Les systèmes de santé en Afrique sub-saharienne reflètent un contexte de sous-développement général, tant du point de vue des équipements que de l’information. L’étude de ce système, pour définir les paramètres déficients, est nécessaire à l’amélioration de leur efficacité. En s’intéressant aux chiffres et à quelques indices décrivant l’état actuel, cet article livre un aperçu des démarches à pratiquer pour offrir aux habitants des pays d’Afrique sub-saharienne l’accès au soin et à l’information sanitaire.
L’auteur de cet article nous propose ainsi un nouveau point de vue sur l’évolution des systèmes sanitaires africains. Nous vous conseillons de lire le premier article de Mahmoud BenJeddou publié en juillet 2011 sur MyScienceWork et traitant de l’utilisation des réseaux de communication mobiles et sans-fil pour l’émergence d’un système de santé dans les régions rurales ou isolées : Pervasive Mobile Healthcare System Based on Cloud Computing
Le « healthcare » ou « système de santé » se caractérise par l’ensemble des opérations liées à la prévention sanitaire et au maintien du bien-être physique, mental et social. Il désigne l’ensemble des services de santé dispensés par des spécialistes, des médecins mais aussi des chercheurs. Les systèmes de santé varient énormément entre les différents pays. Dans chaque pays et région, les prestataires de soins établissent des systèmes de santé basés sur une architecture centrée autour de l’utilisateur afin de répondre aux attentes des patients. Ces systèmes se composent d’une ou plusieurs applications mobiles qui s’intéressent à l’organisation, la présentation et l’analyse de l’information clinique.
Le système de santé en Afrique Sub-saharienne
L’étude des systèmes de santé est décisive pour tous pays voulant assurer la santé de ses citoyens, faire des progrès dans le domaine sanitaire et ainsi garantir une image respectable à l'égard de la communauté internationale. Différents comités de recherche scientifique et médicale tentent de cibler les thématiques liées à ces questions. L’Afrique présente un terrain riche de phénomènes et de corrélations à étudier et à visualiser. Une des finalités de ces initiatives est l’identification des différents paramètres sanitaires à améliorer pour renforcer les systèmes de santé de ces pays.
Nous allons donc nous intéresser aux chiffres liés au système de santé en Afrique. Puis nous aborderons l’importance des indices révélés et l’usage qu’il convient d’en faire.
La population africaine fait actuellement l’objet d’un mouvement démographique important. Elle représente aujourd’hui 13.8 % de la population mondiale. Néanmoins, le nombre de travailleurs dans le secteur de la santé - en Afrique - ne représente que 1.3 % des professionnels de santé dans le monde (figure 1). La cause la plus probable est le nombre de travailleurs qualifiés qui émigrent d’Afrique chaque année vers les pays développés [1] (environ 20 000 par an).
D’autres observations du paysage socio-populaire africain dévoilent une situation critique. À titre d’exemple, chaque année en Afrique sub-saharienne, environ 12 millions de personnes décèdent [2]. Les causes de décès sont en grande partie inconnues, pour la majorité des individus. L’Afrique du Sud a également été marquée par un grand nombre de décès - entre 1997 et 2002 (augmentation de 57 %). Des épidémies de sida en seraient la cause majeure [3]. Par conséquent, l'espérance de vie actuelle des africains est de 46 ans en moyenne. Elle fait partie du niveau le plus bas des pays sous-développés (figure 2) [1].
