Les premières transmissions d'informations se sont faites oralement puis à l'aide de dessins et de signes. Il fallut attendre l'apparition de l'écriture cunéiforme vers 3200 avant JC pour que l'acquisition et le transfert des connaissances aient été possibles. Le support d'écriture a ensuite lentement évolué, le parchemin s'est développé et de nouveaux formats de livres sont apparus. Mais c’est l’invention de la presse à imprimer en 1434 qui permit une diffusion plus large des travaux scientifiques, favorisant la production de connaissances scientifiques et entraînant une modification des rapports entre les scientifiques et la publication.
Pour en savoir plus sur l'évolution de la communication scientifique après le XIXe siècle MyScienceWork vous invite à consulter le premier article de Sylvie Ongena : Historique de la Communication Scientifique du XIXe siècle à l’ère de l’Open Access
Histoire et évolution de la communication scientifique
I). La pré-Antiquité et l'Antiquité (IVe avant JC au Ve siècle après JC)
Les premières transmissions d'informations se sont faites à l'aide de dessins et de signes [1], mais il fallut attendre l'apparition de l'écriture cunéiforme vers 3200 avant JC pour que l'acquisition et le transfert des connaissances aient été possibles. Cependant, jusqu'au IIe siècle avant JC, les écoles sumériennes formaient essentiellement des scribes à la lecture, l'écriture et le calcul dans l’unique but de procéder à des inventaires ou à retranscrire les transactions pour les plus puissants [1, 4]. Vers 2000 avant JC et l'imposition des Akkadiens en Mésopotamie, l'écriture s'est révélée un puissant moyen de conservation des savoirs, non seulement religieux et réglementaires comme avant, mais également des savoir-faire [1]. Toutes ces connaissances étaient stockées sur des supports en argile, en pierre ou en bois. Les Égyptiens firent de même mais en utilisant le papyrus comme support, ce qui permit le développement des premières techniques de repérage de l'information [1]. Le développement du commerce permit le développement de l'écriture, les techniques de conservation du savoir évoluant avec les besoins de conservation et de transmission. C'est également à cette période que sont apparues les premières classifications de l'environnement, plantes et animaux.
Dès le IIe siècle avant JC, les écoles sumériennes ont introduit des programmes scientifiques, mais la transmission des savoirs scientifiques par l'enseignement a véritablement commencé en Grèce [1, 3]. Avec une apogée aux V et VIe siècles, des écoles se développèrent autour de grands penseurs. Ces écoles étaient des lieux ouverts de diffusion des connaissances et d'élaboration des savoirs. Les voyages servaient également à accéder et à diffuser les connaissances. De nombreux échanges d'informations s'appuyaient également sur l'échange ou l'offre d'ouvrages entre lettrés. La diffusion des connaissances était donc lente et le partage se faisait d'abord au sein d'un cercle d'amis. En effet, les ouvrages étaient publiés par les auteurs qui employaient des copistes. Le regroupement de copistes en atelier permit par la suite de copier jusqu'à cent exemplaires d'un ouvrage. Durant cette période, les princes firent construire des bibliothèques, d'abord pour archiver les documents juridiques et comptables, puis des textes sur l'histoire et les sciences [e]. Les conquêtes militaires facilitaient l'accumulation des connaissances, les écrits constituant des prises de guerre [1]. Des catalogues étaient établis pour retrouver plus facilement les documents. Les bibliothèques s'ouvrirent peu à peu au public, certaines étant des bibliothèques privées ouvertes au public, d'autres des bibliothèques publiques [1, e].
II). Le Moyen Âge (Ve au XVe siècle)
Entre la chute de l'Empire Romain au milieu du Ve siècle et l'invention de l'imprimerie, l'IST et sa communication se sont très peu développées. Durant cette période, la science était assujettie à la religion et les travaux scientifiques se limitaient à des calculs astronomiques ou calendaires et à des commentaires de textes grecs tronqués ou erronés [1, 4]. En effet, seuls les moines pratiquaient la lecture et l'écriture et le peu d'écrits scientifiques recopiés furent dénaturés par manque de maîtrise de la langue grecque et des sujets traités. Il fallut attendre le XIIe siècle pour que les sciences grecque, arabe et hindoue pénètrent l'Occident touchant une communauté de plus en plus large de non-laïcs. Les Arabes, ayant récupéré et enrichi les savoirs grecs, les ont transmis en Europe par le biais des invasions.
