Community Spotlight : Nicolas Authier

Le cannabis.. stupéfiant remède !

MyScienceWork était présent le 5 octobre dernier à l'événement S3Odeon, à Paris. Durant des pitchs de 7 minutes, des intervenants de tous bords se sont succédés afin de présenter au public attentif les sujets les plus pointus en matière de science, de santé, et de société.

M. Nicolas Authier, président du Comité des Stupéfiants et Psychotropes de l’ANSM nous y a parlé du cannabis thérapeutique et de son potentiel en tant que remède. Nous avons pu approfondir le sujet avec lui. Le cannabis a mauvaise presse, on lui connaissait l’utilisation récréative et ses effets sur le cerveau, ou en microdoses pour stimuler la créativité et la réflexion. Ici nous parlerons de son effet thérapeutique. Rassurez-vous, personne n’en a pris avant d’écrire cette chronique (ou si peu).

 

MyScienceWork : Quel avenir pour le cannabis thérapeutique en France pour les prochaines années ? 

Nicolas Authier : Tout d’abord une expérimentation nationale, pilotée par l’agence nationale de sécurité du médicament ANSM, permettant un accès à 3000 patients devrait débuter courant 2020. Elle a vocation à évaluer les modalités d’accès à ces médicaments de même que l’adhésion des professionnels de santé et des patients à ce dispositif. Des premières données scientifiques française seront aussi collectées. Cette expérimentation ne vise pas à faire la preuve de la pertinence de l’usage du cannabis médical dans les indications retenues qui ont été préalablement validées sur les données scientifiques publiées et le retour expérientiel des patients mais aussi d’autres pays déjà engagés dans cet usage. Au-delà de ces deux années d’expérimentation, il se posera la question de pérenniser cet accès. Bien entendu, en fonction des avancées scientifiques sur le sujet, d’autres indications pourraient être discutées (troubles anxieux, schizophrénie …). Au-delà de leur accès, la question aussi du remboursement de ces médicaments, qui seront pris en charge pendant l’expérimentation, devra être posée rapidement pour assurer aux patients tirant un bénéfice significatif de ces produits, la poursuite de cette thérapeutique. Enfin, Ces deux années pourraient permettre de structurer la création d’une filière française de production de ces médicaments à base de cannabis.

MSW : Quelles sont les maladies concernées ?

NA : Cinq situations cliniques sont concernées par l’expérimentation d’accès aux médicaments à base de cannabis.

-Les douleurs chroniques neuropathique, c'est-à-dire consécutives au mauvais fonctionnement d’un nerf voire d’une lésion nerveuse. Cela quelle que soit la cause de ce dysfonctionnement douloureux.

-Les douleurs liées à des contractions musculaires anormales dans les atteintes du système nerveux central (cerveau ou moelle épinière). Cela peut être le cas par exemple dans la sclérose en plaque, suite à un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme médullaire (de la moelle épinière).

-Certaines formes d’épilepsies résistantes aux médicaments pourront aussi bénéficier de ces prescriptions.

-Dans certaines complications liées au cancer ou aux chimiothérapies anticancéreuses (perte d’appétit, perte de poids, douleurs …), le cannabis peut aussi présenter un intérêt.

-Et enfin, des patients bénéficiant de soins palliatifs, avec ou sans cancer, pourront aussi être traités. Pour toutes ces situations, le cannabis ne pourra être prescrit qu’après échec ou une mauvaise tolérance des thérapeutiques disponibles et accessibles.

 

MSW : Pourquoi, malgré un besoin flagrant, l’utilisation est toujours controversée ? 

NA : Deux raisons principales peuvent être identifiées. La première est relative à des niveaux de preuves scientifiques peu élevés concernant le rapport bénéfice – risque de ces médicaments à base de cannabis. Bien que de nombreux patients rapportent un soulagement, notamment dans les cinq indications évoquées précédemment, il est encore difficile de montrer sur un plan populationnel avec des études cliniques conventionnelles l’intérêt du cannabis médical. C’est d’ailleurs pour cela que ces prescriptions seront réservées aux patients dont la souffrance n’est pas soulagée et pour lesquels la médecine se doit de proposer d’autres stratégies thérapeutiques en les encadrant pour les sécuriser et mieux les évaluer.

La seconde est liée au statut de stupéfiant illicite du cannabis et à son usage non médical très largement répandu en France. Cela peut rendre plus difficile à concevoir qu’une plante considérée comme une drogue puisse aussi, avec une finalité (thérapeutique) et une modalité d’usage (non fumée), être un traitement. Néanmoins, plus de neuf français sur dix sont favorables à la proposition d’un accès à des médicaments à base de cannabis. Lors de la mise en place de l’expérimentation française d’accès au cannabis médical, il sera d’autant plus important de réaliser une information du grand public permettant de le différencier, en termes de finalités et de risques, de son usage non médical.

 

Pour plus d’information sur le la molécule de cannabis et ses effets, voici trois articles en libre accès sur notre plateforme de publication :