Excellence de la recherche et parité hommes-femmes : c’est possible !

L'équilibre homme-femme au cœur des sciences

Tout le monde sait que les femmes sont moins nombreuses que les hommes à occuper les postes de haute responsabilité dans les universités et les institutions de recherche. Pourtant, malgré ce fait avéré, nous manquons toujours de mesures concrètes pour améliorer la situation. C’est pour cette raison que la Ligue européenne des universités de recherche (LERU, de l’anglais « Ligue of European Research Universities ») a récemment publié des recommandations pour améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes. Simone Buitendjik, vice-recteur de l’université de Leiden aux Pays-Bas et co-auteur du rapport, dresse un bilan de nos acquis en la matière, des réticences qui nous freinent et, surtout, de ce que nous pouvons faire pour changer cela.

Tout le monde sait que les femmes sont moins nombreuses que les hommes à occuper les postes de haute responsabilité dans les universités et les institutions de recherche. Pourtant, malgré ce fait avéré, nous manquons toujours de mesures concrètes pour améliorer la situation. C’est pour cette raison que la Ligue européenne des universités de recherche (LERU, de l’anglais « Ligue of European Research Universities ») a récemment publié des recommandations pour améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes. Simone Buitendjik, vice-recteur de l’université de Leiden aux Pays-Bas et co-auteur du rapport, dresse un bilan de nos acquis en la matière, des réticences qui nous freinent et, surtout, de ce que nous pouvons faire pour changer cela.

 

Cet article est une traduction de « LERU on gender equality: We know the facts, it’s time to act! », disponible sur http://blog.mysciencework.com/en/2012/11/29/leru-on-gender-equality-we-know-the-facts-its-time-to-act.html. Cette traduction de l’anglais vers le français a été réalisée par Mayte Perea López.

 

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L’équilibre entre les hommes et les femmes a longtemps été présenté comme un objectif important vers lequel tendre pour les universités et les institutions. Des progrès ont été clairement observés en ce sens au fil du temps. Ne peut-on cependant pas faire mieux ? Aujourd’hui en Europe, seulement 13% des directeurs des institutions de l’enseignement supérieur sont des femmes. Les racines du problème sont-elles trop profondes pour que l’on puisse les cerner, trop obscures pour que l’on puisse les aborder ? Simone Buitendijk, vice-recteur de l’université de Leiden, aux Pays-Bas, n’est pas de cet avis. « Ça n’a rien de mystérieux », assure-t-elle. « Nous savons ce qu’il faut faire ».

L’université du Dr. Buitendijk fait partie de la Ligue européenne des universités de recherche (LERU), une association réunissant 21 institutions dont l’objectif est de promouvoir l’excellence dans la recherche. Simone Buitendijk a récemment co-écrit un rapport publié par la LERU, en juillet 2012, intitulé Women, research and universities: excellence without gender bias (« Femmes, recherche et universités : l’excellence sans préjugés sexistes »), dans lequel est abordée la sous-représentation des femmes dans le monde universitaire. Ce qui distingue ce rapport des précédents travaux publiés en la matière est qu’il « prend position et ne s’attarde pas sur les facteurs contribuant à ce déséquilibre… Nous visons plutôt à inciter au changement ». Les universités membres de la LERU se sont engagées à agir en déterminant les moyens pour apporter un changement structurel afin de soutenir l’équilibre entre les hommes et les femmes. Ils vont aussi partager leurs connaissances sur les raisons qui poussent les femmes à débuter une carrière dans la recherche et celles qui les aident à rester en poste.

Simone explique que, lorsqu’il s’agit de fournir des efforts pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, nous nous posons naturellement la question suivante : si c’est si important, pourquoi n’est-ce pas déjà mis en place ? « Nous devons convaincre les gens du fait que le jugement de la société est biaisé et que l’équilibre entre les hommes et les femmes peut apporter quelque chose », ajoute-t-elle. Nous sommes pour la plupart d’entre nous inconscients du fait que nous sommes influencés par les préjugés sexistes et nous croyons sincèrement, par exemple, que lorsque nous recrutons un candidat pour un poste, notre choix se fonde uniquement sur le mérite. Pourtant, Simone cite une étude montrant que deux CVs identiques étudiés par les recruteurs des universités, qu’ils soient hommes ou femmes, ne subissent pas le même sort selon le genre du nom qui y est associé : sur la base de ce CV identique, les « candidates » se sont vues offrir en moyenne un salaire annuel inférieur de $4 000 à celui proposé aux « candidats ». Elles ont été par ailleurs moins nombreuses à obtenir le poste que leurs homologues masculins et elles avaient moins de chances d’obtenir un tutorat. « Une fois que les gens comprennent le problème, on peut considérer que la bataille est à moitié gagnée. Cependant, comment inciter au changement les universités, les revues, les institutions de recherche, les chercheurs et les agences de financement ? »

