Les prothèses biosynthétiques seront-elles bientôt capables d’augmenter nos potentialités ? A quel point la robotique peut-elle déjà réparer le corps humain ? Peu à peu, l’humanité fait de l’homme bionique une réalité. Depuis longtemps, la science-fiction nous met en garde contre les dangers que représente la création de robots puissants, voire intelligents, pour suppléer à notre corps et notre esprit. Les robots high-tech ont-ils dépassé l’univers de la science-fiction ? Les Etats-Unis et l’Union Européenne ont d’ailleurs engagé un débat sur les enjeux juridiques et éthiques de l’émergence des technologies robotiques.
Cet article est une traduction de « Man Augmented: Is technology finally fusing with the body? ». Il a été traduit de l’anglais vers le français par Timothée Froelich.
Cela fait bien longtemps que la science-fiction a imaginé l’homme bionique et les cyborgs. Depuis cinq ans, ce phénomène a dépassé la fiction. Les choses se sont récemment accélérées : on a vu apparaître au grand jour des technologies robotiques de pointe capables de faire remarcher des paraplégiques ou de créer des bras bioniques pouvant soulever des charges incroyablement lourdes. Depuis début 2013, les interactions humains-robots sont décidément à l’ordre du jour. En voici quelques-unes, sélectionnées par Charles Grosseveur, Community Manager chez MyScienceWork :
Rex, l’être humain bionique
« Un « homme bionique » d’une valeur d’un million de dollars US a été exposé au Musée des Sciences de Londres. Il est doté d’organes artificiels, de sang synthétique et de membres bioniques. »
Rex, l’homme bionique, exposé au Musée des Sciences de Londres. (Source : Flickr/ Rain Rabbit)
Rex a été créé par des roboticiens dans le cadre d’une émission télévisée. C’est sans doute le robot biosynthétique le plus avancé au monde. Son exosquelette, surmonté par une tête humanoïde, comprend des organes artificiels tels qu’un cœur qui bat, un pancréas, des reins, un foie, une rate et une trachée, ainsi qu’un système circulatoire sanguin qui fonctionne parfaitement. Il peut également voir et entendre grâce à sa rétine artificielle et à un implant cochléaire.
Fusionner le naturel et l’artificiel
Le 30 janvier 2013, une équipe de scientifiques de la Harvard-MIT Division of Health Sciences and Technology de Cambridge (Massachusetts) a publié un article sur des tissus cardiaques créés à partir de matériaux synthétiques et de cellules tissulaires cardiaques de rats. Ce matériau hybride est composé de nanotubes de carbone et de cellules cardiaques vivantes plongés dans un gel qui protège l’intégrité cellulaire. Il réussit à imiter mieux que jamais les tissus cardiaques naturels.
En guise de première application, des cœurs synthétiques en parfait état de marche pourraient être utilisés à des fins robotiques, en mettant à profit les remarquables propriétés des cellules cardiaques (robustesse, conductivité, réactivité). Mais l’objectif, à terme, est bien évidemment de pouvoir réparer et remplacer des tissus cardiaques dysfonctionnels. Cependant, la route à parcourir pour atteindre ce but est encore longue, car les cellules synthétiques n’ont pas les mêmes propriétés électriques que les cellules vivantes, ce qui les empêche de battre toutes à l’unisson. Par ailleurs, il faut encore prouver que les cellules synthétiques ne sont pas dangereuses pour le corps humain, même sur de longues périodes.
