Covid-19 et quarantaine alternée : interview du Pr. Barzel

Alors que l’Israël a déjà connu son troisième confinement, le Dr. Baruch Barzel, physicien et mathématicien de l’Université Bar-Ilan propose dans son nouvel article “Alternating quarantine for sustainable epidemic mitigation” une alternative aux quarantaines strictes. L’interview est aussi disponible sur la chaîne youtube de MyScienceWork.

Q.1 : Pouvez-vous d’abord vous présenter en quelques mots? 

Mon nom est Baruch Barzel, je suis professeur de mathématiques appliquées à l'université de Bar-Ilan en Israël. Je travaille aujourd’hui sur la science des réseaux.

 

Q.2 : Votre nouvel article “Alternating quarantine for sustainable epidemic mitigation”, de quoi parle-t-il ?

Lorsque la pandémie a éclaté et que nous étions tous confinés en Israël, tous les laboratoires se sont réunis pour réfléchir à des moyens originaux de nous sortir de ce pétrin. Et nous avons trouvé une idée très simple, mais très efficace. L'idée est la quarantaine alternée. Il s’agit de diviser la population en deux groupes : un groupe rouge et un groupe bleu. Ensuite, ces groupes alternent entre activité et quarantaine, en succession hebdomadaire.

 

Q.3 : Comment cette méthode est-elle censée réduire la transmission du Covid-19 ? 

Tout d'abord, si vous divisez la population en deux groupes qui ne se croisent jamais, vous obtenez des classes, des bus, des lieux de travail qui sont tous à moitié remplis. Cela entraîne moins d’interactions, donc moins de transmission.

Et puis, chacun de ces groupes ne travaille qu’une semaine à la fois, ils ne se croisent jamais, cela diminue encore le risque de transmission.

Mais le gros problème ici, c’est que les gens peuvent être malades sans même le savoir. Car pendant la première semaine de maladie chez le patient, celui-ci ne montre pas de symptômes, pourtant il peut propager le virus autour de lui. Avec la mise en place de la quarantaine alternée, si une personne tombe malade à la fin de sa semaine de travail, ce n’est pas grave si elle met quelques jours à montrer ses premiers symptômes. Car pendant ce temps, la deuxième semaine a commencé, et le patient est confiné à la maison. Il ne peut plus propager le virus.

 

Q.4 : Concrètement, comment on met cette méthode en place ? 

Il y a trois facteurs à prendre en compte pour cela.

 

Le premier est : que se passe-t-il si les gens ne coopèrent pas ? Je veux dire que nous savons que les gens trichent. Lorsque nous avons simulé la quarantaine alternée dans nos études, nous avons pris cela en compte. Nous avons montré que même si dix, quinze, voire vingt pourcent de la population ne respecte pas la quarantaine alternée, la méthode reste toujours viable pour stopper la transmission.

 

Maintenant, la deuxième chose que les gens demandent souvent est comment diviser la société à l’échelle de tout un pays. Comment diviser toute une population en deux groupes, et s’assurer qu'il n'y a pas d'infection croisée entre ces groupes ?

Imaginez qu'Israël décide d’appliquer la quarantaine alternée. Le pays doit nous donner un peu de temps pour nous organiser, fixer une date de début de la quarantaine deux semaines plus tard. Au début, les groupes sont répartis en fonction des foyers. Puis on créé un site web, dans lequel est écrit dans quel groupe, rouge ou bleu, nous sommes. Pendant ces deux semaines de battement, si pour une raison quelconque, je veux passer du rouge au bleu, c'est possible ! Tout ce que je dois faire, c'est me connecter au site web et les informer du changement.

Les deux semaines sont passées, personne ne peut plus changer et nous pouvons commencer la routine.

 

Enfin, comment peut-on être si flexible sur les changements de groupe ? C'est parce que je n'ai pas besoin d'une répartition exacte. Si à la fin du processus, 47 % de la population est dans le groupe bleu 53 % dans le rouge par exemple, la quarantaine alternée marche tout aussi bien.

 

Q.5 : Cette méthode a-t-elle été utilisée dans certains pays ?

Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que l’article a suscité beaucoup d'intérêts de la part des médias et des politiques. Je pense que nous avons parlé avec 14 ou 15 gouvernements différents qui ont exprimé leur intérêt pour cette question. Mais au final, nous avons appris quelque chose sur les différences entre la politique et la science. Aucun pays n'a mis en œuvre cette stratégie au niveau national comme nous l'espérions.

 

Q.6 : Un mot pour la fin ?

Nous savons aujourd'hui que dans notre monde interconnecté, la prochaine pandémie n'est qu'une question de temps. Pour le Covid-19 nous improvisons tous. Pour le prochain virus, nous aurons déjà pensé à un plan avec tous les détails et comment le mettre en œuvre. Nous aurons l’idée de la quarantaine alternée dès le début, il nous suffira d'appuyer sur le bouton pour mettre la machine en route.