Simone Buitendijk est persuadée que c’est aux universités qu’incombe la tâche de conduire ce changement : « [Elles] doivent inciter la société à les suivre sur cette voie ». Pour ce faire, elle pense que les institutions doivent être capables de choisir un ensemble de mesures conçues pour améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes dans leurs propres rangs. « Il y a tant de diversité en Europe, qu’il est impossible de partager exactement les mêmes objectifs ». En même temps, il est à la fois possible et nécessaire de travailler sur l’équilibre entre les hommes et les femmes à l’échelle européenne. Les similitudes fondamentales de ce problème ont plus de poids que n’importe quelle particularité nationale ou culturelle. Sans un effort conjoint, les acteurs resteront trop isolés malgré leurs actions individuelles. Il est également plus facile de nier l’existence du problème, dans la mesure où la situation peut sembler à peu près acceptable au niveau local.

 

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En quoi devrait alors consister un effort européen ? Le rapport publié par la LERU énumère quatre domaines d’actions prioritaires, incontournables pour atteindre les objectifs en question :

1) un sens de l’initiative fort au niveau de la direction, se traduisant par la mise en place d’une stratégie officielle d’égalité entre les hommes et les femmes et la mise à disposition des fonds nécessaires à la concrétisation de celle-ci.

2) des mesures concrètes, s’appliquant aux étapes clés de la carrière. Celles-ci comprennent « (en général) des mesures sexospécifiques pour le développement de carrière et (en général) des mesures en faveur de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle sans distinction de genre » ;

3) transparence, responsabilité et suivi, afin que les mesures dont il est question soient mises en œuvre avec succès ;

4) promouvoir activement la dimension du genre dans la recherche.

Les actions menées dans ces domaines ont déjà produit des résultats positifs et pratiques ; le réseau de la LERU tient à mettre en avant ces meilleures pratiques et à s’en inspirer. Le projet Excellence Initiative (« Initiative pour l’excellence »), par exemple, lancé par le gouvernement fédéral allemand, a mis à contribution 11 universités. Au départ, leurs efforts en matière d’égalité entre les hommes et les femmes étaient inexistants – « ce n’étaient que des paroles », se souvient Simone Buitendijk – des comités se sont alors formés pour prendre la question à bras-le-corps. Aujourd’hui, on considère qu’il est important d’avoir un plan pour la parité, et que cela augmente les chances des universités de recevoir des financements. « Les choses sont donc vraiment en train de changer en Allemagne. Tout le contraire de ce qu’il se passe aux Pays-Bas », ajoute-t-elle, où une autre initiative pour l’excellence a été lancée et prend en compte sept critères d’évaluation ; le genre ne figure pas dans la liste de ces critères. « Aucune mesure incitative n’a été mise en œuvre au niveau national. Cela représentait pourtant vraiment une occasion pour le gouvernement de faire bouger les lignes ».

Les gouvernements ne sont pas les seuls à pouvoir faire pencher la balance sur la question de la parité, souligne la LERU dans son rapport. Les instituts de financement de la recherche, par exemple, pourraient rallonger les périodes de financement pour rendre ces carrières plus attrayantes et plus faciles à concilier avec les autres obligations de la vie quotidienne. Dans une approche plus directe, de nombreuses universités membres de la LERU proposent des programmes de conseil et d’accompagnement qui s’adressent en général spécifiquement aux femmes. À l’université d’Utrecht, aux Pays-Bas, « les femmes universitaires sont invitées, lorsqu’elles prennent leurs fonctions, à traiter de problématiques liées à l’évolution de leur parcours dans le monde universitaire. Leurs tuteurs individuels sont des professeurs de sexe masculin… Mais cela représente un apprentissage encore plus riche pour les tuteurs que pour les femmes qu’ils encadrent : [ils découvrent] les obstacles auxquels doivent faire face ces femmes ambitieuses ».

