Militante universitaire et féministe, Diana E.H. Russell a consacré sa vie aux luttes, défendant les victimes de viols et d’incestes. Elle était aussi farouchement opposée à l’industrie pornographique. Elle est à l’origine du terme “féminicide”, qu’elle définit comme un “meurtre à mobile misogyne motivé par la haine, le mépris, le plaisir ou le sentiment d’appropriation des femmes”. Croisement des termes “féminin” et “homicide”, la politisation du sujet met en avant le fait que la misogynie mène à des crimes mortels. Elle utilise ce mot pour la première fois au Tribunal international des crimes commis contre les femmes à Bruxelles en 1976.
C’est le 6 novembre 1938 au Cap, en Afrique du Sud, que naît Diana Russell. Après l’obtention de son bac à l’université du cap, elle part étudier les sciences sociales à la London School of Economics and Political Science. En 1963, elle est admise à Harvard, où elle étudie la sociologie et les mouvements révolutionnaires et consacre une partie de ses études au mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud. En 1989, après avoir rencontré de nombreuses militantes, elle publie un ouvrage "Vies de courage : femmes pour une nouvelle Afrique du Sud”, aujourd’hui cité plus de 150 fois dans d’autres publications.
Auteure très prolifique, elle est à l’origine du premier livre scientifique sur l’inceste, “le traumatisme secret” sorti en 1986. Véritable ouvrage de référence sur le sujet, le livre est cité aujourd’hui dans plus de 3000 articles scientifiques. Dans une autre étude de 1984 qui repose sur une interview de 930 femmes, l’auteure a montré que parmi les femmes ayant vécu leur enfance auprès de leur père biologique, une sur quarante est molestée sexuellement par son père, et cette probabilité monte à une sur six si la femme a vécu avec un beau-père.
Féminicide
Le terme est retranscrit pour la première fois en 1992 dans l’ouvrage “féminicide, l’aspect politique du meurtre de femmes”, qu’elle a écrit avec Jill Radford. Leur article est aujourd’hui cité aujourd’hui près de 1000 fois.
Le féminicide est défini comme la forme la plus extrême de violences et de discrimination à l’agard des femmes et des filles. Le terme n’a pas exactement le même sens dans les différents pays : en Amérique latine le terme “feminicidio” est utilisé pour décrire la façon dont les gouvernements ne réagissent pas aux meurtres de femmes. Au niveau international, il désigne de manière plus générale le meurtre de femmes et de filles. Bien que cette dernière définition soit large pour englober le fait que parfois, des femmes sont impliquées dans ces meurtres, il est admis que les hommes sont les principaux auteurs des féminicides, et que la plupart sont commis par des partenaires masculins.
Les féminicides peuvent revêtir différentes formes, que ce soit des féminicides en conflit armé, des féminicides associés (où la femme est un “dommage collatéral”), des féminicides lié à la dot, basés sur l’honneur, liés à la mutilation génitale, lesbophobes, racistes, etc.
Image : nombre de féminicides répertoriés en france depuis 2010
En France, il n'existe pas d'observatoire officiel des féminicides. En 2006, l'Institut médico-légal de Paris publie une enquête qui montre que les meurtres de femmes sont réalisés dans 85 % des cas par leur mari, proche ou partenaire. En 2018, un tiers des 121 femmes tuées avait auparavant déposé une plainte ou une main courante.
La création du terme féminicide est d’une importance capitale pour vraiment énoncer, et donc lutter contre ce phénomène.
Image : Diana E.H. Russell, militante féministe de renommée mondiale
Diana Russell passe toute sa vie à lutter contre les crimes envers les femmes au travers d’études scientifiques. Pendant 45 ans, elle écrit de nombreux livres sur le viol, les incestes, la pornographie, et les féminicides. C’est aussi une militante de terrain, active aussi bien dans les manifestations féministes aux Etats unis, en Afrique du Sud et en Europe. Elle a été à l’origine de tags de slogans féministes et de destruction de revues pornographiques.
En 2001, elle reçoit le prix de l'héroïne humaniste de l'American Humanist Association. Elle nous quitte le 28 juillet 2020 à l’âge de 81 ans aux Etats-Unis.
Référence :
Russell, Diana EH. "The prevalence and seriousness of incestuous abuse: Stepfathers vs. biological fathers." Child Abuse & Neglect 8.1 (1984): 15-22.