Et si certains arbres pouvaient nous aider à accélérer la régénération des forêts tropicales et à améliorer le rendement des poumons de notre planète ? Une étude panaméenne publiée dans la revue Nature laisse entrevoir la possibilité d’exploiter un procédé naturel complexe pour combattre le réchauffement climatique.
50 % des forêts tropicales sont des forêts secondaires. (Credit: Tatters)
Les légumineuses, ou Fabacées, sont connues depuis le début du XXe siècle pour leur capacité à fixer l’azote atmosphérique. Bien que l’atmosphère soit constitué à 78% de cet élément, l’azote reste l’élément nutritif qui limite le plus la production végétale. La raison de ce paradoxe est qu’il n’existe pas de plantes capables d’assimiler l’azote atmosphérique (diazote). En revanche, une petite partie d’entre elles, dont les légumineuses, peuvent s’associer en symbiose avec des micro-organismes capables, de transformer la molécule d’azote de manière à la rendre assimilable par la flore. C’est ce qu’on appelle la fixation biologique de l’azote atmosphérique.
Ce procédé biochimique consiste à briser le lien très stable qui maintient les deux atomes du diazote (N2) et à incorporer ces derniers dans des composés nitriques ou ammoniacaux pour produire de l’engrais naturel. Les légumineuses sont la famille de plantes dont le procédé de fixation est le plus connu. Elles comprennent des spécimens tels que les pois, les graines de soja mais aussi la luzerne, le trèfle ou en l’occurrence des légumineuses arbustives pouvant pousser en zone tropicale.
Si le précieux procédé biologique de cette famille végétale est désormais bien connu, c’est un aspect nouveau et prometteur de ce système qui a été mis à jour par l’équipe de chercheurs à l’origine de la publication. Dans les zones de reforestation tropicale, ces arbres seraient capables de booster leur production de nutriments et ainsi de compenser les carences du sol. Une réponse naturelle et intelligente aux besoins de la flore locale en somme.
Cette étude qui a nécessité le concours de chercheurs de plusieurs universités prestigieuses tels que Princeton ou Yale est la toute dernière découverte du projet « Agua Salud » de l’Institut Tropical de Recherche du Smithsonian (STRI) au Panama. Ce projet vise à comprendre et à évaluer les avantages écologiques, sociaux et économiques de la région du canal du Panama. Dans leur toute dernière étude, le groupe de chercheurs a comparé la biomasse de différentes zones de la forêt dont la végétation est plus ou moins ancienne, et la proportion d’azote produite par les arbres fixateurs d’azote présents dans ces zones. Les résultats obtenus leur ont permis de mettre en évidence une croissance particulièrement rapide des zones les plus jeunes, là où la forêt avait auparavant été rasée puis laissée à l’abandon. Selon les chercheurs, les espèces d’arbres capables de fixer l’azote produisent assez d’engrais azoté pendant les 12 premières années de repousse pour leur permettre à elles et aux arbres alentour de stocker l’équivalent de 40% du carbone présent dans les forêts matures. « Il s’agit de la première démonstration solide de l’influence du procédé de fixation de l’azote par des arbres tropicaux sur le taux de récupération de carbone après une déforestation » souligne Jefferson Hall, un scientifique du STRI, dans le communiqué de presse. « Ces forêts sont intélligentes », souligne Sarah Batterman, l'une des auteurs de l'étude, « Les arbres fixateurs réagissent naturellement à un manque d'azote. C'est comme si ces plantes avaient un cerveau! »
50% des forêts tropicales de la planète ont déjà été rasées. Les implications d’une telle découverte incluent la possibilité d’appliquer ces résultats à un projet de diminution du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, et par conséquent, de ralentissement du réchauffement planétaire. « Il est possible de favoriser une reforestation plus rapide en introduisant, ou en s'assurant de la présence, des arbres fixateurs d'azote dans les zones en question », explique Sarah Batterman. Une bonne nouvelle mais qu'il convient de modérer, car même si « chaque tonne de carbone se trouvant dans la végétation ou les sols plutôt que dans l'atmosphère est toujours bonne à prendre », comme le souligne un biologiste canadien spécialiste du procédé, Xavier Cavard, « il faut aussi rester conscient que la quantité de carbone qui peut être ainsi restockée dans les forêts reste largement inférieure aux émissions industrielles. »