Des mesures d’aménagement du congé maternité peuvent donner à la carrière d’une femme dans la recherche une souplesse essentielle. Le rapport de la LERU indique que l’université d’Oxford au Royaume-Uni dispose de l’un des régimes de maternité les plus généreux de l’enseignement supérieur –les femmes peuvent prendre jusqu’à une année de congés, en accumulant les périodes de congés payés et de congés sans solde-, et que d’autres universités traitent des problèmes très précis rencontrés par les femmes scientifiques qui ont des enfants. En Belgique, KU Leuven permet aux femmes qui viennent d’accoucher de prolonger leur financement jusqu’à la session suivante de candidatures pour l’obtention de bourses, évitant ainsi le fossé qui devrait normalement se créer. À LMU München (Allemagne), lorsqu’une femme enceinte ne peut pas continuer à travailler en laboratoire pour des raisons de sécurité, son département peut demander des fonds pour couvrir son remplacement avant même que le congé maternité de celle-ci n’ait commencé.

La transparence et le suivi sont deux outils importants pour réussir à déployer tout type d’effort en matière d’égalité. L’équité salariale, par exemple, devrait faire l’objet d’évaluations régulières et publiques, comme ce qui est fait dans les universités de Cambridge et d’Édimbourg (Royaume-Uni). Les membres du réseau de la LERU comptent aller encore plus loin en partageant leurs résultats sur les expériences qui ont été réalisées en matière d’équilibre entre les hommes et les femmes et en s’engageant dans un programme unique de suivi conjoint. Cela permettra à chacun de s’inspirer des meilleures pratiques des autres, et constituera potentiellement un outil d’incitation : si une université commence à se retrouver à la traîne par rapport aux autres, explique Simone, cela pourrait servir de motivation pour s’améliorer.

Quant à la prise en compte du genre dans la recherche en elle-même, Simone Buitendijk estime qu’il s’agit, en partie, d’un moyen efficace pour inciter les gens à se lancer dans une réflexion sur la question du genre « sans les effrayer et sans les conduire à remettre trop en question leurs propres préjugés ». Il ne faut pas oublier cependant que sa place dans la recherche scientifique est somme toute naturelle, car le genre est un facteur qui peut conduire des erreurs s’il n’est pas pris en compte au moment de réaliser une expérience. De fait, l’université de Strasbourg encourage son personnel à prendre part à un recensement national organisé par le CNRS qui s’adresse aux équipes intégrant une dimension sexospécifique à leur recherche. Les éditeurs peuvent également participer au développement de cet angle d’approche supplémentaire de la recherche, lorsqu’ils le jugent pertinent, en l’incluant dans leur politique relative aux publications scientifiques.

 

Simone Buitendijk, Vice-Recteur, Université de Leiden (Crédit: Jeroen Oerlemans / Folia.nl)
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Avec ces mesures dont le nombre ne cesse d’augmenter, dont la portée est de plus en plus grande, et qui reçoivent un soutien grandissant, “J’ai vraiment l’impression que les choses sont en train de changer”, se félicite le Dr. Buitendijk. « J’ai aussi l’impression qu’il y a tant à faire » ! Certes, il reste encore beaucoup à faire, mais Simone perçoit au sein de l’UE et de nombreuses universités une volonté de s’attaquer aux solutions, et d’éviter de prendre plus de retard. En ce moment-même, les dirigeants sont réunis à Bruxelles pour le 2ème Sommet européen sur le genre et réfléchissent aux stratégies à mettre en œuvre pour améliorer la recherche et l’innovation à travers l’égalité entre les hommes et les femmes. Elle sait que le moment viendra où « Bruxelles va aborder la question avec les universités. Je vais commencer à l’aborder avec mon université dès maintenant, au lieu de réinventer la roue. Nous savons déjà comment résoudre le problème de l’égalité entre les hommes et les femmes ». « Ces arguments sont similaires à ceux qui concernent l’Open Access, les races, la diversité sous toutes ses formes », ajoute-t-elle. « Il s’agit ici de faire de l’université ce que l’on veut qu’elle soit ».

 

En savoir plus :

 

Le rapport de la LERU, “Women, research and universities: excellence without gender bias” (PDF) http://www.leru.org/files/publications/LERU_Paper_Women_universities_and_research.pdf STAGES – Structural Transformation to Achieve Gender Equality in Science: a project “to launch structural change strategies addressing the problem of gender inequality in science” http://cfa.au.dk/forskning/forskningsprojekter/stages/

La charte d’Athena SWAN Charter pour les femmes en science : Recognising commitment to advancing women’s careers in STEMM academia http://www.athenaswan.org.uk/

La mission “Egalités-Diversité” de l’Université de Strasbourg http://www.unistra.fr/index.php?id=2971 La Mission pour la place des femmes au CNRS http://www.cnrs.fr/mpdf/

La Parité dans les métiers du CNRS 2010 (PDF) http://www.cnrs.fr/mpdf/spip.php?article225

 

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