Pour une meilleure entente entre les humains et les robots
Les ordinateurs et les robots ne sont pas encore intégrés à notre corps, mais nous les côtoyons tous les jours lorsque nous prenons le train, ouvrons les portes d’un magasin ou travaillons sur des chaînes de montage. En février, une étude a avancé l’idée suivante : il serait possible d’aider le robot et l’Homme à mieux travailler en équipe en leur appliquant à ces groupes mixtes des méthodes managériales. À cet effet, les auteurs ont permis à l’Homme et au robot d’échanger leurs rôles, en partant de l’hypothèse que cela leur permettrait de mieux saisir les tâches et les difficultés de l’autre. Si on exclut le nouvel algorithme d’apprentissage créé pour permettre aux robots de prendre part à l’expérience, cette étude est principalement articulée autour d’une perspective psychologique qui ne fait pas vraiment de différences entre les robots et les humains.
C’est également la semaine dernière qu’une équipe de scientifiques de l’Université de Lyon a annoncé que le robot androïde ICub était maintenant capable de comprendre notre langage et d’anticiper la fin d’une phrase à l’aide d’un cerveau artificiel simplifié. Ce robot reproduit certains types de connexions neuronales observées dans le cerveau humain. Pouvoir atteindre aujourd’hui ce niveau de similarité et de connexion entre les humains et les robots est tout simplement incroyable.
Vers une réglementation juridique de la technologie robotique ?
Il est de plus en plus commun d’améliorer le corps humain par le biais de la technologie ou de le réparer à l’aide de prothèses high-tech. Cela induit de nouveaux risques et pose de nouvelles questions. Le jeu Deus Ex : The Human Revolution, est probablement la dernière nouveauté dans le monde de la science-fiction qui s’est intéressée à ce thème. Vous pouvez en avoir un aperçu via deux vidéos du jeu montrant le même futur technologique de deux points de vue différents, le second insistant surtout sur les désagréments que provoquerait une augmentation technologique des potentialités du corps humain.
En observant les derniers progrès réalisés en robotique en 2012 et au début de l’année 2013, on pourrait penser que le moment est adéquat pour commencer à se demander sérieusement où poser certaines limites. La Fondation nationale pour la science et le département du commerce des Etats-Unis a publié en 2002 un rapport consacré aux utilisations potentielles des avancées technologiques de certaines disciplines, comme les nanotechnologies, les biotechnologies, les technologies de l’information et les sciences cognitives, pour améliorer les services de santé et les potentialités du corps humain à des fins militaires.
Il y a un an, l’Union Européenne a chargé des scientifiques venant de différents horizons disciplinaires d’étudier la question du « RoboLaw ». Le projet, intitulé Regulating Emerging Technologies in Europe: Robotics Facing Law and Ethics, se concentre sur des problématiques juridiques, par exemple : qui tenir responsable des dégâts survenus durant la panne inévitable d’un système robotique autonome comme la Google Car ? L’équipe de scientifiques aborde aussi des questions éthiques essentiellement relatives aux données personnelles collectées par des appareils à usage domestique ou public. La loi actuelle peut traiter certaines de ces questions, dont le but est de protéger les citoyens, mais il en est d’autres qui restent sans réponses. Selon un article récemment publié sur Wired, le projet s’intéresse également aux questions suivantes : qu’est-ce qu’un robot et quelle devrait être notre attitude à son égard ? Cela vous rappellerait peut-être un peu Intelligence Artificielle, ce film de Spielberg sorti en 2001.
Aujourd’hui, les gouvernements luttent pour adapter leurs lois à quelque chose d’aussi ordinaire qu’internet. On peut donc aisément imaginer toutes les difficultés que les législateurs rencontreraient pour anticiper les futurs dilemmes liés à des technologies qui n’ont pas encore vu le jour. Il demeure néanmoins essentiel de prendre conscience du manque de réglementations existantes pour faire face à cette situation, car il n’est pas dit que l’avènement de l’homme bionique et des robots réellement intelligents ne soit pas pour demain.
Pour en savoir plus :
Sur MyScienceWork, Science (et) Fiction, Aventures Croisées
Ne laissez pas trainer votre ADN partout https://www.lemonde.fr/passeurdesciences/article/2013/02/10/ne-laissez-pas-trainer-votre-adn-partout_5998866_5470970.html