Parallèlement, le support d'écriture a évolué, le parchemin s'est développé et de nouveaux formats de livres sont apparus. Le développement des villes permit l'apparition d'ateliers de copie laïcs. Mais bien que les textes scientifiques se multiplièrent au XIIe siècle, les manuscrits demeurèrent chers et peu disponibles. Les étudiants ayant besoin d'ouvrages à faible coût, le prêt de parties d'ouvrages s'est développé afin qu’ils copient eux-mêmes les parties les intéressant. En outre, de nouveaux outils de communication scientifique apparurent (recueils de citation, passages d'ouvrages signalés par les professeurs…) Les premiers ouvrages recueillant plusieurs textes condensés traitant d'un même sujet apparurent également au XIIe siècle.
Les besoins de regrouper, consigner et transmettre les connaissances ont abouti à la rédaction d'encyclopédies. Certaines furent même vulgarisées, notamment en utilisant les langues vernaculaires à la place du latin. Après 1250, le latin comme langue scientifique fut même abandonné, ce qui permit une mise à disposition plus large des connaissances. Ce changement marqua la fin du monopole de l'Église, mais rendit également plus difficile les échanges entre scientifiques étrangers (nécessité de traduire les textes) [1, 4]. Bien que la bibliothèque de la Sorbonne ait été créée en 1290, il fallut attendre le XVe siècle pour voir un vrai développement des bibliothèques universitaires. Contrairement aux bibliothèques monastiques, les catalogues et le classement des livres étaient sommaires.
III). Renaissance et siècle classique (XVe au XVIIe siècle)
Bien que la Chine employait l’imprimerie depuis le XIe siècle [f, 2], c’est l’invention de la presse à imprimer par Gutenberg en 1434 qui permit une diffusion plus large des travaux scientifiques, et favorisa par ce biais la production de connaissances scientifiques. Les écrits médiévaux furent imprimés et diffusés, fournissant aux savants les bases pour leurs recherches; mais retardant parfois leurs propres publications. Des maisons d'édition se développèrent en lien avec les universités (Oxford University Press en 1478) et sociétés savantes [1, 2], témoins du transfert de la publication des ateliers de scribe vers les ateliers de reliure et d'impression. D'autres mutations de l'IST apparurent entre 1470 et 1530 grâce à l'apparition du livre
imprimé [1] :
- Possibilité d'avoir plusieurs ouvrages par matière, alors que jusqu'alors un seul ouvrage de référence existait.
- Disparition des glossateurs qui commentaient et annotaient les passages difficiles des ouvrages : des renvois vers d'autres ouvrages traitant de la même discipline sont faits.
- Apparition des premiers ouvrages de science et technique à destination des étudiants en 1509.
Pour Francis Bacon, 1561-1626 : "La science doit être tirée de la lumière de la nature, elle ne doit pas être retirée de l'obscurité de l'Antiquité. Ce qui importe n'est pas ce qui a été fait. Il faut voir ce qui reste à faire" [d]. Ainsi, le XVIIe siècle fut le témoin d'un renouveau et d'une révolution scientifique. La publication scientifique était alors le meilleur moyen pour avoir une place dans la communauté scientifique et acquérir de la notoriété. Cependant, les voyages aidaient toujours à la diffusion des connaissances, mais aussi à la vérification des travaux ou la découverte de nouvelles choses. En effet, les expéditions de Christophe Colomb ou Vasco de Gama eurent une grande portée naturaliste et médicinale en rapportant des descriptions de nouvelles plantes et animaux, mais aussi de nouveaux remèdes et de nouvelles maladies [1]. Les publications scientifiques ne servirent plus uniquement aux autres scientifiques, mais également aux ingénieurs, navigateurs, banquiers, négociants…
Parallèlement à ce développement, des contraintes apparurent. La plus grande diffusion des travaux entraîna non seulement une modification des rapports entre les scientifiques, mais également entre les scientifiques et la publication. En effet, la publication engageait l’auteur par rapport à ses résultats, et le scientifique pouvait être critiqué par ses pairs et les hommes de savoir. Certains scientifiques, comme les mathématiciens Pierre de Fermat et Gilles Personne Roberval, publièrent peu ou plus par crainte de représailles de la part de leurs pairs [1]. D'autres, comme le mathématicien du XVIe siècle Tartaglia, décida de ne plus publier ses résultats par peur de pillage intellectuel. L'État et l'Église utilisèrent aussi l'impression, mais comme moyen d'assoir leur pouvoir. Ils interdirent de publier des travaux dérangeants pour eux comme ceux de Galilée en Italie [a, 4]. En France, Richelieu créa l'Imprimerie Royale en 1640 pour éditer les livres d'érudition. Même l'enseignement devint difficile, et certains savants furent persécutés. L'IST fut ainsi freinée et il se développa une science nouvelle en marge de la science officielle.