Les négligences sanitaires en Afrique se manifestent dramatiquement par la propagation de maladies menant le plus souvent à des épidémies difficiles à maîtriser. Entre 1997 et 2001, en Afrique du Sud, on a assisté à une augmentation par deux des décès dus à la tuberculose, la grippe et la pneumonie, trois infections opportunistes associées au VIH. Le nombre de décès dus à la tuberculose a augmenté de 131 % en quatre ans (évalués à 22 021 en 1997 et à 50 872 en 2001), ceux dus à la grippe et la pneumonie ont augmenté de 197 % (de 11 503 à 31 495 pendant cette même période) [3]. Une autre épidémie fréquente dans les territoires africains est la méningite méningococcique. Cette forme bactérienne de méningite affecte la membrane cérébrale causant une infection sérieuse des méninges. Elle peut causer des dégâts cérébraux sévères et est fatale dans 50 % des cas en l’absence de traitement. La zone sub-saharienne touchée par la méningite s’étend d’Ouest en Est, du Sénégal à l’Ethiopie. On y trouve les taux les plus élevés de cas de maladie. Durant la saison épidémique de 2009, 14 pays africains ont mis en place un système de surveillance améliorée. Ils ont recensé 88 199 cas soupçonnés dont 5352 décès, le plus grand nombre depuis 1996 [4].
Un nouveau système de santé pour Afrique Sub-saharienne ?
En Afrique, et particulièrement dans les zones les plus isolées, les infrastructures publiques fondamentales telles que l'électricité et l'eau sont généralement absentes. De nombreux investissements ont été mis en place et montrent une amélioration progressive et évolutive. Toutefois, le système de santé reste très limité comme le prouve l’état des matériels médicaux et le fonctionnement des équipements de laboratoires. Une réalité affligeante dans laquelle trouver un microscope opérationnel peut s’avérer très difficile. A partir des années 2000, on comptait 1 microscope pour 100 000 habitants au Malawi dont presque la moitié était hors d’usage ou nécessitait des réparations [5]. De toute évidence, un tel système médical ne peut satisfaire aux besoins des patients. De plus, des études montrent le coût élevé du système de santé en Afrique Sub-saharienne. A l’hôpital central de Kampala, en Ouganda, une moyenne de 2 flacons d'hémoculture par quartier chaque semaine sont disponibles. Les tubes de collecte de sang y sont réutilisés. Encore plus alarmant, les ponctions lombaires sont parfois effectuées à la condition que le patient achète le kit médical nécessaire [6]. A l'heure actuelle, les dépenses de laboratoires sont souvent prohibitives dans cette région où 38 % de la population vit avec moins d’un dollar américain par jour et avec un revenu national brut par habitant de 496 dollars [2]. Le Nigéria est un autre pays souffrant de l’échec de son système de santé et de la répartition inéquitable des services de soins dans la population.
Une étude évaluant l'impact des initiatives de Bamako sur la prestation des services sanitaires a montré que les personnes aisées avaient une probabilité plus élevée d'accéder aux ressources des laboratoires et aux soins dans les cliniques privées [7]. Dans la majorité des pays de l’Afrique Sub-saharienne, la décision d'envoyer un échantillon médical d’un patient à un laboratoire privé ou public varie dans une même salle de l'hôpital selon le bon vouloir du médecin, le statut socio-économique du patient et la réputation du laboratoire.
L’accès coûteux aux laboratoires médicaux n’est pas l’unique obstacle pour acquérir un système de santé correct en Afrique Sub-saharienne. La gestion médicale manque énormément de conformité et d’efficacité. Dans les hôpitaux africains, il est courant que des diagnostics basés sur des signes cliniques et des symptômes soient non spécifiques et peu fiables. Au Malawi, 40 % des patients ayant reçu un diagnostic positif à la tuberculose pulmonaire dans les hôpitaux ruraux ou de quartier recevaient ensuite un résultat négatif après examen dans un laboratoire central de référence [8]. On retrouve un cas similaire au Cameroun : suite à l’augmentation du nombre de cas de la fièvre typhoïde, une enquête menée sur une vingtaine d’établissements de soins a révélé que les performances des laboratoires étaient limitées et que des interprétations erronées de résultats étaient probablement à l’origine des erreurs de diagnostic [9]. Dans le même contexte, en Ouganda, où la fréquence de tuberculose est supérieure à 63 000 cas par an [10], le laboratoire de tuberculose national traite seulement 300 cas par mois pour l’ensemble du pays. Les tristes réalités des conditions sanitaires en Afrique continuent encore à se dévoiler. Une évaluation effectuée au sein des hôpitaux de quartier au Kenya a révélé que, malgré la disponibilité de tests hématologiques, le taux d'hémoglobine n'a pas été mesuré pour 15 % des enfants ayant une histoire clinique compatible à une anémie ou au paludisme [11]. Ces derniers exemples, au Kenya et en Ouganda, mettent en évidence un lien entre le manque de données sur les patients et le nombre important de cas non traités. L’incapacité de collecter les prélèvements nécessaires aux tests médicaux couplée à l’absence d’outils pour analyser les informations cliniques recueillies mène à une situation alarmante : difficulté de diagnostic les maladies, mauvaise prise de décisions et impossibilité de contrôler l’état de santé de la population.
