Peux tu te présenter ?
Bonjour à tous, je m’appelle Corentin Jouault, je suis étudiant en Master 2 PPP, Master de Paléontologie de l’université de Rennes 1, et j’étudie principalement et majoritairement les insectes fossiles.
Comment les insectes sont piégés dans l’ambre ?
Pour se défendre, l’arbre va produire de la résine ; on a la sève qui sert de “sang” à l’arbre, et la résine qui est un mécanisme de défense. Quand l’arbre est blessé, c’est-à-dire quand un insecte vient le trouer ou faire son nid dedans, il va sécréter de la résine et va engluer l’insecte, qui dans des cas exceptionnels, va se retrouver fossilisé. On va pouvoir l’étudier, parfaitement préservé, quelques millions d’années après.
Comment les fourmis ont-elle évolué ?
On sait que les premières fourmis, celles qu’on retrouve dans l’ambre du Crétacé du Myanmar, sont potentiellement eusociales, puisqu’on a des différences morphologiques, on reconnaît des reines et des ouvrières. Mais dire comment est-ce qu’on est passé de l’ancêtre supposé, qui serait une sorte de fourmi-guêpe solitaire qui chasserait au sol, à une société complexe comme on les connaît aujourd’hui et comme on les observe dans le Crétacé, c’est pas possible pour l’instant. Mais peut-être que dans dix ans...
Les insectes ont-ils beaucoup changé avec le temps ?
Il y a certaines familles d’insectes qu’on retrouve dans l’ambre qui sont totalement éteintes, on ne les retrouve plus aujourd’hui. Par contre, je prenais le cas de la fourmi juste avant, elles on les connaît depuis le milieu du Crétacé, donc environ 100 Ma, depuis elles ont peu ou pas évolué, morphologiquement, on arrive à les reconnaître et à se dire “c’est une fourmi”, en utilisant les mêmes critères que si c’était une fourmi contemporaine, une fourmi que l’on peut observer dans notre jardin aujourd’hui.
Si tu devais nous présenter une fourmi aujourd’hui, ce serait laquelle ?
Ce serait peut-être les fourmis Bouledogue, ce sont des fourmis qui sont aujourd’hui connues que de la région australienne. Il y en a aussi une en Nouvelle Calédonie, et une sur les îles du Nord. Dans le registre fossile elles étaient beaucoup plus diversifiées, on en connaît en France, on en connaît aux États-Unis, en Amérique du Sud. Elles sont super sympa parce qu’elles sautent, elles font des petits bonds qui peuvent aller jusqu’à 30 cm, voire un peu plus, elles ont une très bonne vue, et elles chassent très très bien, donc c’est assez sympa à observer, puisque ça court dans tous les sens, ça a un venin très puissant. Et c’est assez “primitif” dans l’organisation, puisque quand on prend les cladogrammes de l’évolution des fourmis, ce sont des fourmis qui sont situées assez basalement, donc qui occupent des places plutôt basses sans cette phylogénie.
C’est plutôt intéressant, notamment pour comprendre cette transition entre les modèles eusociaux d’aires précoces, et des modèles eusociaux des lignées qui sont un peu plus “évoluées”.
A quoi peut servir l’étude des insectes anciens ?
L’étude du registre fossile en général, que ce soit les insectes, les plantes ou autre, dans un premier temps il va y avoir quelque chose qui est très concret, par exemple quand on parle de réchauffement climatique, on voit tous, une grande catastrophe est en train d’arriver, la planète se réchauffe, etc. Mais à quel point ça va impacter la biodiversité ? Est-ce que ça va être quelque chose de très massif, de très brusque ou pas. En étudiant les insectes on peut, grâce au registre fossile, voir si à des moments il y a des courbes de diversification, de moment où les espèces vont se diversifier, on va voir plus d’espèces apparaître, ou des phases d’extinction, et par exemple est-ce que ces phases d’extinction sont corrélées avec un phénomène de réchauffement climatique global. C’est le cas, oui, et là on peut se dire, par principe d’actualisme, “ok, aujourd’hui on observe un phénomène similaire, la planète se réchauffe, alors peut-être que ça va amener à une réduction massive d’espèces et à une disparition d’espèces super intéressantes, de taxons.
Quelques références :
Jouault, Corentin, Alexandr P. Rasnitsyn, and Vincent Perrichot. "A new myanmarinid wasp (Hymenoptera: Stephanoidea) from mid-Cretaceous Burmese amber." Cretaceous Research 116 (2020): 104621.
Ngô-Muller, Valérie, et al. "Potential new evidences of bee fly parasitoidism on ground-dwelling insects in mid–Cretaceous Burmese amber (Diptera: Bombyliidae)." Cretaceous Research 114 (2020): 104524.
Jouault, Corentin, Vincent Perrichot, and André Nel. "A new genus and species of parasitic wasps (Hymenoptera: Diapriidae) from Hkamti mid–Cretaceous Burmese amber." Cretaceous Research 115 (2020): 104533.