Ces contrôles de la part de l'État et de l'Église conduisirent les savants à un certain individualisme et à plus de prudence, mais également à développer de nouvelles techniques de communication [1, 4]. Ainsi, des correspondances entre scientifiques et les cercles scientifiques se créèrent et se renforcèrent [1, 2]. Des communautés scientifiques d'abord informelles se créèrent grâce aux voyages des savants, puis, vers la fin du XVIIe siècle, ces communautés se structurèrent en académies. Ainsi, la première académie fut la Royal Society de Londres, fondée en 1660 et l'Académie royale fut fondée en 1666 en France. Ces académies sont à l'origine des premières revues scientifiques, respectivement : Philosophical Transactions (plutôt un journal de synthèse) et le Journal des Savants (plutôt une revue primaire) [1, 2, 4]. En marge de ces publications, les éditeurs et imprimeurs contribuèrent au développement de l'activité scientifique en encourageant les rapprochements et les collaborations entre scientifiques, en offrant une base de travail commune par des éditions uniformisées d'ouvrages, et en encourageant les savants à critiquer ces éditions pour en corriger les erreurs. Ils facilitèrent la recherche de l'IST en fournissant des lexiques et des catalogues.
IV). Le siècle des lumières (XVIIIe siècle)
La diffusion de l'IST s'est élargie grâce à la progression de l'alphabétisation, et grâce à un phénomène de mode intéressant un public de plus en plus large. Cet élargissement a été facilité par l'abandon total du latin pour des langues vernaculaires. Les publications furent importantes dans des secteurs d'applications comme l'agriculture, l'agronomie, la physique expérimentale, les sciences naturelles et la médecine. Elles furent également nombreuses dans des domaines liés à des phénomènes spectaculaires comme l'astronomie et les éclipses. La demande en dictionnaires et encyclopédies était également importante, que ce soit pour des ouvrages populaires comme La bibliothèque universelle ou plus spécialisés comme Le dictionnaire de médecine de Robert James. L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert apporta beaucoup à la méthodologie de transfert des connaissances [1] :
- Création d'un premier volume Système figuré des connaissances humaines où la classification des savoirs évitait la dispersion des sujets
- Vérité et précision scientifique des données, avec renvois exacts aux sources
- Méthode de collecte des savoirs, connaissances, savoir-faire, matériels…
- Usage des figures pour renforcer les descriptions ou à but pédagogique.
L'ambition des dictionnaires et des encyclopédies était de regrouper tous les savoirs du moment, le siècle des lumières étant à ce titre celui de la hantise de l'exhaustivité [1, 4]. La publication des récits de voyages donna naissance à une nouvelle discipline : les sciences générales de l'Homme, et des ouvrages comme Les mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps (J-F Lafiteau, 1724) ou De la nature de l'Homme et variétés dans l'espèce humaine (Buffon, 1749) furent publiés [1]. Outre le Journal des savants, les revues, plus ou moins éphémères et généralement attachées à des académies, se multiplièrent [1, 2]. Tout comme les publications, ces revues étaient traduites dans différents pays. Des revues plus techniques comme le Journal de médecine, chirurgie et pharmacie (1755-1815) apparurent à la seconde moitié du XVIIIe siècle [1].
C'est également au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle que la censure royale s'imposa, éclipsant même celle de l'Église [1]. Elle interdisait 10 à 30% des publications contrôlées mais les interdictions touchaient peu les livres scientifiques. Créées dans le but de rassembler les scientifiques pour favoriser les échanges et la communication, les académies durent également exercer un rôle d'expertise et d'arbitrage. Elles permirent ainsi l'existence d'un corps de savants professionnels et l'accroissement des moyens de recherche [1, 2, 4].