En conclusion, il est incontestable de présenter le système de santé en Afrique comme déficient aussi bien sur le plan des équipements que sur celui de l’information. Deux paramètres jouent un rôle clef : une défaillance du système médical dans certains pays d’Afrique et le coût de la mise en place d’un système de santé performant. Mais est-il réalisable d’effectuer ces dépenses en Afrique ? Développer l’« information clinique » serait une solution facile à mettre en œuvre si des outils adéquats et une approche plus efficace étaient employés. L’information clinique représente un enjeu majeur. Ses techniques et modèles révèleront certainement des pistes pour améliorer les plateformes médicales et renforcer l’accès aux services de soins et la rendre accessible à tous.
Sources :
1. Vital statistics
https://www.theguardian.com/hearafrica05/statistics/0,15844,1435604,00.html
2. UNICEF. Monitoring and statistics
http://www.unicef.org/statistics/ Consulté le 3 août 2011
3. William Minter. AfricaFocus Bulletin. South Africa: Mortality Statistics, AIDS Action
http://www.africafocus.org/docs05/tac0502.php
4. World Health Organization. Meningococcal meningitis (December 2010)
https://www.afro.who.int/health-topics/meningococcal-meningitis
5. Mundy C, Ngwira M, Kadwele G, et al. Evaluation of microscope condition in Malawi. Trans R Soc Trop Med Hyg (2000). 94:583-4.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11132396/
6. Narasimhan V, Brown H, Pablos-Mendez A, et al. Responding to the global human resources crisis. Lancet (2004). 363:1469-72.
https://europepmc.org/article/med/15121412
7. Uzochukwu BS, Onwujekwe OE. Socio-economic differences and health seeking behaviour for the diagnosis and treatment of malaria: a case study of four local government areas operating the Bamako initiative programme in south-east Nigeria. Int J Equity Health (2004). 3:6.
https://equityhealthj.biomedcentral.com/articles/10.1186/1475-9276-3-6
8. Harries AD, Michongwe J, Nyirenda TE, et al. Using a bus service for transporting sputum specimens to the Central Reference Laboratory: effect on the routine TB culture service in Malawi. Int J Tuberc Lung Dis (2004). 8:204-10.
9. Nsutebu EF, Ndumbe PM, Koulla S. The increase in occurrence of typhoid fever in Cameroon: overdiagnosis due to misuse of the Widal test? Trans R Soc Trop Med Hyg (2002). 96:64-7.
https://academic.oup.com/trstmh/article-abstract/96/1/64/1871121?redirectedFrom=fulltext
10. World Health Organization (WHO). Global tuberculosis control in Uganda. Geneva: WHO (2004)
http://www.who.int/tb/publications/global_report/2004/en/Uganda.pdf Consulté le 5 août 2011
11. English M, Esamai F, Wasunna A, et al. Assessment of inpatient paediatric care in first referral level hospitals in 13 districts in Kenya. Lancet (2004). 363:1948-53.