la présence de nutriments dans les écrans solaires commercialisés ainsi que leurs effets sur une espèce de phytoplancton.

 

Photo: Antonio Tovar-Sánchez

Toxicité et pollution de la crème solaire

Les chercheurs ont retrouvé dans l’eau quatre des cinq principaux composants des produits de protection solaire, concentrés surtout à la surface du fait de leur insolubilité. Ces substances abondaient particulièrement entre midi et six heures du soir, c’est-à-dire à l’heure où le maximum de gens vont à la plage et à l’heure où ils mettent le plus de crème solaire. Vers midi, la concentration de ces substances sur la couche superficielle de la mer dépassait de 60 à 90% les niveaux habituels. Elles ont même été retrouvées dans l’eau de la plage fermée au public, ce qui montre bien à quel point l’eau circule autour de l’île en véhiculant les polluants.

Les scientifiques ont également analysé la toxicité de treize types d’écrans solaires vendus dans le commerce en les appliquant, à différentes concentrations, sur le Chaetoceros gracilis, le phytoplancton méditerranéen commun utilisé au cours de l’expérience. Les crèmes solaires ne se sont révélées extrêmement toxiques qu’à des niveaux de concentration supérieurs à ceux constatés au cours de l’échantillonnage. Cependant, il a été démontré que même un très faible niveau de concentration suffisait à freiner la croissance du phytoplancton. L’écran solaire le plus toxique était un produit appliqué comme spray. Les chercheurs pensent que cela pourrait s’expliquer par le plus grand nombre de substances solubles présentes dans les sprays solaires. Ces substances seraient donc plus facilement absorbables par les phytoplanctons, et, en ce sens, plus toxiques.

« Des quantités énormes de nutriments »

Pour la forme, les scientifiques ont également analysé les crèmes solaires commerciales pour y chercher des nutriments, comme des phosphates et de l’ammonium. Antonio Tovar-Sánchez explique dans l’article qu’ils ne s’attendaient pas à en trouver, mais que leurs attentes ont été bien déçues. Les écrans solaires examinés contenaient « des quantités inimaginables de nutriments. » Le rejet de ces nutriments dans les écosystèmes aquatiques, également dû aux ruissellements agricoles contenant des engrais, provoque une prolifération néfaste d’algues et de phytoplanctons, appelée eutrophisation. Un nutriment donné finira par affecter l’un ou l’autre de ces micro-organismes, encourageant sa croissance et altérant l’équilibre de l’écosystème. Pour des raisons environnementales, « il est interdit de mettre des phosphates dans le savon », relève le Dr Tovar-Sánchez. « Pourtant, il y en a énormément dans les écrans solaires. Ils devraient également être considérés comme une source de pollution. »

Protéger les gens et l’environnement

Les résultats de cette étude démontrent la toxicité des substances chimiques contenues dans les crèmes solaires filtrant les UV par rapport à un type de phytoplancton (plutôt résistant par ailleurs, selon le Dr Tovar-Sánchez). Leurs effets négatifs sur d’autres espèces et leur éventuelle accumulation dans la chaîne alimentaire restent à prouver. Par exemple, l’équipe de Tovar-Sánchez travaille en ce moment sur l’étude des effets du dioxyde de titanium sur les plantes. Cette substance chimique est insoluble et coule au fond de l’eau, où elle peut affecter la végétation qui vit de deux à cinq mètres de profondeur.

A propos des nutriments retrouvés à la grande surprise de l’équipe dans les substances examinées, les sociétés pharmaceutiques produisant les écrans solaires sont restés silencieux, ne pouvant ou ne voulant pas confier aux chercheurs l’origine de ces nutriments. « Ils n’en ont probablement aucune idée. » explique le Dr Tovar-Sánchez. « Nous pensons qu’ils proviennent des parfums contenus dans les lotions, mais qui sait ? Il y a des centaines d’ingrédients dans les crèmes solaires. » Et les producteurs les achètent probablement sans en connaître les propriétés exactes.

Depuis que l’article a vu le jour, la principale préoccupation de Tovar-Sánchez, c’est l’avis du public. « Les gens se sentent concernés par la condition environnementale, mais ils se disent : "Qu’y pouvons-nous ? Il faut bien mettre de la crème solaire !" La seule chose dont je suis sûr, c’est qu’il faut absolument travailler main dans la main avec l’industrie pharmaceutique pour trouver le juste milieu entre la préservation de l’environnement et la protection de notre santé. » Pour commencer, nous autres humains pourrions essayer d’éviter la plage lorsque le soleil est à son zénith. Comme ça, plus besoin de crème, et plus de risque de coups de soleil bien cramoisis !