L’addiction au sexe est une pathologie controversée. Nombreux sont les cas de personnes célèbres qui, éclaboussées par un scandale sexuel, se sont déclarées addictes au sexe. Entre 3 et 6% de la population serait atteinte de ce trouble. Si elle n’est pas considérée comme une addiction au sens clinique du terme, la dépendance au sexe fait des dégâts.
Qu’est-ce qu’être dépendant au sexe ?
L’addiction au sexe est une perte de contrôle d’un comportement sexuel. Elle revêt multiples formes : masturbation compulsive, dépendance à la pornographie, etc. Le terme est flou et est parfois utilisé pour décrire des comportements de séduction obsessionnelle sans passage à l’acte ou de fixation chimérique sur une personne inatteignable. L’addiction au sexe n’est pas une nouvelle pathologie mais elle est encouragée par la grande accessibilité de contenus pornographiques sur le net.
« Les sex addicts utilisent le sexe comme un support pour ne pas souffrir. Il agit pour eux comme un shoot », décrit Laurent Karila, psychiatre et addictologue spécialiste en addictions sexuelles à Villejuif. La dépendance au sexe touche plus les hommes que les femmes mais le nombre de ces dernières pourrait être sous-estimé comme elles ont moins tendance à consulter pour ce motif. Yann Hodé explique qu’« une définition américaine caractérise une hypersexualité à partir de 7 orgasmes par semaine pendant plus de 6 mois et à partir de une à deux heures par jour de paraphilie, mais en réalité, il n’y a pas de norme ». En effet, d’autres critères associés à cette hypersexualité, comme la perte de temps et d’argent, sont à prendre en compte pour définir une addiction.
Une addiction controversée
Comme les addictions dites comportementales (achats compulsifs, addiction aux jeux d’argent, etc.) l’hypersexualité n’est pas considérée comme une maladie au sens clinique du terme mais comme un trouble obsessionnel compulsif. Une proposition d’ajout de cette addiction dans le DSM-V, manuel de diagnostique des troubles mentaux, a même été rejetée en avril dernier. Pourtant, selon Yann Hodé, psychiatre et neurobiologiste à Rouffach, « il suffit de remplacer le terme produit [ndlr substance comme tabac, alcool, cocaïne etc.] par le terme comportement dans les définitions officielles pour avoir celle d'une addiction comportementale. »
Une étude récente publiée sur Socioaffective Neuroscience & Psychology [disponible sur MyScienceWork] compare la réponse encéphalographique de personnes addictes au sexe en présence et absence d’images pornographiques. Comme dans le cas des drogues, « si ces personnes présentaient une accoutumance, leur [réponse] aux stimuli sexuels devrait diminuer au cour de l’expérience », expliquent les chercheurs de l’étude. Les résultats montrent que ce n’est pas le cas. La réponse du cerveau continue d’augmenter. La conclusion de cette étude est que l’hypersexualité s’apparente plus à un désir sexuel élevé qu’à une addiction.
L’enfer du sexe
Qu'elle soit considérée comme un trouble mental ou non, l’addiction au sexe fait souffrir. Le désir puis le passage à l’acte suscitent honte, culpabilité et désespoir chez les sex addicts et peut rapidement déboucher sur une dépression. Ces comportements augmentent le risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles : « Ils sont dans une situation d’envie urgente et vont prendre davantage de risques pour consommer », explique Laurent Karila.
Addiction au sexe
Crédit image : MyScienceWork
Les sex addicts vivent souvent leur vie sexuelle en parallèle avec leur vie quotidienne. « Les personnes addictes ont une vision en permanence parasitée par leur envie », rappelle Laurent Karila. Leurs proches en souffrent et leur travail en pâtit. Les problèmes de couple sont à l’origine de 80% des motifs de consultation. Leur addiction leur prend énormément de temps et d’énergie. « Certains sex addicts peuvent tourner au bois de Boulogne pendant 5, 7… 10 heures avant de passer à l’acte », confie Laurent Karila.
Vers un traitement efficace ?
Les scientifiques ont du mal à prouver l’efficacité des traitements sur l’addiction sexuelle. « Si c’était seulement une question d’hormones, ça ferait longtemps qu’il n’y aurait plus d’addiction sexuelle ! », s’exclame Laurent Karila. Les traitements commencent par une thérapie comportementale et une thérapie de couple selon la situation. Ces thérapies sont souvent accompagnées d’un traitement médicamenteux à base d’antidépresseurs utilisés hors indication pour réduire le désir sexuel. « Bien évidemment, on ne vise pas l’abstinence totale », explique Laurent Karila ; « on est sur un travail de réduction des risques.» A la fin du traitement, une thérapie analytique permet de sonder l’origine du comportement.
Les personnes sont inégalement vulnérables à la dépendance sexuelle. « Quelqu’un qui a été abusé sexuellement dans son enfance, ou confronté à des images sexuelles très tôt sera plus vulnérable une fois adulte. Mais rien ne permet vraiment de prédire ce type de comportement », rappelle Laurent Karila.
Pour aller plus loin :
Accro ! : Nouvelles addictions : sexe, Internet, shopping, réseaux sociaux, Laurent Karila, Annabel Benhaiem.
Hypersexualité: choix de vie ou pathologie?, Slate.
Synthèse des journées grand public sur le thème des addictions 2013, Fédération pour la recherche sur le cerveau.
Sur MyScienceWork :
Mieux comprendre les neurones de l'apprentissage et de l'addiction aux drogues