Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie

Dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie de ce 17 mai, MyScienceWork  revient sur les études et les impacts de la LGBTphobie et dresse un portrait de scientifiques célèbres. 

En 2008 sort une étude sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle de 25 filles. Le titre de cette étude est : “A follow-up study of girls with gender identity disorder”. L’utilisation du terme “disorder”, qui implique que les questions d’identité sont des troubles a été (à juste titre) remise en question. Mais les auteurs de l’étude ont rejeté la critique en raison de sa focalisation sur le “langage politiquement incorrect”. Ce faisant, les auteurs ont négligé la possibilité que la langue puisse façonner les questions de recherche, la méthodologie, les interprétations et leur impact.



Le langage cisgenre peut servir à déshumaniser, à réduire au silence et à effacer.

 Y.G. Ansara and P. Hegarty




L’homophobie, un sujet encore d’actualité

 

En France, 2396 témoignages de situations LGBTphobes ont été répertoriés en 2019 (contre 1905 en 2018) selon un extrait du rapport sur les LGBTIphobies. Ces démonstrations de violence sont en constante augmentation. Injures, violences physiques et sexuelles sont malheureusement toujours de mise. En résultent évidemment des conséquences parfois dramatiques. Les personnes gays et lesbiennes présentent plus de risques de dépression majeure, de trouble de l’anxiété généralisée et d’abus ou de dépendance à l’égard des drogues.



Une histoire de longue date

 

Les oppressions que subissent les personnes sur leur identité de genre ou leurs orientations ne datent pas d’hier. Vers les années 1914, une première phase scientifique dans l’histoire que l’homosexualité se met en route : le but est de prouver l’existence de l’homosexualité, en établissant des paramètres qui vont la distinguer des autres formes de sexualité. Les années 50 marquent un tournant dans la perception de l’homosexualité, alors que la morale sexuelle se libéralise. La science tente tant bien que mal de banaliser l’homosexualité. En 1972, le terme homophobie, inventé par Weinberg, fait son apparition pour la première fois. Il le définit comme “la crainte de se trouver à proximité d’homosexuels, et dans le cas des homosexuels, le dégoût de soi”. Ce terme est un outil important pour les militants, car il renverse la balance : le terme ne vise pas les homosexuels, mais le fait que ces personnes ne sont pas acceptées. En décembre 2000, l’American Psychological Association (APA) publie un ensemble de directives qui concerne les personnes gays, lesbiennes, bisexuelles, affirmant la position de la profession : l’homosexualité n’est pas une maladie mentale. Pourtant, certains chercheurs contemporains continuent de prôner des thérapies de conversion de réorientation sexuelles.




Image : Evolution du nombre de témoignages reçus par l’association SOS Homophobie. 

Source : Rapport sur les LGBTIphobies 2020



Biais de pensée - quand la science manque de rigueur

 

Le fait que certains psychologues voient encore l’homosexualité ou la transidentité comme une pathologie est un véritable problème quand on sait l’importance du rôle des psychologues : ils sont considérés comme des leaders dans la lutte contre la discrimination envers les personnes transgenres. Pourtant il ne sont pas à l'abri des biais, et même en science, il est impossible d’être complètement objectif. La normativité hétérosexuelle et cisgenre amène les chercheurs à penser en termes d’hétérosexualité. Par conséquent, ils ignorent, invalident ou dénigrent les comportements et l'orientation sexuelle des personnes homosexuelles et transgenres. 

 

Les professionnels de la santé mentale sont les plus susceptibles à la fois de pathologiser les patients et de contredire la compréhension qu’ils ont d'eux-mêmes. Leurs biais peuvent avoir de grandes conséquences sur le traitement des personnes transgenres. Ceci est particulièrement vrai chez les enfants transgenres : contrairement aux adultes, ils n’ont pas le droit légal de prendre des décisions autonomes, et l'accès aux bloqueurs d'hormones nécessite généralement une évaluation et une approbation par des professionnels de la santé mentale, même dans les pays où des voies d'accès aux hormones pour les adultes sont disponibles en dehors des contextes de santé mentale.

 

Cependant des approches psychologiques récentes suggèrent un changement dans le bon sens, qui définirait la variance du genre non plus comme une pathologie mais bien comme un phénomène naturel. Le Dr. Herbert Schreier, un psychologue pour enfants basé à Oakland Children's Hospital and Research Center, a décrit la "variance du genre" chez les enfants comme "lorsqu’ils deviennent plus conscients de ce que c'est que d'être eux-mêmes". La thérapeute Diane Ehrensaft a aidé certains enfants à obtenir la reconnaissance sociale du genre qu'ils ont eux-mêmes désigné, elle dit que les parents doivent essayer de modifier le comportement de leur enfant et ne considère pas la personne transgenre elle-même comme un dysfonctionnement.



“L'objectif est que l'enfant soit bien adapté, en bonne santé et qu'il ait une bonne estime de lui-même.”

Edgardo Menvielle




Figures scientifiques 

 

Mais le plus grand progrès scientifique, c’est sans doute l’arrivée de personnes concernées dans la recherche, et la visibilité accrue de ces personnes. Certains problèmes de biais dus à l’hétéronormativité peuvent être corrigés, et les jeunes personnes gays, lesbiennes, bi ou encore trans ont des exemples de personnes qui leurs ressemblent dans le domaine scientifique.

 

Image : de gauche à droite : Lynn Conway, Sonya Kovalevsky et Margaret Mead

 

Parmi ces figures citons la mathématicienne Russe Sonya Kovalevsky, la première femme à obtenir un doctorat en maths en Europe, l’anthropologue Américaine Margaret Mead dont la pensée nourrira les mouvements féministes, de libération sexuelle et anticoloniaux, ou encore l’informaticienne Lynn Conway présentée lors de la journée internationale des femmes.



"Si nous permettons aux gens de s'épanouir et leur donnons la liberté d'être qui ils sont vraiment, nous engendrons la santé. Et si nous essayons de la restreindre [...], nous engendrons une mauvaise santé mentale" 

Spiegel, 2008.




Références : 

Ansara, Y. Gavriel, and Peter Hegarty. "Cisgenderism in psychology: Pathologising and misgendering children from 1999 to 2008." Psychology & Sexuality 3.2 (2012): 137-160.

 

Herek, Gregory M. "Beyond “homophobia”: Thinking about sexual prejudice and stigma in the twenty-first century." Sexuality Research & Social Policy 1.2 (2004): 6-24.

 

Parker, Richard Guy, and Peter Aggleton, eds. Culture, society and sexuality: a reader. Psychology Press, 1999.