Les boîtes quantiques (quantum dots) sont des matériaux dont la très petite taille (<10 nm) permet le confinement des électrons dans une unique dimension. Ces nano-cristaux 1D, aussi appelés points quantiques, ont de nombreuses applications (transistors, cellules solaires, LED). Une étude, publiée dans Nature, démontre qu’il est possible de programmer l’auto-assemblage de plusieurs boîtes quantiques grâce à la structure de l’ADN ce qui permet l’obtention de nouveaux complexes quantiques aux propriétés inédites.
L’équipe de recherche du département des sciences pharmaceutiques et du département d’ingénierie électrique et informatique de l’université de Toronto (Canada) présente une méthode innovante d’auto-assemblage de complexes dont les briques de base sont des boîtes quantiques. Plusieurs types de complexes ont ainsi inpu être obtenus par l’équipe de recherche, notamment un complexe assez sophistiqué en forme de croix et contenant pas moins de 3 espèces différentes de boîtes quantiques. Les boîtes quantiques isolées ont déjà de nombreuses applications car leurs propriétés optiques et électroniques sont modulables grâce au contrôle de leur taille. Des complexes composés de différentes sortes de boîtes quantiques, et dont les propriétés seraient modulables, pourraient fournir la base de nombreuses technologies innovantes.
Pour obtenir ces complexes de boîtes quantiques, l’équipe de chercheurs a synthétisé des boîtes quantiques de tellurure de cadmium (CdTe) dont la surface peut être fonctionnalisée grâce à de l’ADN. Ils ont donc été capables de produire des boîtes quantiques en contrôlant la surface susceptible de contenir des sites de liaisons, celle-ci pouvant contenir de 1 à 5 sites de liaisons. Des brins d’ADN ont ainsi été insérés au niveau des sites de liaison comme ligands entre les différentes boîtes quantiques constituant les briques du complexe.
Des complexes de nanomatériaux avaient auparavant déjà été synthétisés en utilisant les propriétés de la structure de l’ADN. Néanmoins, les propriétés des complexes ainsi obtenus n’avaient montré que peu de différence par rapport aux propriétés des nano-composants isolés. En outre, des complexes similaires de boîtes quantiques avaient aussi été obtenus auparavant mais le contrôle de leurs propriétés était très faible, limitant ainsi leur utilisation. Dans cette nouvelle étude, différentes séquences d’aminoacides (A, G, T, C) du ligand d’ADN ont été étudiés. Il a été montré que les propriétés quantiques des boîtes peuvent être contrôlées grâce aux aminoacides. La guanine (G) s’est avérée être le ligand formant la plus forte liaison entre les constituants.
Cette étude montre aussi que plus le ligand de guanine est court plus le complexe obtenu est petit et plus grande est sa luminescence ; 5 à 50 oligomères G étant la longueur optimale. La couleur de la luminescence peut aussi être ainsi contrôlée. De plus, ces résultats montrent que la couleur de la luminescence du complexe synthétisé pouvait être ajustée selon toutes les couleurs dont les longueurs d’onde se trouvent entre celles du vert (500 nm) et du rouge (650 nm) en contrôlant la durée de la réaction chimique. Il faut toutefois noter qu’un vieillissement des complexes a été observé au cours de leur conservation impliquant une dégradation de leurs propriétés.
Le transfert d’énergie d’une boîte à l’autre a été démontré au sein des complexes synthétisés. Ici, le centre du complexe étudié est constitué d’une boîte quantique de grande taille dont la luminescence est rouge. A cette boîte ‘rouge’ sont liées des boîtes plus petites dont la luminescence est orange puis, à ces boîtes ‘oranges’, sont liées de petites boîtes de luminescence verte. Le complexe est a donc une structure linéaire, constitué de 5 boîtes de 3 tailles et luminescences différentes. Une cascade lumineuse entre différentes boîtes quantiques a été observée sous la forme d’un processus absorbant de la lumière rouge, orange et verte et émettant une luminescence propre au complexe et largement dominée par le rouge. Un transfert d’énergie entre les différentes boîtes supérieur à 90% s’est ainsi effectué via les polymères (les ligands).
D’autres résultats intrigants ont été annoncés montrant toute l’innovation de cette étude. Notamment, il a été démontré que le complexe synthétisé augmentait de volume lors d’une augmentation du pH de la solution (cela étant peut être dû à la ‘protonisation’ des ligands). Cette augmentation de volume résulte alors en une baisse d’efficacité du transfert d’énergie entre boîtes quantiques et donc en une diminution de la luminescence. On obtient donc un complexe sensible à son environnement (ici le pH) et dont les propriétés optiques peuvent être ‘activées’ ou ‘dés activées’ à volonté. Par ailleurs, les complexes ont pu être ‘déconstruits’ grâce à des DNases; les propriétés des complexes déconstruits étant similaires à celles des constituants non-liés (avant auto-assemblage). Cela prouve la réversibilité du processus.
En conclusion, il a été démontré qu’il était possible de synthétiser diverses formes de complexes à base de boîtes quantiques de différentes tailles et luminescences et ce grâce à des ligands d’ADN. Les propriétés de ces complexes sont hautement modulables. De nouveaux nanoéléments optoélectroniques pourront être ainsi obtenus puis utilisés dans de nombreux domaines technologiques tels que la conversion lumineuse, les biotechnologies, l’électronique…
[1] DNA-based programming of quantum dot valency, self-assembly and luminescence, G. Tikhomirov, S. Hoogland, P. E. Lee, A. Fischer, E. H. Sargent and S. O. Kelley, Nature Nanotechnology 6, 485 (2011) https://www.nature.com/articles/nnano.2011.100
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1) DNA brings quantum dots to order, Y. Liu, Nanomaterials news and views, 2011 https://www.nature.com/articles/nnano.2011.126