Les sciences furent implantées dans les collèges et universités, les professeurs publiant leurs cours pour appuyer leurs enseignements en physique ou sciences naturelles [1]. Des leçons publiques étaient également dispensées, fréquentées par une foule hétéroclite et curieuse mais les bibliothèques étaient uniquement fréquentées par des savants ou des hommes de lettre. Les cabinets de curiosités, mutés en cabinets scientifiques (certains gérés par des amateurs fortunés, d'autres fonctionnant comme des laboratoires), ainsi que le développement de jardins botaniques augmentèrent eux aussi l'intérêt des foules pour l'IST. Cet engouement fut facilité par les évolutions de l'édition qui proposa des ouvrages moins chers et de format plus petit. La diversification des publics et l'élargissement du champ des connaissances impliquèrent la nécessité de se faire comprendre par un cercle plus étendu de collègues. D'abord destinée aux "grands du monde" au XVIIIe siècle, la vulgarisation scientifique s'élargit au grand public à partir du XIXe siècle.
En conclusion, l'étude et le décryptage du monde par l'Homme a fourni une quantité phénoménale de connaissances. Depuis le balbutiement des sciences, la nécessité de divulguer ces connaissances est apparue comme essentielle. Ainsi, au cours des siècles, la communication de l'information scientifique et technique (IST) a évolué en fonction des besoins et des moyens techniques et technologiques pour aboutir au tournant que nous vivons maintenant : le mouvement de l'open access.
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Bibliographie:
a) Ouvrages: [1] Comberousse Martine. Histoire de l'information scientifique et technique. Paris, France : Armand Colin, 2005, 127p. ISBN : 2200344171. [2] Schöpfel Joachim. La publication scientifique : analyses et perspectives. Paris, France : Lavoisier, 2008, 367p. ISBN : 9782746218468. b) Publications et rapports: [3] Bose Hélène. Le droit des chercheurs à mettre leurs résultats de recherche en libre accès : appropriation des archives ouvertes par différentes communautés dans le monde. Terminal,2009, numéro 102, p93-113. [4] Chouteau Marianne. Organisation scientifique et information scientifique et technique : deux histoires intimement liées. 2004, Direction prospective et stratégie d'agglomération du Grand Lyon. [5] Ongéna Sylvie Etude d'une base de données en ligne spécialisée en biologie et bioinformatique. Master Gestion des Connaissances. Université de Bourgogne – IUP IDERI, 2011, 24 pages. Sitographie: [a] Futura-sciences. Galilée – Biographie [En ligne]. Disponible sur https://www.futura-sciences.com/sciences/personnalites/astronomie-galilee-220/ (Consulté le 4 juillet 2011). [b] HINARI [En ligne]. Disponible sur http://www.who.int/hinari/fr/index.html (Consulté le 8 août 2011) [c] Wikipedia Publish or perish [En ligne]. Disponible sur https://en.wikipedia.org/wiki/Publish_or_perish (Consulté le 4 juillet 2011). [d] Wikipedia. Francis Bacon (philosophe) [En ligne]. Disponible sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Bacon_(philosophe) (Consulté le 3 juillet 2011). [e] Wikipedia. Histoire des bibliothèques [En ligne]. Disponible sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Bibliothèque. (Consulté le 29 juin 2011). [f] Wikipedia. Johannes Gutemberg [En ligne]. Disponible sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Johannes_Gutenberg(Consulté le 30 juin 2011).
Sources des images, dans l'ordre de présentation :
Disque d'argile sumérien : http://1.bp.blogspot.com/_uQ1iZxfCuNA/RhzuMkxkMxI/AAAAAAAAA0I/Umq1HXwgwAM/s200/sumer.jpg
Reconstitution bibliothèque antique d'Hadrien : http://jfbradu.free.fr/GRECEANTIQUE/GRECE%20CONTINENTALE/ATHENES/AGORA%20ROMAINE/bibliotheque-hadrien-reconstitution.jpg
Moine copiste : http://man.uscr.it/public/pages/copiste1.jpg
Imprimerie Gutenberg : http://images.blog-24.com/860000/864000/864257.jpg
Imprimerie royale : http://www.etab.ac-caen.fr/sevigne/peda/com/c0203/kd1/at17.jpg
Encyclopédie Diderot et D'Alembert : http://www.ampere.cnrs.fr/unevieenimages/img/003.jpg
Le Journal des Savants : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0d/Journal_des_Savants.jpg/250px-Journal_des_Savants.jpg
Mémoires de la Société d'Arcueil : http://catalogue.gazette-drouot.com/images/perso/full/LOT/24/8646/11.jpg