Des équipes de recherche établissent des modèles pour anticiper le comportement du feu. Les informations délivrées par ces simulations sont précieuses dans la lutte continuelle des sapeurs pompiers contre les feux de forêt.
This article also exists in English as: Fighting Fire with Mathematical Models. It was translated from French by Timothée Froelich.
25 000 hectares de forêt sont incendiés chaque année en France. Pour mieux lutter contre les feux de forêt, des équipes de recherche multidisciplinaires utilisent des modèles mathématiques. Ces simulations numériques permettent de mieux comprendre le feu et connaître la dynamique du territoire.
Anticiper le comportement du feu
La modélisation d’un feu de forêt est une représentation mathématique d’un feu. « Elle permet de voir comment un feu évolue par rapport à différents paramètres du terrain » résume Lucile Rossi, maitre de conférences en traitement du signal à l’Université de Corse. Les modèles utilisés sont simplifiés et prennent en compte les caractéristiques chimiques des végétaux mais également la vitesse du vent et l’inclinaison du terrain. « Nous avons fait le choix de ne pas utiliser un modèle statistique mais un modèle plus proche des processus physiques impliqués dans les incendies » explique Eric Rigolot, directeur adjoint de l'unité de recherche écologie des forêts méditerranéennes de l’INRA. De ces modèles mathématiques sont tirées des simulations numériques qui permettent de prédire l’intensité (flux de chaleur et température), la vitesse et la direction d’un feu donné.
La modélisation des feux de forêt intègre aussi bien des paramètres sur la végétation, la topologie ou les conditions climatiques d’un feu.
Crédits image : Wikimedia Commons/Cameron Strandberg
Les chercheurs travaillent sur des données pratiques afin de comparer la simulation avec la réalité. « On expérimente en laboratoire mais également en milieu naturel » décrit Lucile Rossi. Les scientifiques disposent des caméras qui enregistrent dans le domaine du visible et de l’infrarouge autour d’un feu déclenché. En stéréovision, dispositifs où deux caméras enregistrent la même image selon un axe différent, l’équipe de l’Université de Corse fait même de la modélisation en trois dimensions. « La modélisation 3D permet de décrire l’angle des flammes par exemple alors que le 2D ne donne que l’empreinte au sol » décrit Lucile Rossi.
Une aide précieuse pour lutter contre les incendies
La modélisation génère une quantité d’informations utiles aux sapeurs pompiers. Elle permet de mieux adapter le déploiement et les moyens de lutte contre les incendies. « On connait mieux les points stratégiques où le feu est faible » explique Lucile Rossi. Il s’agit par exemple d’adapter le largage des canadairs en fonction de la concentration de chaleur rayonnée par le feu. D’un autre côté ces connaissances peuvent se coupler au savoir-faire local d'utilisation du feu. Cette technique, utilisée traditionnellement par les éleveurs et génératrice d'incendies quand elle est mal maîtrisée, consiste à déclencher un feu sur une parcelle pour la débroussailler et prévenir les futurs feux. « Il est dans l’intérêt commun des pompiers et des agriculteurs de mettre les brûlages dirigés aux mains de professionnels formés et équipés » assure Eric Rigolot.
Modélisation Fireflux d’un feu de prairie. Crédits Vidéo : Jean Batiste Filippi/Fireflux
D’autres feux sont déclenchés par les chercheurs pour expérimenter sur le terrain. Pour transporter les équipements jusqu’aux parcelles, les chercheurs louent les services d’un hélicoptère. « Cela demande un budget important surtout que nous avons également besoin de matériel mobile et résistant aux fortes chaleurs. Nous ne pouvons pas expérimenter autant que nous le souhaiterions car ces déplacement prennent beaucoup de temps et d’argent » déplore Lucile Rossi.
Un domaine multidisciplinaire
Pour prendre l’ensemble des paramètres de terrain en compte dans les modèles, ce domaine a besoin d’être multidisciplinaire. Les équipes de mathématiciens, physiciens, chimistes ou encore écologues travaillent en parallèle pour améliorer la compréhension de l’entièreté du phénomène du feu jusqu’à son effet sur les écosystèmes.
Un axe de recherche prometteur consiste à étudier les composés organiques volatils (COV). Ces composés chimiques rejetés par la plante sont largement consumé par le feu. Une hypothèse est que ces composés seraient responsables de phénomènes de saute de feu. Certains végétaux, stressés au passage du feu, relargueraient massivement ces molécules organiques qui attiseraient le feu. Si elle s’avère vraie, cette hypothèse permettrait d’améliorerait grandement les simulations et la maitrise des feux de forêts !
Pour aller plus loin :
Sites du projet européen Fireparadoxe et de modélisation en stéréovision Firevision.
Modélisation des feux de forêt, Mathématiques pour la planète Terre 2013.